lundi 17 mai 2021

"Crisis on Infinite Earths" (Urban Comics ; juin 2016)

Paru en juillet 2016, dans la collection "DC Essentiels" d'Urban Comics, "Crisis on Infinite Earths" est un album format 19,0 × 28,5 cm à la couverture cartonnée qui comprend approximativement quatre cent quatre-vingt-dix planches en couleurs. Outre le récit éponyme, la minisérie en douze numéros ("Crisis on Infinite Earths" #1-12, avril 1985 à mars 1986), il propose aussi le "Legends of the DC Universe: Crisis on Infinite Earths" ("The Untold Story") - épisode connexe, sorti en février 1999 en VO - ainsi que les deux volumes de "History of the DC Universe" (janvier et février 1987)
Marv Wolfman est le scénariste principal ; il est parfois assisté par Robert Greenberger et Len Wein. George Pérez en est l'unique dessinateur. L'encrage de son travail a été confié à Dick Giordano (1932-2010), Mike DeCarlo et Jerry Ordway ; la mise en couleur à Anthony Tollin, Tom Ziuko, ou encore Carl Gafford. Le "Legends of the DC Universe" est scénarisé par Wolfman, dessiné par Paul Ryan (1949-2016), encré par Bob McLeod, et mis en couleur par Tom McCraw. "History of the DC Universe" est écrit par Wolfman, illustré par Pérez, encré par Karl Kesel, mis en couleur par Ziuko. 

Le Big Bang. Tout n'est que nuit froide et infinie jusqu'à ce que la lumière soit, grandisse, puis donne naissance au multivers : des mondes se reflétant l'un l'autre, à l'infini. De nos jours. Une immense et intense lueur blanche approche dangereusement de l'une des Terres ; à son contact, elle englobe et recouvre tout d'un halo aveuglant et sème la panique chez les Terriens. Une silhouette drapée dans un long manteau vert essaye de leur faire comprendre que fuir est vain ; elle ôte sa capuche, révélant le visage d'un homme tourmenté. Dix mille ans de civilisation viennent d'être "balayés sans raison ni salut". Ému aux larmes, il sait que les gens se sauvent parce qu'ils ont réalisé que prier ne leur serait d'aucun secours ; survolant la foule en proie à la panique, au désespoir, il n'ignore pas que même lui ne pourra échapper à ce cataclysme... 

"Crisis on Infinite Earths" est un monument et appartient à ces épopées qui marquent un genre. Au fond, peu importe l'objectif de départ, parfois jugé cynique ou trop commercial par certains : simplifier un univers dont la continuité, avec le temps, était de plus en plus exposée aux risques d'incohérence. "Crisis on Infinite Earths" est un véritable tour de force, qui met en scène la quasi-totalité des personnages de l'univers DC Comics dans une tragédie d'ampleur cosmique. Que Wolfman soit parvenu à cette trame contrôlée, laissant à chacun un morceau de bravoure avec des caractérisations qui sonnent juste et des dialogues intelligents, suscitera l'admiration. Les liens avec les séries formant le crossover provoquent des trous dans les sous-intrigues ; un mal nécessaire, sous peine de se disperser. Il n'empêche que la narration est maîtrisée ; en dépit de sa complexité, l'intrigue conserve une lisibilité étonnante, sans doute du fait d'une linéarité imperceptible. La tonalité est sombre ; les auteurs (Wolfman, Greenberger, Wein) étant de confession israélite, faut-il voir un reflet de la terreur engendrée par la Shoah devant les plans de l'Anti-Monitor ? N'y a-t-il pas un peu du mythe du Juif errant dans le destin de Paria ? Enfin, l'émotion est réelle, les sacrifices d'étendards du super-héroïsme pour préserver l'espoir font monter les larmes aux yeux. Si "History of the DC Universe" vaut la lecture, le "Legends of the DC Universe", écrit plus de dix ans après, est insipide et inintéressant. 
La partie graphique de Pérez est absolument épatante, époustouflante ; à l'époque, l'artiste vient juste de passer le cap de la trentaine (il est né en 1954). Mais quelle maîtrise dans les compositions ! Ses planches soignées ; ses arrière-plans détaillés d'une rigueur exemplaire malgré la multitude de figurants ; son sens de l'expressivité sans la moindre faute de goût ; son quadrillage créatif et original, avec une surprenante diversité des formats, et des dimensions des vignettes ; et son découpage sans défaut constitue un authentique travail d'orfèvre qui place la barre à un niveau artistique rare, d'exception. Grâce à cette performance qui inclut la productivité aussi, puisque le dessinateur a réussi à accoucher de vingt-cinq planches par mois pendant une année complète, Pérez s'offre une place au panthéon des comics. 
La traduction a été confiée à Jérôme Wicky, l'un des meilleurs professionnels du circuit actuellement. Dans l'ensemble, son texte est d'une qualité appréciable, malgré une petite faute de mode (un futur de l'indicatif en lieu et place d'un conditionnel). 

