"L'homme sans peur" est un album cartonné (format 17,2 × 25,5 centimètres) à jaquette de cent cinquante planches, sorti dans la collection "Culture Comics" des éditions Bethy. En VO, ces épisodes ont été publiés entre octobre 1993 et février 1994 sous la forme d'une mini-série de cinq épisodes intitulée "Daredevil: The Man without Fear". L'existence de Bethy aura été fugace : vingt-trois titres entre janvier 1997 et mars 1999, puis terminé.
Frank Miller écrit le scénario ; l'auteur revient à l'un de ses personnages phares après plus de sept ans d'absence et "Guerre et paix" ("Love and War"), coproduit avec Bill Sienkiewicz en 1986. John Romita Jr. signe les dessins ; l'encrage est réalisé par Al Williamson (1931-2010), et Christie Scheele, la mise en couleurs.
Manhattan, quartier de Hell's Kitchen, une nuit d'été. Le petit Matthew Murdock, assis sur l'escalier de secours du bâtiment où il habite, se laisse envelopper par la fraîcheur nocturne en attendant le retour de son père à la maison. Le lendemain, le visage dissimulé par un passe-montagne, il joue un bon tour à l'agent Leibowitz, le trouble-fête du quartier, en dévalant la rue en planche à roulettes et en lui chipant sa matraque au passage. Poursuivi un moment par le policier haletant et rapidement distancé, il file au gymnase, sa cachette, et y planque son butin.
Le soir même, alors que Matthew est au lit dans sa chambre, son père est installé dans le salon, dans son fauteuil. Visiblement épuisé, perdu dans ses pensées, il contemple la photo d'une inconnue qu'il appelle Maggie et dont il implore le pardon. Matt se lève pour lui demander s'il a l'intention d'aller se coucher. Bien sûr ! Dieu a béni son fils, lui qui n'est qu'une ordure. Le boxeur se laisse guider. Son gamin le réconforte et l'emmène se coucher.
Une nuit, au gymnase. Fixer, un mafieux, fait passer Jack Murdock à tabac. Il exige que Murdock encaisse des fonds pour lui. Lorsque le boxeur refuse, Fixer menace de s'en prendre à son fils...
Après avoir quasiment tout dit sur Tête-à-Cornes, Miller y revient quelques années plus tard pour en remettre les origines au goût du jour. À partir d'un scénario cohérent et particulièrement maîtrisé, l'auteur détaille l'enfance du justicier en en faisant un garçon qui a souffert dès son jeune âge. Le jeune Murdock subit les quolibets de ses camarades de classe (à l'instar de Peter Parker), et la pression de son père, personnage crépusculaire, torturé, d'une fierté qui plie, mais ne rompt pas (ce qui causera sa perte). Matthew grandit un temps sous la férule de Stick, maître difficile, exigeant, à l'empathie chichement dispensée et contrôlée à l'extrême. Puis c'est l'amour fou, charnel, avec Elektra, aussi intense que fugace. Le lecteur a donc droit a un retour sur les grandes étapes de la vie de Matt Murdock avant qu'il ne devienne Daredevil. À part la tendresse certaine que comportent ces pages, l'ensemble souffre d'un manque d'émotion dû, entre autres, à une narration importante inscrite dans les cartouches, et à une atmosphère plus légère que dans "Renaissance", ou dans certains épisodes des années 1982 ou 1983, par exemple. Malheureusement, la conclusion pâtit de cette planche du duel entre Daredevil et Larks ; un moment pour lequel le scénariste, pour cultiver le côté dur à cuire du personnage, n'hésite pas à produire une scène invraisemblable. Graphiquement, c'est beau, soigné. Romita Jr. réalise, en moyenne, cinq à sept cases par planche, dans un format varié, mais au découpage classique, avec quelques exceptions, telle l'étonnante composition en damier lorsque le jeune Matt se repose sur son lit d'hôpital après cet accident qui bouleverse sa vie. Pour le reste, le dessinateur propose une approche graphique sans doute trop léchée. Il a beau multiplier les visages et les regards déformés par l'émotion (notamment la peur), le rythme cardiaque du lecteur ne s'emballe pas, malgré une plongée dans les bas-fonds de New York où le Caïd, imperméable à la crasse sordide qui recouvre ses affaires, règne en maître absolu.
La traduction (aucun crédit) est de qualité et le texte a été soigné. Le rédactionnel, bien que léger, n'a pas été oublié. L'insertion des couvertures originales entre les chapitres aurait été bienvenue ; cette édition est néanmoins globalement fignolée.
"L'homme sans peur", malgré quelques défauts, reste l'un des albums majeurs consacrés au personnage. Le scénario est cohérent, et la partie graphique est soignée. Cet album offre à Daredevil des origines modernisées (et enrichies) qui feront date.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Je partage ton ressenti : c'est toujours agréable de lire une histoire de Daredevil écrite par Frank Miller, mais malgré la prestation impressionnante de JRjr & Al Williamson, il reste une forme de détachement pour le lecteur. Je me souviens que Bruce avait trouvé que l'accident avec la jeune femme avait un trop fort goût de révisionnisme.
RépondreSupprimerSur Facebook, j'ai eu des commentaires comme quoi il s'agissait d'un chef-d'œuvre. Là, je ne suis vraiment pas d'accord avec ce jugement.
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