Sorti en février 2021, le troisième recueil de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage de Captain Marvel a la forme d'un ouvrage relié (de dimensions 17,7 × 26,8 centimètres ; à couverture cartonnée avec jaquette amovible) de deux cent cinquante-quatre planches ; il contient les versions françaises des #22 à 33 du bimestriel "Captain Marvel" (de septembre 1972 à juillet 1974) et le "Iron Man" #55 (février 1973). En bonus : une préface de Roy Thomas (deux pages), une vue détaillée de Titan, le noir et blanc de la couverture du #29 (jaquette de notre publication), les couvertures de "The Life of Captain Marvel" (1985), des portraits de Thanos et du Contrôleur, une planche avec la tombe de Captain Marvel et des bios des auteurs principaux.
Gerry Conway et Marv Wolfman écrivent respectivement un et deux épisodes, avant que Jim Starlin ne s'impose progressivement comme auteur, en solo, ou avec Gary Friedrich (1943-2018) ou Steve Englehart. Wayne Boring (1905-1987) dessine deux numéros (et demi) avant de céder la place à Starlin, qui devient l'artiste titulaire de la série. Les encreurs sont nombreux : Frank Giacoia (1924-1989), Frank McLaughlin (1935-2020), Ernie Chan / Chua (1940-2012), Chic Stone (1923-2000), Dave Cockrum (1943-2006), Pablo Marcos, Dan Green, John Romita Sr. (1930-2023), Allen Milgrom, Klaus Janson, Mike Esposito (1927-2010). Quant aux mises en couleurs, Starlin compose celle de ses épisodes ; le seul autre artiste à être crédité ici est George Roussos (1915-2000).
New York City, par une fraîche soirée d'hiver. Désabusé, Rick Jones quitte le manoir des Vengeurs "après une amère dispute avec Captain America" : il ne sera pas membre de la fameuse équipe de super-héros. L'hologramme de Captain Marvel jaillit juste au-dessus de lui. Mar-Vell ? Rick le croyait mort, il n'était pourtant plus qu'une énergie cachée dans le corps de Rick. Que veut-il au juste ? Mar-Vell explique être resté en sommeil dans le corps de Rick, contre sa volonté. Les vives émotions que le jeune homme vient de subir l'ont réveillé, mais il est privé de liberté d'action et de volonté propre. Il est piégé, seul Rick peut le libérer...
Il y a deux groupes d'épisodes distincts dans ce volume : les trois premiers, sans intérêt artistique, et les onze suivants, y compris le "Iron Man", dont la qualité croît de numéro en numéro. Mar-Vell combat d'abord Megaton l'Homme nucléaire, ixième variation sur le thème de l'homme métamorphosé en monstre criminel à la suite d'une catastrophe d'origine scientifique. Il arrête ensuite le Dr Mynde, un cyborg, c'est-à-dire un homme qui a "augmenté" son corps à l'aide de la science. Seul Megaton a été utilisé depuis, à une seule reprise. Conway et Wolfman devaient savoir qu'ils ne dureraient pas, les fils conducteurs secondaires restant au statu quo : la relation entre l'encombrant Rick Jones et Mar-Vell demeure tendue sans mener à rien d'intéressant et les projets de l'agent artistique Mordecai Boggs pour son protégé n'avancent pas non plus. Le lecteur se demande alors pourquoi l'éditeur a sorti le titre du placard, jusqu'à ce que le duo Friedrich-Starlin (surtout Starlin) en prenne les commandes et lui rende son orientation cosmique, la poussant plus loin que jamais. Dès lors, les choses s'améliorent rapidement, et encore plus lorsque Starlin aux manettes (à partir du #29). En effet, l'artiste réinvente "Captain Marvel" en créant un pan entier de l'univers Marvel : c'est ici qu'apparaissent pour la première fois Titan, Thanos, Mentor, Drax le Destructeur et Éros, protagonistes aujourd'hui incontournables du Marvel cosmique. Starlin soigne son sujet: il s'attarde sur la mythologie et les origines. Il gère aussi mieux la relation Rick - Mar-Vell. Tout n'est pas bon non plus. En plus de quelques invraisemblances (exemple : les Vengeurs tombant l'un après l'autre, surpris par le Contrôleur en leur manoir, on dirait un gag), les Blood Brothers sont à oublier (leur apparence risible a été révisée depuis) et la qualité des dialogues et du texte est irrégulière : lorsqu'ils ne sont pas simplement descriptifs, ils tombent sur l'écueil de la joute verbale infantile ou se perdent dans de la métaphysique bon marché. Mais il y a des moments franchement brillants, et cela n'enlève rien à la créativité de ce Captain Marvel, ni au fait que Starlin aura redressé la série, seul ou presque.
