dimanche 9 juillet 2017

Thorgal (tome 13) : "Entre terre et lumière" (Le Lombard ; novembre 1988)

"Entre terre et lumière" est le treizième tome de la série "Thorgal". Il est sorti aux éditions Le Lombard en novembre 1988. C'est aussi le dernier volume, l'épilogue du "Cycle de Qâ" ou "Cycle du pays qâ", le troisième de la saga (en cinq parties). C'est la suite de "La Cité du dieu perdu", paru en octobre 1987.
L'histoire a été écrite par Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. La couverture, les dessins, l'encrage ainsi que la mise en couleurs ont été réalisés par Grzegorz Rosinski, qui est toujours dessinateur de la série. L'album compte quarante-six planches.

À l'issue de "La Cité du dieu perdu", Thorgal, Aaricia, Kriss de Valnor et Tjall-le-Fougueux se trouvent dans la cité. Thorgal, promis au sacrifice, parvient à s'échapper. Tjall, poignardé par Naztac, y laisse la vie. Kriss affronte Ogotaï sur son terrain, mais celui-ci la punit en la vieillissant instantanément. Il emmène Aaricia, dont il veut faire sa déesse. Ægirsson s'interpose, mais il perd son corps-à-corps. Kriss lui sauve néanmoins la vie, en trouvant la force d'abattre Ogotaï. Thorgal, Aaricia et Kriss quittent la cité, la laissant en proie à la jungle, au temps.
Thorgal et les siens sont rentrés saints et saufs de Mayaxatl à la cité des Xinjins. Alors qu'Aaricia semble se reposer et reprendre des forces dans cet endroit paisible, Thorgal arbore une mine sombre. Il veut arracher Thorgal aux Xinjins et partir avant que le garçon ne devienne un véritable dieu vivant.
Jolan est dans sa chambre. Il a mis le casque d'Ogotaï, et, assis en tailleur, fixe une fiole posée sur une tablette, au pied de laquelle se trouve son chien Muff. Il se remémore les paroles de Tanatloc : "Tu dois apprendre à voir". Il regarde l'objet avec une intensité croissante. Rien ne se passe. Absolument rien. De dépit et de rage, il jette le casque sur le récipient, qui se brise. Il se met alors à trépigner et à piétiner ce qu'il en reste, criant qu'il ne voit rien, mais il se blesse au pied avec un éclat de bouteille et pousse un hurlement de douleur. Déconfit, il se laisse tomber sur son lit et s'abandonne à des sanglots de découragement. Il sent une main sur son épaule. C'est le régent Uébac, qui s'est approché du gamin afin de le réconforter. Jolan ne se savait pas observé. Le dignitaire lui promet qu'il sera toujours là pour le servir et l'aider. Le jeune garçon lui affirme que le casque d'Ogotaï, fait de bois peint, n'avait finalement rien de magique. Uébac, déjà au courant, avait compris que le vrai pouvoir était en Ogotaï, comme Tanatloc, et comme Jolan. Celui qu'ils ont appelé Hurukan se plaint qu'il n'arrive à rien depuis la mort de Tanatloc, ce qui est normal, ajoute Uébac, car Jolan est encore jeune et a besoin de temps, de patience...

"Entre terre et lumière" est la conclusion du "Cycle du pays de Qâ". Maintenant que Thorgal et les siens, malgré la mort de Tjall-le-Fougueux, sont venus à bout d'Ogotaï, Thorgal doit affronter la réalité politique des Xinjins : "Le roi est mort, vive le roi". Et Jolan s'applique et fait tout pour remplir son nouveau rôle. Encore une fois, comme dans "Alinoë", Thorgal et Aaricia vont devoir faire face aux imprévisibles conséquences des caprices de leur fils, d'autant qu'ils sont encouragés par des politiciens ambitieux et rompus à l'exercice du pouvoir (un thème déjà évoqué précédemment, dans "La Chute de Brek Zarith"). Les auteurs n'hésitent pas à livrer une version totalement iconoclaste de Kriss de Valnor, vivant seule, comme une recluse, avec son or, tel un vieux dragon édenté, inoffensif, une vieille avare, véritable pendant féminin de l'Harpagon de Molière - expérience qui ne la change pourtant pas. L'intrigue, cohérente, solide, particulièrement inspirée et riche en retournements de situation, est gérée de main de maître. L'émotion est très présente.
Cet album surprend par sa combinaison de lumière et de couleur. Rosinski excelle toujours à créer des scènes se déroulant dans la pénombre, dans la nuit ou au coin de feu. Graphiquement, les passages les plus forts sont la séance de torture aux reflets du soleil (avec l'incroyable escalade qui s'ensuit, à la narration très décompressée) et la rencontre entre Kriss et Jolan et les expressions de leurs visages.

"Entre terre et lumière" est la conclusion brillante de l'un des grands moments d'une série qui en compte beaucoup. C'est un classique intemporel qui surprend par la qualité du matériau, l'imagination des auteurs, l'excellente partie graphique du cycle.

Mon verdict : ★★★★★

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence31 juillet

    La narration très décompressée. - C'est vraiment une prise de risque pour les auteurs que de consacrer plusieurs pages à une narration essentiellement ou exclusivement visuelle. Ce choix est encore plus risqué dans les comics où il subsiste une idée reçue tenace estimant que la narration visuelle est le parent pauvre de la littérature et que la qualité d'un comics peut encore se juger au volume de texte. La rapidité d'assimilation des informations visuelles (par rapport à la lecture de mots) peut faire croire qu'il n'y a pas grand chose de raconté.

    Il y a là 2 écoles qui s'opposent. La méthode Marvel est basée sur des scripts qui comportaient des indications du genre Spider-Man se bat contre le bouffon Vert pendant 4 pages, charge à l'artiste de remplir les 4 pages en question avec des acrobaties spectaculaires. D'autres scénaristes et parfois auteurs complets ont essayé l'exercice d'un épisode (une vingtaine de pages) sans paroles et sans texte et ont été confronté à la difficulté de raconter une histoire substantielle sans mots pour densifier le récit, à la difficulté de tout devoir rendre explicite par les images.

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    1. Je suis plutôt un opposant de la narration compressée à outrance. C'est un des nombreux points qui m'énervent beaucoup dans les comics. Mais bon, j'imagine qu'il faut être capable de maîtriser les deux selon les scènes que l'on met en page.

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