dimanche 18 septembre 2016

Thorgal (tome 3) : "Les Trois Vieillards du pays d'Aran" (Le Lombard ; janvier 1981)

"Les Trois Vieillards du pays d'Aran" est le troisième tome de la série "Thorgal". Il est sorti aux éditions Le Lombard en janvier 1981. Les événements qui s'y déroulent font suite à "L'Île des Mers gelées". Cet album n'appartient à aucun cycle, contrairement aux deux précédents ; c'est un récit indépendant.
Le scénario a été écrit par Jean Van Hamme, qui restera le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il s'est retiré. La couverture, les dessins, l'encrage ainsi que la mise en couleurs ont été réalisés par Grzegorz Rosiński, toujours dessinateur de la série. Cet album compte quarante-six planches.

Thorgal et Aaricia, rentrés de leur périple sur l'Île des Mers gelées, ont enfin pu se marier et quitter leur village du Northland. Thorgal mène son cheval vers les forêts de la vallée, avec Aaricia montée en amazone à ses côtés. Il demande à son épouse si elle regrette le village de son enfance, ce à quoi elle lui répond que son pays sera là où son mari l'emmènera. Thorgal n'a cependant pas la moindre idée de leur destination. Mais Aaricia sait qu'elle est en sécurité avec lui et lorsque Thorgal lui expose les dangers de la route (pillards et brigands), elle lui rétorque qu'elle ne craint rien en sa compagnie. À cet instant, une voix la complimente pour son courage. Thorgal met pied à terre et demande à leur interlocuteur, qui se dissimule dans un arbre, de descendre. Une créature en saute avec agilité, un gnome d'un certain âge, au teint grisâtre, avec deux bosses au sommet du front et qui porte une livrée de bouffon, rouge et verte. Il se présente sous le nom de Jadawin. Obséquieux, il souhaite à Thorgal et Aaricia la bienvenue au pays d'Aran et ajoute qu'il les attendait. Thorgal, surpris, demande des explications à Jadawin, qui affirme vouloir les conduire à la fête de son village. Aaricia est aussitôt enthousiaste ; Thorgal, méfiant, finit cependant par accepter et le trio se met en route.
Ayant traversé la forêt, ils arrivent aux abords du village, situé sur les bords d'un lac à l'eau noirâtre et au milieu duquel trône une forteresse surplombée par un donjon. Tandis que Jadawin les fait entrer dans le village, Thorgal est frappé par l'allure de ses habitants. Ils ont tous le teint blafard, leur regard est fixe et leurs yeux semblent exorbités ; aucun son ne sort de leur bouche et leur comportement ne reflète aucun entrain, malgré les préparatifs de la fête. Intrigué, Thorgal demande des explications au gnome, qui lui répond que ce sont les Bienveillants, apparemment les seigneurs locaux, qui ont ordonné les réjouissances ; il n'en sait pas plus. Il ajoute que ce sont eux qui demeurent dans le château du Lac sans Fond. Thorgal commence à s'inquiéter, lorsque l'attention d'Aaricia est attirée par un portique au centre duquel est attaché un superbe collier...

Le scénario est brillant. Van Hamme produit un chef-d'œuvre avec un conte sur la folie du pouvoir, la décrépitude morale que ce dernier peut engendrer et l'obsession pour l'accumulation de richesses et la jeunesse éternelle (bien qu'elle soit ici un moyen plutôt qu'une fin en soi). Cette histoire est largement teintée de fantastique (diversité des créatures, voyages dans le temps, autres mondes, nature de la Gardienne des Clés), plus encore que les deux tomes précédents. L'auteur met en scène un peuple écrasé, usé et éteint à force d'avoir été exploité, à qui l'on offre des jeux et une fausse reine comme seules réjouissances. La seconde partie de l'histoire reprend certains codes du tournoi médiéval ou plutôt de l'épreuve de force entre guerriers.
L'art de Rosiński est admirable. Le progrès réalisé par rapport à l'album précédent est sensible. L'artiste cultive la variété de ses personnages, ce qui est visible avec les participants à l'épreuve, chacun étant doté d'une physionomie et d'une allure leur étant propres. Rosiński fait parfois preuve d'inventivité dans son découpage (voir les planches 11, 16, 37 ou 45). Mais c'est dans le rendu d'ambiance et dans l'utilisation des couleurs, qu'il est particulièrement fort ; les scènes nocturnes, notamment, qui se déroulent dans le château sont remarquables de par l'utilisation des ombres par l'artiste, sans oublier le monde dissimulé par la Porte du Feu. Le soin apporté aux visages, à leurs détails lors des plans rapprochés ou à leurs expressions est notable.

"Les Trois Vieillards du pays d'Aran" est l'un des très grands tomes - sans doute l'un des meilleurs - de la série. C'est un véritable classique de la bande dessinée franco-belge. À cet album indépendant fera suite un nouveau cycle, celui de Brek Zarith.

Mon verdict : CHEF-D'ŒUVRE

Barbuz

2 commentaires:

  1. Chef d'œuvre : et moi qui n'ai gardé aucun souvenir de cette lecture… encore une fois où je ne devais pas être dans une bonne disposition d'esprit, pas réceptif.

    J'ai beaucoup aimé ton paragraphe sur l'art de Rosiński : le progrès par rapport à l'album précédent, les physionomies variées, l'utilisation des couleurs, des ombres.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, "Chef-d'œuvre", et avec le recul, ça reste l'un des très grands tomes de cette saga. J'avais lu quelques planches de ce tome étant gamin, et ça m'a marqué durablement.

      Supprimer