dimanche 19 novembre 2017

Alix (tome 2) : "Le Sphinx d'or" (Casterman ; janvier 1956)

"Le Sphinx d'or" est le deuxième tome de la série créée par l'auteur français Jacques Martin (1921-2010) en 1948. Cette histoire est d'abord prépubliée dans l'édition belge du "Journal de Tintin", entre décembre 1949 à janvier 1951. Le Lombard attendra jusqu'en 1956 avant de rééditer ces pages en album.
Jacques Martin est également célèbre pour d'autres séries, telles que "Lefranc", ou "Jhen". En 1991, il est diagnostiqué d'une dégénérescence maculaire qui le rend quasiment aveugle et l'éloigne des tables de dessin dès l'année suivante. Il délègue alors le dessin à d'autres artistes et se fait assister à l'écriture.
"Le Sphinx d'or" compte soixante-deux planches. Casterman reprend "Alix" à la maison Le Lombard en 1965-1966 et réédite les premiers numéros progressivement, dont celui-ci, en 1971.

À l'issue du tome précédent, Pompée, soucieux de regagner la confiance de César, fait fuir son complice Arbacès. Des funérailles sont organisées pour Toraya. Alix accompagne César jusqu'aux frontières de la Gaule. Il prête serment d'amitié. Leurs chemins se séparent, et le jeune homme entre en Gaule.
Gaule, Alésia, 52 av. J.-C. Vercingétorix, encerclé, espère toujours que d'autres chefs gaulois vont lever une armée pour lui porter secours. Dans un village voisin se tient une assemblée. Le ton monte entre le chef, Aldéric, successeur du défunt Astorix, et le druide, Ansila, qui reproche à Aldéric de tergiverser. Il faut se battre contre les Romains ; Astorix n'aurait pas hésité. Aldéric s'emporte. Le prêtre l'accuse d'avoir peur et ajoute qu'il fera preuve de lâcheté en refusant de se joindre à Vercingétorix. Aldéric veut faire rentrer ses paroles dans la gorge d'Ansila, mais un officier s'interpose : leur patrie est déchirée par la guerre, il faut qu’ils s'entendent. Lorsqu'il demande à Aldéric ce qu'il suggère, celui-ci répond que les Romains les ont vaincus et qu'il est inutile de courir après la défaite. Le druide, lui, estime que si Vercingétorix capitule, les armées de César ruineront le pays et que s'il reste une chance de l'emporter, il faut la tenter. Il propose alors un sacrifice. Si la fumée est noire, c'est que les dieux ne veulent pas qu'ils se battent aux côtés de Vercingétorix. Si elle est blanche, ils devront combattre. Pour Aldéric, Ansila n'est qu'un fourbe et le résultat sera truqué. Le druide rétorque qu'il ne s'agira pas d'un sacrifice ordinaire ; l'occasion étant solennelle, il propose une victime humaine. L'un des guerriers s'offusque : n'ont-ils pas abandonné de telles pratiques ? Ansila ne cherche-t-il pas à préserver son pourvoir ? Pourtant, Aldéric y souscrit, à condition qu'il désigne la victime lui-même : Vanic, le neveu d'Astorix. Ansila trouve l'idée remarquable et accepte avec empressement...

"Le Sphinx d'or" fait voyager notre héros. Sur les soixante-deux planches, l'introduction gauloise en représente une quinzaine. Alix dévoile les rivalités politiques au sein de son propre clan, mais ne joue aucun rôle d'importance dans le conflit gallo-romain, puisque César le charge d'une mission en Égypte. Cette introduction n'est pas anecdotique : elle révèle, de façon inattendue, les origines d'Alix. Martin en profite pour mettre en scène la légendaire reddition de Vercingétorix. Puis c'est le départ pour l'Orient et ses machinations. C'est là qu'Alix fait la connaissance d'Enak ; d'emblée, le jeune égyptien s'avère un souci permanent et une responsabilité pour l'aventurier gaulois. Le scénario est solidement structuré, enrichi par des dialogues abondants et des cartouches narratifs fournis. Martin déploie une intrigue passionnante dans laquelle Alix court sans cesse le risque d'être piégé ou démasqué.
Les plans demeurent peu variés, mais le trait de Martin, déjà maîtrisé, avec un sens du détail étonnant, s'est affiné depuis "Alix l'intrépide" (surtout les contours et l'encrage). La densité de cases par page reste élevée. Cet album est remarquable de par l'abondance de décors et de personnages. La bataille finale pour la prise de la forteresse est incroyable par la lisibilité de l'action et la minutie de l'artiste. L'assaut de la villa de Karan rappellera celui de la villa du Dr Grossgrabenstein dans le second tome du "Mystère de la Grande Pyramide" (1952), d'E. P. Jacobs (1904-1987).

Ce deuxième tome est incontournable. Martin y révèle les origines d'Alix mais se garde de faire brandir l'étendard de la résistance gauloise à son personnage. Il l'envoie enquêter en Égypte sur un complot contre César et Rome. Alix va y rencontrer Enak.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence19 novembre

    J'ai lu et ce tome et je n'en garde aucun souvenir, ce qui n'enlève rien à la qualité de ton commentaire. Le survol de l'histoire permet de se rendre compte de sa dimension politique, ainsi que de l'ampleur du voyage du héros.

    Le dernier paragraphe avant la conclusion m'a permis de comprendre en quoi Jacques Martin a été un artiste important pour le développement de la narration visuelle. Merci pour ces explications.

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    1. Merci.
      Je dois avouer que je les ai lus et relus, mais c'était il y a des années. Là, j'ai l'impression de tout redécouvrir. Je m'arrêterai au dernier tome écrit par Martin (le 19e).

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