L'évolution de la partie graphique est saisissante. D'un côté, Boring, qui approche les soixante-dix ans et dont le coup de crayon peut frôler la caricature (c'est flagrant avec Megaton) ; de l'autre, Starlin, qui expérimente un peu plus à chaque numéro (cela commence véritablement dans le #27), s'aventure sur la voie du surréalisme et rappelle deux maîtres des comics, Jim Steranko, aussi rare que majeur, et Jack Kirby (1917-1994) pour la facette cosmique des compositions. En guise de témoignages, ces planches complètement folles : la treizième du #28 et la seizième du #33, pour n'en citer que deux. Bien que le style de Starlin n'ait pas encore atteint sa maturité (il est déjà néanmoins doté d'une personnalité propre), il fourmille d'idées remarquables et montre des prédispositions à la fusion délicate entre texte et image.
La traduction est répartie entre Thomas Davier, Maxime Le Dain et Nick Meylaender. Le résultat est convaincant. En outre, le texte est immaculé : ni faute ni coquille.
Entre 1973 et 1974, Starlin s'installe aux commandes d'une série qui ne proposait rien de fumant, et c'est pour le meilleur, car "Captain Marvel" gagne alors sur tous les plans : le scénario, les dessins, l'impact sur la continuité. Starlin reviendra sur le personnage, mais ne restera sur ce titre que pour sa saga et le quittera au #34.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
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Captain Marvel, Rick Jones, Iron Man, Drax le Destructeur, Megaton, Dr Mynde, Thanos, Contrôleur, Titan, Mentor, Éros, Jim Starlin, Marvel Comics, Panini Comics
Quelle belle époque que celle de Jim Starlin, quel choc quand j'ai découvert ces épisodes. Sans oublier la mention des crédits libellés Tout le reste : Jim Starlin.
RépondreSupprimerTitan, Thanos, Mentor, Drax le Destructeur et Éros créés il y a 50 ans et toujours vaillants et présents dans l'univers Marvel, y compris au cinéma : une sacrée réussite.
Starlin, qui expérimente un peu plus à chaque numéro : ça m'avait marqué également, en imaginant qu'il pouvait plus facilement contourner la supervision réactionnaire des responsables éditoriaux parce que ce titre était très secondaire.
Des deux planches que tu as choisies, je préfère celle de l'épisode 28. J'aurais également mentionné Kronos neutralisé :
https://webringjustice.files.wordpress.com/2012/06/kronospage.jpg
Ce recueil aurait pu intégrer le numéro 125 de la série Avengers par Steve Englehart, Klaus Janson et un certain Jim Starlin.
Belle époque. Effectivement. J'aurais volontiers mis quatre étoiles (je ne me voyais pas mettre plus) s'il n'y avait pas eu les trois premiers épisodes, qui plombent indéniablement l'ensemble. Mais mon verdict s'applique à l'entièreté du recueil.
SupprimerJe préfère aussi la planche du 28. J'ai également pensé à la planche avec Kronos, mais je ne voulais pas en citer trop.