"La Cité du dieu perdu" est le douzième tome de la série "Thorgal". Il est sorti aux éditions Le Lombard en octobre 1987. C'est aussi le quatrième volume du "Cycle de Qâ" ou "Cycle du pays qâ", le troisième de la saga (en cinq parties). Il fait suite à "Les Yeux de Tanatloc", paru en 1987 également (avril).
L'histoire a été écrite par Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. La couverture, les dessins, l'encrage ainsi que la mise en couleurs ont été réalisés par Grzegorz Rosinski, qui est toujours dessinateur de la série. L'album compte quarante-six planches.
À l'issue des "Yeux de Tanatloc", le Premier régent détruit le mnémodisque de Tanatloc. Le petit groupe d'aventuriers capture un soldat chaam, que Kriss de Valnor et Tjall-le-Fougueux utilisent comme guide après avoir faussé compagnie à un Thorgal encore malade. Mais Thorgal, grâce à l'intervention de Jolan, guérit miraculeusement. Aaricia et lui ne tardent pas à retrouver Kriss et Tjall. Et tandis que Jolan devient Hurukan, "Celui qui voit", et succède ainsi à Tanatloc, le quatuor, malgré la discorde ambiante, arrive, enfin, en vue de Mayaxatl.
Sur la plate-forme de l'une des pyramides de Mayaxatl, trois dignitaires observent cinq hommes à moitié nus, suspendus par les poignets à une corde horizontale tendue entre deux poteaux : Nazca, le chef de la Garde noire, Hog, le commandant de l'escadre volante de l'armée, et le grand prêtre. Ce dernier s'avance près d'un segment du filin qui retient les captifs et déclame aux soldats en rangs que c'est ainsi que périssent ceux qui trahissent la cause sacrée d'Ogotaï. L'un des cinq prisonniers adresse à Hog un regard plein de fatalité et de renonciation. Le grand prêtre coupe la corde. Sans un bruit, sans un cri, les cinq hommes tombent dans une douve emplie de caïmans affamés. Les sauriens se livrent à un véritable festin sous l'œil de Hog. Nazca harangue les soldats et leur commande de redoubler de vigilance, les Xinjins ayant recruté des étrangers pour détruire la puissance d'Ogotaï. Il leur ordonne d'abattre leurs ennemis comme des chiens. Quant aux Xinjins, Hog a reçu comme consigne de les massacrer jusqu'au dernier. La victoire finale approche donc. Le prêtre scande le nom de leur divinité et les guerriers l'imitent, en cœur. Ogotaï, coiffé de son casque, apparaît à une terrasse au sommet de la pyramide, décuplant la ferveur de la foule.
Mayaxatl, le soir, sous une pluie drue. Une silhouette encapuchonnée marche vers le pont. La sentinelle lui demande de décliner son identité ; le garde, surpris de reconnaître un haut dignitaire, s'étonne qu'il se dirige vers la ville basse sans escorte...
"La Cité du dieu perdu" est le plus tragique des cinq tomes de ce cycle. Van Hamme montre les facettes de la Mayaxatl-la-Sanglante : sacrifices en public, culte de la haine et de la guerre et masses endoctrinées d'un côté, de l'autre, les entrailles de la cité, avec ses rues sales, ses coupe-jarrets, ses tavernes sombres et mal famées. Cette histoire est aussi celle du destin tragique de Hog, véritable "gueule cassée", capable de lire dans le cœur de Kriss de Valnor, qui veut sauver son peuple. Ogotaï est dépeint comme un tyran que la raison a abandonné, mais qui reste lucide et cruel. Son pouvoir repose sur des dignitaires soumis, sur la propagande et sur l'armée, avec, comme objectif, le génocide des Xinjings afin d'effacer tout souvenir d'Ogotaï. Mayaxatl-la-Sanglante est une ville malade, atteinte par la folie sanguinaire de ses dirigeants. L'auteur utilise à nouveau quelques éléments tirés de la science-fiction.
Les seconde et troisième planches (l'exécution), presque sans paroles, sont remarquables de par cette atmosphère à la fois solennelle et sinistre qu'elles dégagent. Le nombre de figurants et ces costumes bigarrés ont dû demander un travail colossal à Rosinski. Le talent de l'artiste lui permet de signer de superbes illustrations, quel que soit le cadre ; la cité la nuit, sous la pluie, dans la pénombre des auberges, à la lueur des torches, ou encore les pièges labyrinthiques conçus par l'esprit d'Ogotaï. La vingt-troisième planche (la montée au sacrifice) est à la fois magnifique et sinistre.
Sous certains angles, "La Cité du dieu perdu" n'est pas sans rappeler "La Chute de Brek Zarith", bien que la réflexion principale (aveuglement des masses, culte de la violence) soit différente. C'est un récit fort, tragique, qui réclame son lot de victimes.
Mon verdict : ★★★★★
Barbuz
Le nombre de figurants et ces costumes bigarrés ont dû demander un travail colossal à Rosinski. - C'est l'un des paradoxes de la bande dessinée : ce n'est pas cher à produire (par comparaison avec un film ou une série télé), mais quelques scénaristes ont quand même conscience de la quantité de travail nécessaire qu'ils demandent à leur dessinateur, en fonction de la nature de la séquence, du nombre de figurants, de l'enchaînement de cadrages nécessitant un montage complexe.
RépondreSupprimerC'est aussi parfois ce qui m'agace quand je constate qu'un dessinateur s'économise. Autant il leur est impossible de faire autrement avec les délais mensuels des comics, ou hebdomadaires des mangas, autant il m'est plus difficile de l'accepter dans la BD franco-belge.
Entièrement d'accord. Pour un album de franco-belge, l'artiste dispose au moins d'un an pour réaliser une cinquantaine ou une soixantaine de planches. À partir de là, on ne peut être que moins tolérant à l'égard du niveau de détail.
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