"Les Fantômes de Knightgrave" est un album de près de quatre-vingt-dix pages, sorti chez Dupuis en 2014. C'est le premier tome d'une nouvelle série consacrée à Choc, génie du crime dissimulant son visage sous un heaume, ennemi juré de Tif et Tondu et chef de l'organisation criminelle de la Main blanche.
"Choc" permet à Éric Maltaite - fils de Willy Maltaite, alias Will (1927-2000) - de faire perdurer l'œuvre de son père en en tirant une série dérivée qui lui donne une nouvelle jeunesse et une autre dimension. Il illustre le scénario de Stéphan Colman, auteur des derniers scénarios en date pour le Marsupilami.
"Choc" permet à Éric Maltaite - fils de Willy Maltaite, alias Will (1927-2000) - de faire perdurer l'œuvre de son père en en tirant une série dérivée qui lui donne une nouvelle jeunesse et une autre dimension. Il illustre le scénario de Stéphan Colman, auteur des derniers scénarios en date pour le Marsupilami.
L'histoire des "Fantômes de Knightgrave" est bâtie
sur trois périodes discinctes. La première se situe entre 1917 et 1919. Pendant la première
guerre mondiale, Eden Cole, un tankiste britannique, s'éprend de Jeanne, une
jeune Cambrésienne, qui s'offre à lui le temps d'une nuit. Éperdument
amoureuse, elle va traverser la Manche après la guerre pour retrouver son amant
et vivre avec lui à Londres. Lui, a été grièvement blessé et psychologiquement
meurtri par le conflit ; il a perdu un bras, est devenu alcoolique et est aujourd'hui profondément aigri. Elle, naïve mais prudente, lui cache d'abord que le nourrisson qu'elle lui présente comme son fils est en réalité né
d'un viol...
La seconde période se déroule entre 1926 et 1934. Eden Cole,
militant communiste, est tué par un policier sous les yeux de son fils lors
d'une manifestation. Grâce à la cousine d'une amie, Jeanne est
recommandée comme domestique à Lord Essex, un riche aristocrate.
Là encore, le drame va suivre le jeune Eden, qui porte le prénom de son
père adoptif. Victimes de la jalousie du fils de Lord Essex et de celle d'un domestique, la vie de cette mère courageuse et celle de son jeune fils
vont se transformer en cauchemar. Après avoir été trompé, le jeune Eden est
envoyé en maison de correction ; il y est soumis à la brutalité des
surveillants. Mais, surtout, il va perdre sa mère...
La dernière période ("actuelle") se situe en 1955.
Choc, ayant pris l'identité du discret marquis Di Magglio, fait l'acquisition du château de
Lord Essex pour offrir un tombeau à la mémoire de sa mère. Il a déjà orchestré
sa vengeance. Ceux qui les ont aidés, lui et sa mère, seront récompensés ; les autres, leurs bourreaux, leurs ennemis, seront impitoyablement exécutés. Mais Choc n'est pas
l'homme d'un seul projet. Simultanément, tout en faisant le ménage au sein de ses
propres troupes, il s'empare de l'or de la SBS (une grande banque suisse)
ainsi que d'un joyau détenu par un sultan au cours d'une opération spectaculaire et impressionnante de moyens et de planification. La police, pourtant déployée et aux aguets, elle reste impuissante...
Cette intrigue, ou plutôt, ces intrigues, qui n'en forment qu'une seule, sont passionnantes. Les souvenirs de Choc aident à comprendre comment l'on a créé un monstre à force d'injustices et de coups du sort. Le scénariste, bien que tombant parfois dans une certaine forme de "manichéisme social" (le vilain fils de riche, les gentilles prostituées et les méchants policiers), nous dépeint ainsi l'évolution d'un jeune garçon naïf et gentil, qui, humilié et victime de la brutalité et de la méchanceté du monde qui l'entoure, va devenir un implacable génie du crime en faisant siennes les maximes de Lord Essex et en appliquant tout ce qu'il a appris aux échecs avec son maître. Un génie du crime qui, pour décompresser, s'adonne à la consommation d'héroïne.
Les illustrations de Maltaite, à mi-chemin entre réalisme et École de Marcinelle, sont réussies. Son Choc explose de charisme et chaque protagoniste a sa propre physionomie bien distincte. Il faut bien prêter attention aux détails pour que l'action reste lisible.
Exécutions sommaires, scènes de guerre, de viol, violence,
drogue, ambiance particulièrement sombre... On pourra toujours gloser sur la rupture de "philosophie"
et de "contenu" des "Fantômes de Knightgrave" avec la série
"Tif et Tondu" d'origine. Il n'empêche
que les auteurs réussissent leur pari et que l'essai est transformé. Maltaite
parvient ainsi à offrir une toute nouvelle dimension à l'œuvre de son père.
Dans son dictionnaire philosophique (1764), Voltaire
écrivait : "L'homme n'est point né méchant ; il le devient, comme il
devient malade." Des propos illustrés par l'impitoyable Choc et son
singulier et cruel destin. Vivement le second tome !
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Exécutions sommaires, scènes de guerre, de viol, violence, drogue, ambiance particulièrement sombre : le décalage avec Tif & Tondu doit surprendre au début.
RépondreSupprimerManichéisme social : je présume que si tu l'as mentionné, c'est que ça jure un peu avec l'analyse systémique qui montre Choc comme le fruit de ce qu'il a subi.
Son Choc explose de charisme : belle réussite, car j'ai beaucoup de mal avec ce heaume.
Oui, ça m'a surpris ; mais à l'époque, je n'avais pas lu grand-chose de "Tif et Tondu". La surprise a donc été largement amortie.
Supprimer"Manichéisme social" : Non, je l'ai mentionné parce que je trouve que cette vision du monde est un discours naïf que je retrouve chez beaucoup d'auteurs. Mais ici les auteurs évitent le noir et blanc.
J'ai toujours trouvé que Choc avait une classe folle. Et il en est de même dans cette trilogie.