mercredi 10 juin 2015

Les Sept Vies de l'Épervier (tome 7) : "La Marque du Condor" (Glénat ; octobre 1991)

"La Marque du Condor" est le septième et dernier tome de la série des "Sept Vies de l'Épervier", créée et réalisée par le scénariste Patrick Cothias et le dessinateur André Juillard. "Les Sept Vies de l'Épervier" est la première série d'un cycle bien plus vaste dont elle porte également le nom.
Cothias a écrit la totalité du cycle, qui, outre "Les Sept Vies de l'Épervier", comprend aussi les séries "Masquerouge", "Cœur Brûlé", "Le Masque de fer", "Ninon secrète", "Le Fou du roy", "Plume aux vents", "Le Chevalier, la Mort et le Diable" et "Les Tentations de Navarre". De toutes les séries du cycle, Juillard a illustré "Les Sept Vies de l'Épervier", les trois premiers tomes de "Masquerouge" et "Plume aux vents".

Paris, février 1625. Huit années se sont écoulées depuis ce terrible drame qui a frappé la famille d'Ariane de Troïl. Devenue une très belle jeune femme, elle assiste à une pièce de théâtre de rue. La pièce, jouée par deux acteurs, met en scène la légende de l'Épervier. Masqué dans son carrosse royal, Louis XIII - accompagné de Richelieu, cardinal et ministre principal - est également présent. Voyant dans cette pièce une provocation, Richelieu enjoint Louis de réagir. Le roi consent à faire disperser la foule, à la condition que les gardes du cardinal ne blessent personne. Il ordonne également que les deux saltimbanques, qui ont piqué sa curiosité, soient arrêtés et lui soient présentés.
Les deux acteurs en question sont Léonard Langue-Agile, le poète vagabond, et Baragouine, qui est devenue Dame Fortuna. Langue-Agile est amené devant le roi, qui semble le reconnaître. Mais cela est impossible : cet homme-là aurait plus de cent ans. Ce à quoi Langue-Agile répond qu'il a bien dépassé les cent ans. Vieux comme le monde, il a choisi le métier d'enchanteur pour se distraire en racontant des histoires aux hommes afin de les aider à oublier qu'ils ne sont que des pantins. Lorsque Louis lui demande s'il croit aux aventures de Masque-Rouge, Langue-Agile lui répond que les justes qui portent un masque se croient plus forts et protégés de la médiocrité humaine.
Baragouine, elle, a réussi à échapper aux gardes royaux. Elle est prise en filature puis retrouvée par Ariane, qui lui demande pourquoi le spectacle faisait allusion à des événements de sa propre vie. Baragouine lui répond que le passé de la jeune femme n'est pas un secret et qu'il est connu de ses ennemis, dont les fils de Bruantfou. Baragouine lui recommande de se méfier de l'oiseau noir...

Cothias met en place les dernières pièces de sa tragédie, qui s'emboîtent les unes dans les autres avec une cohérence remarquable. Ariane de Troïl finit donc par porter le masque de l'Épervier et tente de lutter contre l'injustice. Mais Langue-Agile - faut-il préciser qu'il est le Diable - n'a pas fini d'amuser les hommes avec le destin de la jeune femme et de son oncle Gabriel ; il va pousser la cruauté jusqu'au bout.
Pour l'auteur, il semblerait que le sort de ceux qui s'opposent aux tyrans afin de combattre les injustices est de sombrer dans l'indifférence des hommes et face à la médiocrité humaine, tandis que certains puissants, ayant le pouvoir de changer le cours des choses, restent paradoxalement impuissants à agir, soit parce qu'ils mettent eux-mêmes des limites à leur pouvoir, soit parce que d'autres le font pour eux.
De tous les tomes de la série, c'est dans "La Marque du Condor" que le talent de Juillard atteint son apogée. Deux scènes, entre autres, sont admirables : l'entrevue entre Ariane et le roi dans les jardins enneigés du Louvre et le premier combat entre Masque-Rouge et le Condor. Que ce soit le découpage et la lisibilité de l'action, la variété des plans et angles de vue utilisés, les décors ou les couleurs, tout est là.

Avec le temps, "Les Sept Vies de l'Épervier" reste l'une des très grandes réussites de la bande dessinée franco-belge des années 1980-1990 ; c'est devenu un classique indémodable qui n'a pas vieilli, ni dans le fond ni dans la forme, et qu'il faut lire et relire.
Ne pas lire les dix tomes de la série "Masquerouge" (elle couvre les trois années précédentes) n'enlève rien à la compréhension de ce dernier tome ni à celle de l'intrigue globale. La suite des "Sept Vies de l'Épervier" est contée dans "Plume au vent".

Mon verdict : ★★★★★

3 commentaires:

  1. Cothias met en place les dernières pièces de sa tragédie [...] Pour l'auteur, il semblerait que le sort de ceux qui s'opposent aux tyrans afin de combattre les injustices est de sombrer dans l'indifférence des hommes et face à la médiocrité humaine, tandis que certains puissants, ayant le pouvoir de changer le cours des choses, restent paradoxalement impuissants à agir. - Quand je lis ce genre de récit où l'auteur a clairement opté pour une tragédie, je n'arrive jamais à savoir si ça correspond réellement à sa vision du monde, ou s'il a choisi une forme qu'il estime plus accrocheuse et qu'il s'y tient indépendamment de ses convictions. Pour certains, c'est facile : il est perceptible qu'ils font part de leur propre souffrance. Pour d'autres, je ne sais pas.

    Le talent de Juillard atteint son apogée : rien que pour ça, je vais feuilleter l'intégrale de mon fils.

    Beau score pour cette série : 4 étoiles pour les tomes 1, 2, 5 et 6, et 5 étoiles pour les tomes 3, 4 et 7.

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    1. La vision du monde. Je ne peux pas te répondre. Il s'agit d'une bande dessinée historique, donc je ne sais pas dans quelle mesure Cothias y projette ses souffrances ; je ne le pense pas. Mais il y a chez ses héros une forme de défiance de l'ordre établi, peut-être plus appuyée dans "Masquerouge".

      C'est une très bonne série ; je mettrai cinq étoiles pour la somme. Tu fais remonter tout ça. Maintenant, j'hésite entre la relire et me (re)plonger dans "Masquerouge" pour en écrire les commentaires.

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    2. De mon souvenir Masqerouge était écrit pour un lectorat plus jeune, en décalage significatif avec Les 7 vies de l'épervier.

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