vendredi 29 décembre 2017

"X-Men" : L'Intégrale 1980 (Panini Comics ; octobre 2003)

Le quatrième tome de l'intégrale consacrée aux X-Men par Panini Comics reprend tous les "Uncanny X-Men" de 1980, du #129 de janvier au #140 de décembre, ainsi que le "King Size Annual" #4 de novembre 1980. Cet épais recueil cartonné compile treize numéros et compte à peu près deux cent soixante-dix planches.
Chris Claremont et John Byrne cosignent le scénario de la série régulière. Byrne en dessine les douze épisodes ; son travail est encré par Terry Austin. Le "King Size Annual" est écrit par Claremont et illustré par John Romita Jr. avec encrage de Bob McLeod. La mise en couleurs est de Glynis Wein ou Bob Sharen.

À l'issue du tome précédent, les X-Men (surtout Colossus) parviennent enfin à vaincre Protée (ou Proteus). Moira MacTaggert est dévastée ; Sean Cassidy, le Hurleur, choisit de rester à ses côtés.
Les X-Men, sur le point de quitter l'Irlande pour rentrer chez eux, sont réunis sur le tarmac au pied de leur avion. Après que Sean Cassidy a annoncé son départ de l'équipe, Scott Summers profite de cette séance d'adieux pour tenter de recruter de nouveaux membres ; il essuie un refus poli, mais ferme de la part de Jamie Madrox, l'Homme multiple, que la vie de super-héros n'intéresse pas et qui préfère demeurer à Muir pour bricoler dans le laboratoire du Dr MacTaggert. Puis, c'est au tour de son frère Alex (Havoc) et de Lorna Dane (Polaris) de décliner l'invitation de Cyclope ; ils s'engagent à répondre présents en cas de coup dur, mais le couple aspire surtout à une vie normale. Le SR-71 Blackbird décolle, avec, à son bord, Cyclope, Jean Grey, Ororo, Wolverine, Colossus, et Diablo aux commandes. Durant le vol, Piotr Rasputin est perdu dans ses pensées ; c'est lui qui a dû abattre Proteus, et bien qu'il soit persuadé que cette décision a été la bonne, des remords viennent le faire douter et s'interroger sur son geste. Filant vers la côte Ouest des États-Unis, l'aéronef en dépasse un autre, dont la dérive est ornée du logotype du Club des Damnés. À bord se trouve Jason Wyngarde...

Ce tome compile des épisodes particulièrement aboutis, dont la fameuse "Saga du Phénix noir". Le scénario est impressionnant de par sa cohérence et la maîtrise de ses auteurs, et propose plusieurs niveaux de lecture. Au premier degré, il s'agit d'une aventure super-héroïque aux ramifications intergalactiques. Mais Claremont et Byrne voulaient d'abord écrire une histoire sur le pardon ; peut-on pardonner à un être humain possédé, au moment des faits, par une entité responsable de la mort de milliards d'êtres vivants ?  En découle une réflexion sur la corruption que peut générer le pouvoir. Dans une certaine mesure, on pourra ensuite voir en Jean Grey des points communs avec Madame Bovary. Grey s'ennuie - sans se l'avouer - avec le fade Scott Summers et tombe facilement dans les bras de Jason Wyngarde. La sage héroïne de banlieue cède à ses désirs, jusqu'à devenir (malgré elle, vraiment ?) une créature perverse incarnant la dominatrice sadomasochiste, la Reine noire du Club des Damnés, institution représentant les survivances d'une société conservatrice et une élite cynique obsédée par la recherche du pouvoir. Un Hellfire Club a réellement existé au Royaume-Uni et en Irlande au XVIIIe siècle. Les membres de ce club fondé en 1718 participaient à la vie politique de l'époque, mais adhéraient surtout à l'organisation pour se livrer à des actes "immoraux" entre gens de même lignée. L'utilisation fréquente de bulles de pensée permet de développer la psyché des personnages et apporte de la substance à leurs caractérisations. Kitty Pryde rejoint l'équipe. Wolverine, toujours plus animal, sort du lot de façon flagrante. Le "King Size Annual", moyen, a pour principal intérêt de revenir sur les origines de Diablo. Graphiquement, Byrne et Austin, dans un style classique parfait à l'efficacité éprouvée, réalisent un travail intemporel, magistral et soigné tout au long de ces pages. À vingt-quatre ans, Romita Jr. produit de belles planches dans le "King Size Annual", mais son trait n'a pas encore la personnalité qu'on lui connaît aujourd'hui.
La traduction a été effectuée par Geneviève Coulomb. La forme négative est fréquemment négligée, certains mots ne sont même pas traduits, et le vocabulaire est souvent inadapté, vieillot, voire carrément inventé ("rachtèque", par exemple...).

"La Saga du Phénix noir" est l'une des histoires majeures des X-Men. Plus de trente-cinq ans après la version originale, cet indispensable n'a toujours pas bénéficié d'un texte en français à la hauteur ; dommage pour les lecteurs francophones exigeants.

Mon verdict : ★★★★★

Barbuz

4 commentaires:

  1. Présence29 décembre

    Invoquer les mânes de madame Bovary dans un article sur les mutants, il fallait oser. :)

    En lisant ces épisodes dans Spécial Strange, il y a bien longtemps lors de la parution, le deuxième niveau de lecture m'avait totalement échappé. Par contre en relisant plus récemment les épisodes avec Proteus, j'avais été frappé par la trajectoire d'émancipation de Jean Grey, ainsi que par l'étrange situation dans laquelle Proteus souhaite conquérir sa mère en utilisant le corps de son père, pour une mise en scène perverse de l’œdipe.

    Ces épisodes ayant participé à la formation de mes goûts de lecture (y compris sur le plan graphique), je suis aujourd'hui incapable de les regarder avec un œil critique, mais je trouve comme toi que les qualités du travail de Byrne & Austin sont intemporelles.

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    1. Je ne me souviens pas les avoir lus dans "Spécial Strange", mais j'ai sans doute dû les lire quelques années plus tard, à l'adolescence, sous un autre format et partiellement seulement. Je crois que c'est en 2003, à la sortie de cette intégrale, que j'ai découvert cette saga dans son entièreté. Cela fait donc près d'une quinzaine d'année que je n'avais pas relu ces épisodes !

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  2. Présence29 décembre

    Mon addiction aux superhéros a commencé avec Spécial Strange 16, à l'été 1979. Il fallait alors attendre un trimestre pour pouvoir lire la suite, à raison de 2 épisodes des X-Men par Spécial Strange. Autant dire que je les relisais dans l'intervalle jusqu'à les connaître par cœur. :) J'avais même découvert la fin de la saga du Phénix Noir bien avant sa parution dans Spécial Strange, car un ami m'avait offert le numéro 137 en VO.

    J'ai relu les épisodes de Proteus en 2012. Je n'ai pas encore relu les suivants qui closent la saga du Phénix Noir.

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    1. La mienne date du Strange 111 (mars 1979), avec Iron Man et le Valet de Cœur, et Daredevil et le Chasseur (Death-Stalker) !
      Des X-Men, j'ai les tomes de l'intégrale jusqu'à 1983 ; impossible de dégoter le tome consacré à 1984 à un prix acceptable (il frise les 70 € d'occasion).

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