L'histoire a été entièrement produite par Edgar P. Jacobs, véritable légende du neuvième art, hélas trop peu prolifique, puisqu'il ne réalisera que onze albums pendant ses quarante-cinq ans de carrière. Jacobs collabora aussi avec Hergé sur "Tintin au Congo", "Tintin en Amérique", "Le Sceptre d'Ottokar", "Le Lotus bleu", "Les Sept Boules de cristal" et "Le Temple du Soleil" et y dessinera notamment des décors ou du matériel.
Le chef des services secrets austradiens remet à l'empereur Babylos III une missive du capitaine Dagon, en mission spéciale en Norlandie. L'espion informe le souverain que la Norlandie a chargé le professeur Marduk de retrouver le gisement d'uradium découvert par le défunt géologue Kellart Hollis ; Marduk doit monter une expédition. L'objectif des Norlandiens est ensuite d'utiliser le précieux minerai à des fins militaires. Babylos entre en vidéoconférence avec Dagon et donne ses ordres : en aucun cas, l'expédition ne doit rentrer en Norlandie.
Norlandia, capitale de la Norlandie. Les travaux de laboratoire du professeur Marduk et de son assistance Sylvia (la fille de Hollis) sont couronnés de succès. Il leur faut maintenant l'uradium afin concrétiser les efforts de recherche. Mais Dagon a déjà pénétré dans la propriété. Il traverse le parc et se dirige vers la villa de Marduk. Il déclenche, à son insu, le système d'alarme du laboratoire. Sylvia avertit le scientifique, mais celui-ci n'a pas attendu ; il a appelé la police et met ses pièges en place, notamment celui du sas, qui devrait se refermer sur l'intrus dès qu'il est entré dans la pièce. Il disparaît, suivi par Sylvia, par un passage secret. Dagon est sur leurs pas. Cependant, sa méfiance s'éveille à la vue du portail resté ouvert ; il consulte son détecteur de rayons et comprend qu'il s'agit d'un traquenard. Il n'a que le temps de sortir du laboratoire et de quitter la propriété en vitesse, sous le feu nourri des policiers norlandiens, déjà arrivés sur les lieux. L'espion leur échappe, mais les policiers trouvent un insigne des services secrets austradiens. L'Austradie connaîtrait donc le projet des Norlandiens...
"Bravo !" demande à Jacobs de créer un succédané de "Flash Gordon" pour les publics belge et français ; le major Walton est l'incarnation de Flash Gordon, tout comme l'empereur Babylos III est celle de Ming l'Impitoyable, dans un univers aujourd'hui visuellement daté. Le scénario, linéaire, est structuré avec art et métier. Le découpage de l'action est d'une limpidité exemplaire. Graphiquement, les lignes sont vieillottes, mais splendides, bien que certaines cases manquent de mouvement et que les protagonistes arborent des visages rarement expressifs. "Le Rayon U" fait honneur à la créativité légendaire de son auteur. On retrouve l'inventivité du trait de Jacobs, notamment pour les véhicules (la voiture du major Walton, les aéronefs), les uniformes ou les paysages. L'amateur des "Aventures de Blake et Mortimer" trouvera ici des idées embryonnaires de l'incontournable série. Bien que la conception de ces personnages ait eu des modèles existants, Dagon annonce déjà Olrik, et Lord Calder, l'explorateur norlandien, le capitaine Francis Blake. Adji, l'incarnation type du majordome indien, servira de modèle à Nasir, comme le professeur Marduk sera une source d'inspiration pour le professeur Philip Mortimer. Jacobs reprendra ensuite certaines idées pour ces albums les plus teintés de science-fiction, "Le Piège diabolique" ou "L'Énigme de l'Atlantide". C'est une bonne initiative de l'éditeur d'intégrer "Le Rayon U" à la série "Blake et Mortimer" sous le numéro zéro, d'autant que c'est la seule et unique histoire produite par le maître en dehors de son titre-phare.
"Le Rayon U" est plus qu'un ersatz du "Flash Gordon" d'Alex Raymon (1909-1956). Outre ses indéniables liens de parenté avec "Les Aventures de Blake et Mortimer", c'est une bande dessinée d'aventures réussie qui reste aujourd'hui un petit délice suranné.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Hasard du calendrier : Tornado vient de publier un article sur Le rayon U, il y a quelques jours sur amazon. La seule dont je me souviens sur cette BD, c'est que je n'ai pas réussi à la finir.
RépondreSupprimerEn ce qui me concerne, je ne sais pas si je parviens encore à être objectif à l'égard de l'œuvre de Jacobs.
SupprimerSur ce blog, j'avais commencé à écrire des articles sur les "Blake et Mortimer" de la reprise, tant j'étais intimidé par les albums du maître. Relire et chroniquer "Tintin au pays des Soviets" (je faisais un blocage similaire avec Hergé, mais de moindre amplitude) m'aura aidé, en un sens.