lundi 20 novembre 2017

Alix (tome 3) : "L'Île maudite" (Casterman ; janvier 1957)

"L'Île maudite" est le troisième tome de la série créée par l'auteur français Jacques Martin (1921-2010) en 1948. Cette histoire est d'abord prépubliée dans l'édition belge du "Journal de Tintin", entre juin 1951 et avril 1952. Le Lombard attendra jusqu'en 1957 avant de rééditer ces pages en album.
Martin est également célèbre pour d'autres séries, telles que "Lefranc", ou "Jhen". En 1991, il est diagnostiqué d'une dégénérescence maculaire qui le rend quasiment aveugle et l'éloigne des tables de dessin dès l'année suivante. Il délègue alors le dessin à d'autres artistes et se fait assister à l'écriture.
"L'Île maudite" compte soixante-deux planches. Casterman reprend "Alix" à la maison Le Lombard en 1965-1966 et réédite les cinq premiers albums progressivement (1969 pour celui-ci).

À l'issue du tome précédent, les troupes égyptiennes, menées par Sénoris, donnent l'assaut à la cité cachée depuis laquelle Arbacès, se faisant passer pour un pharaon, ourdit un complot contre Rome. Les pertes sont nombreuses, la résistance est acharnée ; la citadelle finit par tomber, mais Arbacès s'enfuit.
Carthage, alors sous administration romaine, est en ébullition. Les notables sont en colère ; bien qu'un danger plane sur la cité, Rome ne semble pas disposée à intervenir. Au palais, les discussions animées sont interrompues par un soldat, qui réclame le silence, demande à chacun de regagner sa place, et annonce le gouverneur Flavius. Ce dernier pénètre dans l'hémicycle. Les bavardages reprenant, Flavius ordonne le silence ; courroucé, il menace de faire évacuer la salle. Le calme étant rapidement revenu, le gouverneur informe l'assemblée qu'un envoyé extraordinaire de Rome, chargé par les consuls d'enquêter sur les événements récents, doit arriver d'un instant à l'autre. L'un des notables estime que des légions auraient été préférables, mais Flavius rétorque que Carthage n'est pas en guerre. C'est alors qu'entre l'envoyé, qui n'est autre Alix. Un irrépressible éclat de rire parcourt l'assemblée ; Rome a dépêché un enfant ! Le gouverneur est lui-même étonné. Alix ne semble pas affecté par les quolibets et remet à Flavius une lettre de César. L'assemblée étant toujours hilare, Alix se retourne ; il réprimande les notables, dont l'attitude est une offense à Rome. Comment osent-ils rire ? Un instant estomaqués, ces derniers explosent d'indignation. Flavius réclame le silence à nouveau, lorsqu'Alix s'avance vers les notables et jette sa dague au sol. Si c'est après lui qu'ils en ont, qu'attendent-ils pour se débarrasser de lui ? Une personne dissimulée derrière les tentures donne alors un coup de pied dans l'épaule de Ségabal, un notable, et lui intime l'ordre de faire taire l'assemblée...

Alix lutte contre une puissance étrangère qui enlève des savants et les force à collaborer à la conception et la fabrication d'armes nouvelles devant leur assurant la suprématie militaire. L'idée est séduisante, mais l'histoire tient malheureusement davantage d'un roman de Jules Verne (Martin parvient néanmoins à ne pas noyer ses dialogues dans des détails techniques) que d'une aventure antique. L'intrigue est structurée, mais le scénario pâtit de quelques invraisemblances : par exemple, les Romains tirant sur la barque au risque de blesser Enak (planche 21), ou encore l'alliance immédiate entre Alix et Apollon dans la seconde qui suit leur toute première rencontre (planche 38) ! Enfin, les personnages d'Apollon, Kamar, Tibon et Sarib sont une tentative de Martin d'introduire une note humoristique dans cet épisode, bien que le résultat soit poussif. On a évoqué l'ombre (étouffante ?) d'Hergé sur l'œuvre.
La densité de cases par planche est toujours aussi élevée ; elle monte jusqu'à dix-huit et descend rarement en dessous de quinze. Cet ouvrage approche donc les mille cases ! Les influences d'Hergé (1907-1983) et surtout de Jacobs (1904-1987) se font plus que jamais ressentir dans ces pages, dans les représentations de mouvement, les idéogrammes divers (étoiles multicolores pour les coups, par exemple), ou encore les traits des nouveaux personnages créés : "Le Journal de Tintin" (qui appartient aux éditions Le Lombard) avait d'ailleurs exigé que Martin "singe" le trait de Jacobs.

Malgré l'excellente première moitié, "L'Île maudite" est sans aucun doute le moins bon des premiers albums du titre. Martin a d'ailleurs affirmé dans "La Voie d'Alix", de Michel Robert (Dargaud), que c'était le seul numéro qu'il aurait voulu recommencer. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence01 décembre

    15 à 18 cases par planche, ça laisse rêveur... combien de temps faut-il pour lire un tel album ? 1 heure ? 2 heures ?

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    1. Sans doute, oui. Sachant que les albums de cette série comptent plus de soixante planches, contrairement aux "standards" en vigueur dans les "XIII", "Thorgal" ou "Blueberry".

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