vendredi 5 juin 2015

Les Sept Vies de l'Épervier (tome 5) : "Le Maître des oiseaux" (Glénat ; août 1989)

"Le Maître des oiseaux" est le cinquième des sept tomes de la série des "Sept Vies de l'Épervier", créée et réalisée par le scénariste Patrick Cothias et le dessinateur André Juillard. "Les Sept Vies de l'Épervier" est la première série d'un cycle bien plus vaste dont elle porte également le nom.
Cothias a écrit la totalité du cycle, qui, outre "Les Sept Vies de l'Épervier", comprend aussi les séries "Masquerouge", "Cœur Brûlé", "Le Masque de fer", "Ninon secrète", "Le Fou du roy", "Plume aux vents", "Le Chevalier, la Mort et le Diable" et "Les Tentations de Navarre". De toutes les séries du cycle, Juillard a illustré "Les Sept Vies de l'Épervier", les trois premiers tomes de "Masquerouge" et "Plume aux vents".

Paris, 14 mai 1610. Henri IV vient d'être mortellement blessé de trois coups de poignard par François Ravaillac. Le souverain est emmené en urgence au palais, mais il meurt sur place. Le dauphin Louis est conduit au Louvre. La reine et les ministres, dont le duc de Sully, y sont présents. Louis, âgé de neuf ans, ne réalise pas encore que son père est mort. Le garde Pignerol l'informe que dans un dernier souffle, le roi aurait murmuré le nom de Léonard Langue-Agile, le poète vagabond. Tous en concluent que Langue-Agile est l'instigateur du complot. Germain Grandpin s'effondre et se jette aux pieds du dauphin : n'a-t-il pas échoué à défendre la vie du roi, qu'il avait pourtant juré de protéger ? Furieux, le dauphin ordonne que Grandpin soit mis au cachot et torturé, à la grande satisfaction de Pignerol.
Au même moment, en Auvergne, Yvon de Troïl se remet de ses blessures et de son combat contre le comte de Bruantfou et ses soudards. Il est soigné par le docteur Ciconia, le médecin de campagne que Guillemot a fait venir. Ciconia confie à Guillemot qu'il craint que Bruantfou organise des représailles.
À Paris, le corps du roi défunt est exposé dans une chambre de parade du Louvre. Seuls dans la pièce se trouvent Marie de Médicis, Concino Concini, l'un de ses favoris, Léonora Dori, dite Galigaï, épouse de Concini et confidente de Marie, et Torchepot, le prévôt de police de Paris. La Médicis - car ici, c'est bien elle qui est à l'origine de la manipulation de Ravaillac et de l'assassinat du roi - craint que Ravaillac ne parle sous la torture. Torchepot la rassure et raille les propos de la Galigaï lorsqu'elle prétend qu'il faut se méfier de Langue-Agile, qui serait un puissant magicien. Devant l'insistance de Concini, Torchepot accepte néanmoins de soumettre le poète vagabond à la question.
Pendant ce temps, dans la cour du Louvre, Sully rejoint le dauphin. Le ministre confirme au jeune garçon que son père est bien mort et qu'il est maintenant roi. Ce à quoi Louis lui répond qu'il est trop jeune pour gouverner et que Marie de Médicis assurera la régence...

Il faut faire le parallèle entre les deux intrigues développées par Cothias. D'un côté, le roi est mort, vive le roi. Même si Marie de Médicis devient régente. De l'autre, l'Épervier est "mort", vive l'Épervier. Même si Ariane décide dorénavant pour Guillemot. Le justicier masqué semble libéré de sa malédiction, qui va retomber sur les deux enfants. L'auteur nous surprend par la maestria admirable avec laquelle il parvient à mêler fiction et réalité et à faire interagir personnages historiques et imaginaires, comme l'illustrent des scènes telles que l'entrevue secrète des quatre comploteurs devant la dépouille d'Henri IV, ou encore la rencontre entre le jeune roi Louis et le justicier masqué au château de Vincennes. À l'exception de la discussion entre Yvon et le justicier, le scénariste alterne des scènes relativement courtes, ce qui renforce la sensation de simultanéité des actions, crée un sentiment d'urgence et contribue à faire monter la tension.
Malgré quelques fonds de cases expédiés, Juillard maintient la série à un très haut niveau d'excellence graphique. Deux scènes retiendront l'attention des lecteurs les plus difficiles : celle où les deux frères se font face à face sous le ciel auvergnat au pied d'une tour en ruine, et celle des douves du château de Fontainebleau, où le dessinateur met en scène tout son art de la perspective.

Ce cinquième tome, dans lequel l'émotion est au rendez-vous, est une réussite. Le premier des sept éperviers, Henri IV, a perdu la vie. Celle du second d'entre eux, Gabriel de Troïl, est encore en suspens. Quant à celles des autres, tout reste encore à jouer.

Mon verdict : ★★★★☆

5 commentaires:

  1. La maestria admirable avec laquelle il parvient à mêler fiction et réalité et à faire interagir personnages historiques et imaginaires : d'un côté, les témoignages historiques ne peuvent pas rapporter toute les minutes ou les secondes de la vie de chaque personnage historique, ce qui laisse beaucoup de place à leur interprétation, de l'autre il doit être très difficile de ne pas succomber à la tentation d'arranger les faits historiques à sa sauce pour mieux servir l'histoire de ses personnages. Dufaux écrit explicitement qu'il a choisi la 2nde option pour sa série Double Masque.

    Quelques fonds de cases expédiés : la tentation doit être grande quand on est pressé par le temps et qu'on sait qu'on pourra déployer un joli camaïeu à la place.

    Le dessinateur met en scène tout son art de la perspective : c'est fou comme ça se remarque tout de suite quand le dessinateur fournit cet effort d'investir du temps dans la conception d'une prise de vue, d'une mise en scène, que ce soit de sa propre initiative, ou que ce soit la réalisation d'une séquence ainsi conçue par le scénariste (Dave Gibbons explique tout le travail que lui a demandé la mise en scène de la séquence d'ouverture de l'épisode 12 de Watchmen, alors même que le script d'Alan Moore était très détaillé sur plusieurs pages).

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    1. "Fiction et réalité" : Je me souviens du travail de recherche que m'avait demandé cet album, non seulement pour la lecture, mais aussi pour mon article. J'avais apprécié de découvrir les théories autour de l'assassinat d'Henri IV. Et plus encore d'y retrouver le choix de Cothias, même si cela peut couler de source.

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    2. Ma curiosité reprend le dessus. Je comprends que tu as effectué un travail de recherche à l'occasion de ta lecture : pendant une pause, à la fin ? Est-ce parce que tu voulais savoir ce qu'il en était vraiment, ou parce qu'il te semblait que certains passages avaient besoin d'éclaircissement pour bien les comprendre ?

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    3. En général, j'effectue mes recherches après la lecture. Ici, je voulais savoir ce qu'il en était vraiment, et quelles étaient les théories au sujet de l'assassinat d'Henri IV. Je voulais la confirmation que Cothias n'avait pas inventé un complot de toutes pièces, mais avait bien brodé autour de l'existant. De là ma remarque concernant le mélange entre fiction et réalité.

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    4. Merci pour ces détails. Il est très rare que j'interrompe ma lecture pour des recherches, préférant le plaisir immédiat, et l'approfondissement lors de l'écriture du commentaire... à l'exception de quelques BD historiques quand je me rends compte que mon absence de connaissances fait que je ne comprends rien, par exemple pour Voleurs d'Empires, pour Double Masque.

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