mercredi 3 juin 2015

Les Sept Vies de l'Épervier (tome 3) : "L'Arbre de mai" (Glénat ; avril 1986)

"L'Arbre de mai" est le troisième des sept tomes de la série des "Sept Vies de l'Épervier", créée et réalisée par le scénariste Patrick Cothias et le dessinateur André Juillard. "Les Sept Vies de l'Épervier" est la première série d'un cycle bien plus vaste dont elle porte également le nom.
Cothias a écrit la totalité du cycle, qui, outre "Les Sept Vies de l'Épervier", comprend aussi les séries "Masquerouge", "Cœur Brûlé", "Le Masque de fer", "Ninon secrète", "Le Fou du roy", "Plume aux vents", "Le Chevalier, la Mort et le Diable" et "Les Tentations de Navarre". De toutes les séries du cycle, Juillard a illustré "Les Sept Vies de l'Épervier", les trois premiers tomes de "Masquerouge" et "Plume aux vents".

Le vent a tourné pour Léonard Langue-Agile, le poète vagabond et subversif gracié par le roi Henri dans le tome précédent ("Le Temps des chiens"). Il vient d'être à nouveau arrêté, cette fois-ci par Torchepot, le prévôt de police de Paris, qui lui reproche d'avoir été pris pour cible par sa prose trop critique.
Au même moment, Germain Grandpin, caporal au 20e régiment de la Garde française, déambule dans les rues de Paris. Il est accosté par cette étrange vieillarde aveugle que Langue-Agile appelle Dame Fortuna ; elle lui demande la charité, en échange de quoi elle lui confiera ses rêves. Il lui répond qu'il ne veut rien connaître et, pressé de prendre son service, s'éloigne d'un pas vif, sans toutefois pouvoir empêcher Dame Fortuna de lui prédire qu'il sauvera la vie du roi, puis, se croyant au sommet de la gloire, sera enfermé dans un cachot, rencontrera le justicier masqué et enfin fuira en Auvergne, où il connaîtra l'amour passionnel.
En Auvergne, Bruantfou continue sa chasse à l'homme et fait procéder à des exécutions sommaires. Un certain Jean Ramier, accusé d'être l'Épervier (son nom de famille devrait pourtant prouver l'innocence du malheureux !), est jugé publiquement, reconnu coupable et pendu. Dans l'assistance se trouvent Ariane de Troïl - persuadée que Ramier n'est pas l'Épervier - et son frère Guillemot. Tandis que les deux enfants repartent au domaine familial après la pendaison, Bruantfou et Taillefer, son homme de main, aperçoivent la vieille aveugle qui recueille la semence du pendu. Au même moment, l'Épervier venge le malheureux Ramier de façon spectaculaire et fait sonner le glas.
Pendant ce temps, à Paris, Henri IV reçoit en audience Maximilien de Béthune, duc de Sully, Pierre Jeannin, président de la cour de justice et Nicolas Brulart de Sillery, chancelier de la couronne. Les conseillers d'Henri sont inquiets. Ils lui dépeignent un royaume déchiré par les tensions entre catholiques et protestants, le mettent en garde contre les intrigues de palais et ne lui cachent pas qu'ils s'inquiètent pour sa vie...

Cothias mêle habilement Histoire, anecdotes et prédictions. Il gère sa double intrigue (le roi et Ariane) au rythme de séquences de trois pages, ce qui peut sembler peu, mais permet d'éviter d'éventuelles longueurs et d'avoir un scénario concentré. L'un des talents du scénariste est de parvenir à faire alterner moments légers et pleins d'humour et instants tragiques et cruels. Le travail de l'auteur sur les personnages de la cour est une réussite, entre Marie de Médicis, jalouse et ne demandant d'Henri que de la considération, ses suivants qui écoutent aux portes, et les conseillers du roi, hommes d'État avisés, mais inquiets. Cothias, pour les besoins de la série, opte pour l'une des théories du complot autour de l'assassinat d'Henri IV, comme le démontre la scène dans l'auberge avec Ravaillac et son mystérieux interlocuteur. Des lecteurs critiques noteront que la scène de l'arbre de mai est improbable, surtout vu le contexte ; il s'agit d'une erreur de Cothias, cette tradition, perçue comme païenne, voire satanique, ayant été interdite par l'Église lors du cinquième Concile de Milan, en 1579.
Le talent de Juillard ne connaît aucune faiblesse ; les rues de Paris et les villages auvergnats sont incroyablement détaillés. Le soin apporté aux personnages, à leurs visages et à leurs costumes est exemplaire. On notera le clin d'œil aux "Chemins de Malefosse".

Ce troisième tome est une réussite. La double intrigue y avance et de nombreuses réponses y sont apportées. L'ambiance de tragédie imminente y est palpable et laisse pressentir de bien sombres heures pour le royaume de France.

Mon verdict : ★★★★★

Barbuz
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3 commentaires:

  1. Dame Fortuna lui prédit qu'il sauvera la vie du roi, puis, se croyant au sommet de la gloire, sera enfermé dans un cachot, rencontrera le justicier masqué et enfin fuira en Auvergne, où il connaîtra l'amour passionnel. - En redécouvrant ce passage dans ta critique, je me rends compte que Dufaux utilise un deus ex machina de même nature en la personne de Fer-Blanc dans Double Masque, sauf que lui ça ne peut se comprendre que comme un dispositif artificiel de scénariste matois.

    Au rythme de séquences de trois pages : intéressant comme structure narrative rigide qui nécessite une belle habileté de la part du scénariste pour s'en tenir à ce rythme choisi et imposé.

    Cothias, pour les besoins de la série, opte pour l'une des théories du complot autour de l'assassinat d'Henri IV : une remarque qui me fait penser, par association d'idées, à From Hell où Alan Moore avait également opter pour une théorie, à la différence que lui semblait convaincu de son bienfondé.

    La tradition de de l'arbre de mai : je suis allé chercher sur internet car je ne connaissais pas cette fête de l'amour. Il est vrai qu'en 1986 internet n'était pas disponible pour pouvoir vérifier facilement.

    C'était quoi le clin d'œil aux Chemins de Malefosse ?

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  2. Effectivement, Cothias a dû faire avec les informations dont il disposait. Ce qui rend peut-être moins pardonnable les erreurs historiques que commettent les auteurs aujourd'hui.

    Le clin d'œil aux "Chemins de Malefosse" : en planches 35 et 36, Gunther et maître Pritz se bagarrent dans une auberge.

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    1. Merci pour l'explicitation du clin d’œil : il est certain que je n'ai rien vu passer lors de ma lecture.

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