Quel dommage que l'éditeur ait ajouté le (médiocre) "Legends of the DC Universe", car cela vient amenuiser l'impact de la lecture de l'événement unique et magistral, du chef-d'œuvre qu'est "Crisis on Infinite Earths", drame sur l'essence de l'héroïsme. 

Mon verdict : CHEF-D'ŒUVRE pour l'histoire principale / ★★★★☆ pour cette édition 

Barbüz 

4 commentaires:

  1. Un véritable tour de force, qui met en scène la quasi-totalité des personnages de l'univers DC Comics : la quais totalité de l'époque, mais peu importe, j'avais également été épaté par la cohérence de l'ensemble et le plaisir de relecture, alors que je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus lourd à la lecture.

    Une tragédie qui suscite l'admiration… L'intrigue conserve une lisibilité étonnante, sans doute du fait d'une linéarité imperceptible : même ressenti que toi, ça se lit finalement facilement.

    Goerge Pérez : je suis en train de découvrir des épisodes de Teen Titans que je n'avais jamais lus, et et je suis épaté par la clarté de ses dessins, et son rythme de l'époque. Il réalisait déjà 25 planches par moi. Cela m'a également donné l'occasion de revoir à la hausse pour appréciation pour Romeo Tanghal sur Teen Titans, un encreur / embellisseur du calibre de Terry Austin. Ce qui m'impressionne à chaque fois chez Pérez (en plus de la densité d'informations visuelles), c'est son sens de la spatialisation et de la mise en scène des scènes de foule : aucun personnage ne marche sur les pieds d'un autre, tous se déplacent en bonne intelligence par rapport aux autres. Cela devient flagrant comparé à d'autres dessinateurs qui se contentent de les placer par plans successifs, ou même parfois dans des groupes massifs et indistincts. Je repense encore à Légion des 3 mondes, avec ces variations sur des personnages identiques, sans qu'il soit possible de les confondre, ou à cette rencontre entre la JLA et les Avengers, où Kurt Busiek et lui s'étaient fait plaisir.

    History of th DC univere : un texte illustré qui servait de bible aux auteurs DC pour comprendre la nouvelle continuité créée par Crisis on infinite Earths, très pratique pour un lecteur comme moi qui était alors débutant en univers partagé DC.

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    1. La (re)lecture des "Teen Titans" du même tandem (édition Panini Comics) avait été une véritable révélation pour moi. Urban Comics en a sorti une intégrale en quatre volumes.
      Maintenant, j'ai hâte de lire la "Wonder Woman" de Pérez, dont Urban Comics a publié deux tomes. Je ne sais pas s'ils sortiront la suite, étant donné que ce n'est plus Pérez qui dessine, mais Chris Marrinan ; Pérez continue néanmoins à écrire les scénarios.

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    2. Concernant cette période de Wonder Woman, DC Comics est allé jusqu'au bout : il a réédité tous les épisodes écrits par Pérez, et a même réédité les épisodes suivants écrits par William Messner Loebs, et ceux qui arrivaient ensuite dans la foulée, écrits, dessinés et encrés par John Byrne. Je présume que c'est l'effet Gal Gadot et du premier film : DC a réédité plusieurs passages intéressants. J'ai fini par également craquer pour l'omnibus des épisodes de Phil Jimenez. Oui, c'est vrai, Diana est un personnage pour lequel j'éprouve toujours une forme d'affection.

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    3. Je ne te jette pas la pierre, Pierre. J'éprouve moi aussi beaucoup d'affection pour ce personnage... bien que je regrette ne pas avoir lu de grands récits épiques dont elle est au centre. Parce qu'à part "Vérité triomphante" et "Seule contre tous", rien de fameux, les "New 52" ayant été une déception quasiment totale. J'attends donc de lire Pérez et Rucka... et la période "Rebirth", pour plus tard.

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