samedi 12 septembre 2015

Maggy Garrisson (tome 2) : "L'Homme qui est entré dans mon lit" (Dupuis ; avril 2015)

"L'Homme qui est entré dans mon lit", sorti en avril 2015 aux éditions Dupuis, est le second volume de la série "Maggy Garrisson", créée par Lewis Trondheim (à qui l'on doit notamment les séries de l'univers "Donjon" ou encore "Ralph Azham") et Stéphane Oiry ("La Nouvelle Bande des Pieds nickelés").
Trondheim a écrit le scénario de cet album de quarante-six planches. Oiry en a réalisé les illustrations et l'encrage ; l'illustratrice Mélanie Deyme l'a aidé pour la mise en couleur.

L'action se déroule quelques jours - voire quelques heures - après la fin du premier tome. Dans "Fais un sourire, Maggy", la jeune femme, de fil en aiguille, découvre une combine de monnaie parallèle (des coupons de salle d'arcade à Brighton) mise en place par le crime organisé. Sans encore comprendre de quoi il en retourne, elle remet les coupons à deux policiers, dont son amie Sheena. C'est dans le cadre de cette affaire qu'elle rencontre Alex Barry, un informaticien au chômage depuis belle lurette qui, de temps en temps, officie en tant qu'encaisseur (ou extorqueur) pour son cousin, un petit mafieux local. Alex, révélant l'affaire à Maggy et - surtout - lui faisant réaliser la trahison de Sheena, réussit à la convaincre d'essayer de mettre la main sur les coupons en doublant la policière véreuse. La chance est avec eux, et les deux tourtereaux se retrouvent en possession de trente mille livres sterling en billets de banque.
Tandis que Maggy, en proie aux doutes et à la mauvaise conscience, réfléchit à sa situation, Alex lui interdit de toucher à leur pactole avant deux ans, afin que les choses se tassent tranquillement. Elle recherche un endroit dans son appartement où dissimuler ses billets ; le sac de l'aspirateur fera l'affaire. Vaguement rassurée, elle s'impose de reprendre sa routine habituelle ; faire les courses au supermarché local, envoyer quelques SMS à Sheena comme si de rien n'était et fréquenter les mêmes endroits que d'habitude, notamment le pub du coin.
Le barman, qui a eu l'occasion d'être convaincu du flair et de la débrouillardise de Maggy dans le tome précédent, lui présente un prénommé Stephen, qui a récemment perdu sa mère et qui soupçonne sa sœur d'avoir fait main basse sur les économies (sept mille livres sterling) et les bijoux de celle-ci. Maggy accepte l'affaire que lui propose Stephen, à savoir s'introduire au domicile de sa sœur et essayer d'y trouver l'argent et les bijoux.
Rentrée chez elle, Maggy s'évertue à trouver une autre cachette pour ses liasses lorsque Sheena l'informe de sa visite. Maggy est surprise de voir le visage tuméfié de sa fausse amie et réalise brutalement qu'Alex, qu'elle connaît finalement si peu, a eu la main bien lourde...

"L'Homme qui est entré dans mon lit" s'ouvre sur ce climat de suspicion et de paranoïa que peuvent générer une mauvaise conscience. Maggy a peur d'être démasquée par la police. Elle est effarée à l'idée que ceux à qui elle a volé l'argent ne la retrouvent. Elle craint que Sheena ne découvre le pot aux roses. Et elle réalise que la brutalité fait partie de la vie d'Alex ; d'ailleurs, jusqu'à quel point peut-elle lui faire véritablement confiance ?
Trondheim construit son intrigue d'une façon similaire à celle du précédent volume, en imbriquant une intrigue secondaire dans son scénario. Il étoffe son personnage ; dans cet album, les lecteurs font connaissance de la mère de Maggy et découvrent qu'elle a une sœur.
La narration du scénariste est particulièrement décompressée. Il y a plusieurs cases sans paroles et de nombreuses pages où les dialogues (ou monologues) sont rares. Cette technique permet d'asseoir l'articulation de l'action et d'en assurer la limpidité.
Oiry soigne ses illustrations. Il dessine entre dix et douze cases par page. Son découpage est régulier et classique. L'artiste privilégie le plan moyen (il y a très peu de plans rapprochés) ; ces techniques renforcent l'impact de la narration décompressée et donnent une impression d'unité et de cohésion graphiques. Le travail sur la couleur est remarquable (notamment les scènes se déroulant dans le pub).

Ce second tome est une réussite. Il s'inscrit pleinement dans la lignée du précédent. Cette fois-ci, Maggy semble bien avoir fait ses preuves auprès de son détective alcoolique d'employeur. Reste maintenant à savoir à quel point Sheena a la dent dure...

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Un climat de suspicion et de paranoïa que peuvent générer une mauvaise conscience : voilà une dynamique de récit que j'aime bien car elle me parle.

    Ces techniques renforcent l'impact de la narration décompressée : je crois que je n'ai pas compris cette remarque parce que j'associe le nombre élevé de cases à une narration dense, et la faible quantité de plans rapprochés au fait que le dessinateur a du coup beaucoup plus de choses à dessiner dans la case (s'il représente les arrière-plans) et donc qu'il en raconte plus visuellement.

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    1. Tu as sans doute raison ; il faudra trouver une définition "officielle". Pour moi, une narration décompressée c'est une action limitée dans un certain nombre de vignettes, qu'il soit élevé ou pas. Je dirais que plus le nombre de cases est élevé, plus la sensation de décompression l'est aussi.

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