mardi 12 décembre 2017

"Daredevil" : L'Intégrale Frank Miller, 1981 (Panini Comics ; avril 2003)

Ce premier tome de l'intégrale consacrée au "Daredevil" de Frank Miller est sorti en avril 2003 chez Panini Comics. Cet album cartonné à la jaquette amovible compte approximativement deux cent vingt planches. Il contient les dix numéros de 1981, de janvier (#168) à décembre (#177) ; dix, car à l'époque, la série est bimestrielle, ce qui ne tarde pas à changer avec l'arrivée de Miller aux commandes. Et en mai, "Daredevil" redevient mensuel.
Miller scénarise et dessine. Son travail est encré par Klaus Janson. Outre Janson, Glynis Wein (principalement), D. R. Martin, Christie Scheele, et Bob Sharen participent à la mise en couleurs.

New York, un soir de pluie. Un aveugle, debout au pied d'un lampadaire, tient un molosse en laisse d'une main, et un pot de crayons qu'il vend de l'autre. À son poignet pend une canne. À ses pieds gît un homme recouvert d'un journal. Soudain, un étrange bâton frappe le sol et rebondit vers le faîte du lampadaire, dont descend une agile silhouette vêtue de rouge : Daredevil entre en scène ! Le faux aveugle - car c'en est un - ôte ses lunettes et ne peut s'empêcher de laisser échapper le nom du justicier. Daredevil a besoin d'informations, et Turk Barrett les lui donnera ! Pour toute réponse, Barrett lâche son chien, Brutus, que le redresseur de torts écarte aussitôt d'un coup de pied circulaire. Daredevil est à la recherche d'Alarich Wallenquist, un voleur témoin d'un meurtre dont un autre homme est accusé à tort. Il sait qu'Eric Slaughter, le patron de Turk, a accordé sa protection à ce dernier. Barrett tente de se défendre avec sa canne-épée, mais le justicier le neutralise rapidement et est sur le point de le faire parler, lorsque le larron au journal se relève et lui lance une bouteille de nitroglycérine dans le dos. L'explosion illumine le ciel sombre. L'autre ne demande pas son reste et file par une ruelle. Daredevil, bien que secoué et blessé, l'y attend déjà et semble décidé à obtenir l'information qu'il lui faut pour sauver un innocent. Le malfrat veut tirer avantage de l'état du justicier et dégaine un pistolet automatique...

Miller débute sur "Daredevil" en mai 1979 (#158). Le magazine, devenu bimestriel lors de la seconde moitié de 1977, est écrit par Roger McKenzie, mais seulement pour quelques mois encore. Ses ventes continuent à s'éroder, et Miller, qui n'apprécie guère les histoires de McKenzie, menace de quitter le navire. Arrive alors Dennis O'Neil au poste d'éditeur. O'Neil confie "Daredevil" à Miller et affecte McKenzie à un autre titre. Le #168 marque ainsi les premiers pas de Miller comme scénariste (il reste dessinateur). Ces épisodes sont donc importants, puisqu'il s'agit des débuts de celui qui propulsera le héros aveugle vers les sommets. Dans ces pages, Daredevil retrouve Elektra, il affronte Bullseye ("le Tireur" dans des traductions plus anciennes), s'attaque au Caïd, aide à prouver l'innocence de Melvin Potter (alias le Gladiateur) dans une affaire de meurtres et perd son sens radar alors que les ninjas de la Main débarquent en ville. Aujourd'hui, force est de constater que ces récits n'ont plus le même impact. Priver le super-héros de son sens radar aurait pu être intéressant s'il ne se battait pas aussi bien sans qu'avec. Les dialogues, superficiels, ne sortent pas du "moule Marvel". En matière de caractérisation, on est loin de ce que Miller produira après, et rien ne laisse prévoir l'aboutissement de "Renaissance", si ce n'est que New York est un personnage à part entière. Visuellement, ces planches accusent le poids des années. Malgré quelques étincelles et fulgurances dans la composition ou le découpage, et la variété des angles, le style graphique de l'auteur, plus de vingt-cinq ans plus tard, apparaît hâtif, voire bâclé. Si les gros plans sur les visages sont soignés, le vide quasi permanent des fonds de case finit par nuire au plaisir de lecture. L'artiste, à vingt-quatre ans, n'en est certes qu'au début de sa carrière ; cela n'a cependant qu'une relative importance, puisque Miller transférera une part toujours grandissante du dessin à Janson. Quoi qu'il en soit, ces récits ne proposent encore rien de révolutionnaire, mais ce ne sont que les premiers numéros.
La traduction n'aide certainement pas la qualité des dialogues évoqués plus haut. C'est Laurence Belingard qui l'a réalisée. Malheureusement, le texte français reste pauvre et compte quelques fautes. Ces pages méritaient quand même mieux que ça.

Ces dix épisodes, qui marquent les débuts de Miller en tant que scénariste sur "Daredevil", sont loin d'être les meilleurs de l'auteur sur ce personnage. Mais nous n'en sommes encore qu'au début. Le matériau va rapidement gagner en qualité artistique.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence22 décembre

    Priver le super-héros de son sens radar aurait pu être intéressant s'il ne se battait pas aussi bien sans qu'avec. - C'est bien vrai ça ! Je ne l'avais jamais vu formulé de manière aussi tranchée, mais c'est exactement ce que fait Frank Miller : Matt Murdock est aussi à l'aise avec superpouvoirs que sans. Il est vrai aussi que le scénariste le justifie par l'entraînement de Stick.

    J'avais relu ces épisodes en 2012 et j'étais plus impressionné que toi. Il faut dire que je gardais le souvenir de leur arrivée dans Strange, et, même retouchés par la censure, ils se démarquaient fortement du reste des séries de Strange, c'est-à-dire Spider-Man et Iron Man. Frank Miller avait amené les conventions du polar (de type hard boiled) avec une réelle intensité, et sa mise en page (toujours par comparaison) était beaucoup plus sophistiquée.

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  2. C'est vrai que la série se démarquait déjà. J'avais déjà lu ce recueil une première fois à sa sortie, et j'avais été beaucoup plus enthousiaste. Avec le recul, je me demande encore pourquoi. Peut-être qu'à force d'entendre d'autres parler du Daredevil de Miller, j'ai inconsciemment développé une critique plus acerbe ? Peut-être aurais-je dû relire "Renaissance" après avoir lu ces épisodes ? Je n'en sais rien.

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