mardi 17 avril 2018

Batman : "Année un" (Urban Comics ; juillet 2012)

"Année un" est un album d'une centaine de planches (sans les bonus) sorti dans la collection DC Essentiels d'Urban Comics en 2012. Il reprend les numéros 404 à 407 de "Batman" (février à mai 1987). L'éditeur français offre deux versions, dont une incluant un DVD et un Blu-ray de l'adaptation de ce comic book en animé.
Frank Miller écrit le scénario. David Mazzucchelli réalise les dessins et effectue l'encrage de son propre travail. Richmond Lewis se charge de la mise en couleurs de tous les épisodes. Un an plus tôt, Miller et Mazzucchelli avaient déjà produit les six parties du fabuleux "Renaissance", consacré au personnage de Daredevil.

4 janvier. James Gordon arrive à Gotham City par le train, après douze heures de voyage. Le lieutenant de police se demande s'il ne mérite plus que cela. Son compartiment est bondé et crasseux. Il se dit que sa femme, Barbara, viendra en avion. Au même moment, un vol long courrier atterrit. À son bord, Bruce Wayne. Après douze ans à l'étranger, l'héritier de la fortune Wayne rentre au bercail. Le jeune homme regrette d'avoir pris la voie des airs ; il aurait dû prendre le train, afin d'être plus près et de mieux voir l'ennemi. Sur le quai de la gare, Gordon traîne sa valise et refuse l'offre d'un badaud, lorsqu'il est hélé par l'inspecteur Flass. Flass malmène le quidam et le fait dégager brutalement. Il impose une certaine familiarité à Gordon, à qui il explique qu'il a été envoyé sur place par le commissaire Loeb. Gordon hésite, mais Flass l’emmène déjà en lui souhaitant la bienvenue et en se voulant rassurant : ça n'est pas si moche que ça en a l'air, car à Gotham City, les flics font la loi. Pendant ce temps, Wayne vient de descendre de l'avion. Il est attendu par de nombreux journalistes qui l'interrogent sur ses projets, les rumeurs au sujet de la princesse Caroline, etc. Tout cela est retransmis au journal télévisé, qui mentionne ensuite que l'assistant du procureur, Harvey Dent, a dû retirer ses accusations de malversations contre le commissaire Loeb suite à la disparition d'un témoin-clé. Quelques instants plus tard, Loeb reçoit justement Gordon dans son bureau...

Près de cinquante ans après la création du personnage, Miller en enrichit les origines pour en faire une lecture incontournable, un "Big Bang" qui revient sur le lancement de l'univers de l'un des plus grands personnages de fiction de tous les temps. "Année un" - l'humour n'en est pas absent, c'est le roman noir de deux hommes mis en parallèle par la structure narrative : le retour de Bruce Wayne à Gotham City, et l'entrée en fonction du lieutenant James Gordon, muté de Chicago à Gotham City. Deux hommes seuls, chacun confronté à ses propres défis. L'un est impatient. Il veut agir vite. Il pense être prêt, avoir la méthode. Sa première sortie sous le costume de Batman frôle la catastrophe, mais il gagne en expérience et s'offre de véritables coups d'éclat ; le justicier construit sa légende. L'autre est un fumeur invétéré qui n'aime ni son boulot ni les armes. Il est l'un des rares flics propres à Gotham City. Il le paiera cher et assistera, impuissant, à l'effondrement de sa vie de couple. Mais il est résilient - il le faut pour être un flic réglo à Gotham City. "Année un" vous jette Gotham City au visage. Il y pleut souvent. Elle est sale, mal famée, regorge de malfrats et les flics y sont brutaux ou ripoux, les deux dans la plupart des cas. Enfin, "Année un" est une succession de scènes culte déployées le long d'un fil scénaristique stupéfiant de cohérence et de maîtrise : la fenêtre, la première intervention de Batman, le dîner chez le maire, Robinson Park, etc. À cette écriture parfaite et puissante s'ajoute une véritable réussite graphique. Depuis "Renaissance", Mazzucchelli a progressé. Son style reste réaliste (Batman est massif, mais pas affublé des oripeaux habituels, tels que la musculature outrancière) et s'enrichit d'influences impressionnistes. L'encrage n'embarrasse pas les visages de traits inutiles. Le travail sur la couleur est admirable (l'East End). L'artiste n'oublie pas les références, comme en témoigne la scène du bar, inspirée du "Nighthawks" (1942) d'Edward Hopper (1882-1967). Le découpage est classique avec de nombreuses incrustations.
Dans l'ensemble, la traduction de Doug Headline est tout à fait satisfaisante, bien que le texte comporte au moins une faute. La maquette d'Urban Comics est impeccable ; le recueil comprend plusieurs bonus (croquis, extraits du script, etc.).

Plus de trente ans plus tard, "Année un" conserve sa modernité, demeure captivant dans le fond ou la forme, et reste l'un des plus grands comic books jamais produits. Les énièmes relectures ne lassent pas. Elles révèlent souvent de nouveaux éléments.

Mon verdict : CHEF-D'ŒUVRE

Barbuz

4 commentaires:

  1. un des comics qui met une claque graphique et narrative !

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    1. Merci Xavier.
      Celui-là, plus je le lis, plus je l'adore.

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  2. Tout pareil : mes relectures n'affaiblissent pas le plaisir généré par l'histoire. Voilà une histoire qui résiste à l'usure du temps grâce à ses innombrables qualités.

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    1. Quel dommage que Mazzucchelli ait quitté le monde du super-slip...

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