XIII (tome 1) : "Le Jour du soleil noir" (Dargaud ; septembre 1984)

"Le Jour du soleil noir" est le premier tome de la série "XIII". Ce récit de quarante-six planches a d'abord été publié dans "Le Journal de Spirou" (1984) avant de sortir en album la même année.
La série a été créée par Jean Van Hamme (scénario), incontournable scénariste de la bande dessinée franco-belge, cocréateur de "Thorgal", "Lady S." ou "Largo Winch" - s'il ne faut citer que quelques-unes de ses œuvres - et William Vance (dessin), illustrateur de séries importantes telles que, entre autres, "Ringo", "Bob Morane" ou "Bruno Brazil". Assez curieusement, ces deux géants devaient au départ collaborer sur "Bruno Brazil". Vance est malheureusement atteint de la maladie de Parkinson depuis quelques années. Il a pris sa retraite.

La côte Ouest des États-Unis, dans les années quatre-vingt. Un homme d'un certain âge, Abe, pêche au bord de l'eau, à quelques dizaines de mètres de sa maison. Son épouse, Sally, l'appelle pour le déjeuner, mais le chien d'Abe fait tout pour attirer l'attention de son maître. Intrigué par le manège de l'animal, Abe se résigne à le suivre. Il aperçoit le corps d'un homme en haillons, gisant sans connaissance, mais vivant, sur un rocher. Abe et Sally transportent le corps de l'inconnu chez eux. Pendant qu'Abe va chercher Martha, le médecin de la région, Sally ôte ses vêtements au naufragé et le couche dans le canapé. Elle remarque un tatouage sous la clavicule gauche : "XIII". Abe et Martha reviennent et, après un premier examen, le médecin livre son diagnostic : l'homme a été blessé par balle, mais le projectile est ressorti. Elle va cependant devoir l'opérer. Lorsque Sally fait mine de s'inquiéter, Martha la rassure : elle est à jeun et n'a pas encore bu le moindre whisky. Elle opère l'inconnu, puis l'attente s'installe ; Abe et Martha spéculent sur l'identité de l'inconnu. L'opération réussit et le naufragé se réveille. Par contre, il semble avoir tout oublié, jusqu'à son nom...

Avec "Le Jour du soleil noir", Van Hamme nous lance dans une saga majeure de la bande dessinée franco-belge, inspirée - en tout cas, au début - du roman "La Mémoire dans la peau" (1980) de Robert Ludlum (qui met en scène le personnage de Jason Bourne). XIII, un homme dont on ne sait pour le moment absolument rien, se réveille amnésique après avoir été grièvement blessé par une balle. Assez rapidement, il va cependant montrer des aptitudes et réflexes hors du commun. Il va bien entendu se mettre à la recherche de son identité, de son passé et de sa mémoire. Ses recherches vont faire ici leurs premières victimes, un couple de petits vieux innocents et un ex-médecin alcoolique. La liste va bien sûr s'allonger. À part XIII, les deux seuls autres personnages importants de cette saga à apparaître dans ce premier tome sont le colonel Amos et la Mangouste, ce redoutable tueur à gages qui ne va plus lâcher XIII.

Au niveau chronologique (XIII est en réalité une uchronie), cette saga (rappelons que ce scénario a été écrit dans le courant de l'année 1984) démarre lors du premier mandat de Ronald Reagan (1981-1985) et ne tiendra pas compte du fait que ce dernier sera réélu en 1985 pour un second mandat. Le successeur de Ronald Reagan se nomme ici William Sheridan (donc sans aucun doute du Parti démocrate). Sheridan a été assassiné et XIII est le suspect numéro un. Van Hamme déploie son intrigue sur un rythme haletant ; il malmène son héros amnésique dès sa sortie du coma et ne lui laisse aucun répit, entre tueurs à gages à ses trousses ou amitiés récemment liées et aussitôt emportées. Évidemment, il y a la solitude d'un homme qui va rapidement comprendre qu'il ne peut faire confiance à personne. Bien entendu, il y a la colère, l'impuissance de XIII face au "mur blanc", au vide d'identité et à l'absence de mémoire.

Lorsque la série est lancée, Vance est un dessinateur chevronné ; il a presque cinquante ans et plus de vingt années de métier. Bien que ses héros se ressemblent quand même tous un peu, le visage de XIII n'est peut-être pas encore tout à fait définitif dans ce premier tome - il le sera à partir du second. Pour le reste, tout l'art de l'artiste est là : le découpage, classique, est impeccable et la narration est d'une lisibilité exemplaire. Notons le sens du mouvement et de l'action (avec découpage cinématographique de certaines scènes). Les cases et les fonds de cases sont travaillés.

"Le Jour du soleil noir" est le premier tome d'une série majeure et incontournable de la bande dessinée franco-belge. Dès les premières pages, action et suspense sont présents. La suite est contée dans le second tome, intitulé "Là où va l'Indien..." (1985).

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

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