"Kersten, médecin d'Himmler" est une histoire en deux tomes publiée aux éditions Glénat. Le premier tome, "Pacte avec le mal", compte quarante-six planches. Il est sorti en janvier 2015.
Ce diptyque a été écrit par Patrice Perna, ancien journaliste, scénariste de bande dessinée humoristique ("Joe Bar Team", "Dans la peau de Zlatan"), illustré par Fabien Bedouel, dessinateur ("L'Or et le sang", "Un long destin de sang") et réalisateur de films d'animation, et mis en couleur par Florence Fantini.
Stockholm, juin 1945. Vilhelm, un fonctionnaire du Ministère suédois des Affaires étrangères, reçoit Felix Kersten (1898-1960) dans son bureau pour l'informer que ses demandes de permis de travail et de naturalisation ont été rejetées. Kersten est abasourdi. Il comptait sur la promesse du ministre Christian Günther, mais celui-ci a été démis de ses fonction (après avoir été taxé d'indulgence à l'égard de l'Allemagne nazie). Le nouveau ministre, Östen Undén, entre dans la pièce et accuse Kersten d'avoir collaboré avec le régime nazi en tant que médecin personnel de Himmler et de s'attribuer les actes du comte Folke Bernadotte (ce diplomate suédois qui négocia la libération de 15.000 prisonniers des camps de concentration). Le ministre donne un mois à Kersten pour quitter le territoire suédois. Il va ensuite ordonner à Vilhelm de détruire le dossier de Kersten. Contre toute attente - et sans doute par acquit de conscience, le fonctionnaire va se plonger à nouveau dans le dossier de Felix Kersten afin de l'étudier sous tous les angles.
Berlin, 10 mars 1939. Kersten a été convoqué par le Reichsführer Heinrich Himmer à la chancellerie. Himmler se plaint d'atroces douleurs d'estomac. Aucun médecin n'est parvenu à le soulager, mais Kersten a déjà une solide réputation. Himmler semble attendre un miracle, et le miracle va se produire. En quelques pressions des mains, d'abord douloureuses, Kersten va parvenir à soulager Himmler, au grand étonnement de celui-ci.
Commence alors une relation étrange entre les deux hommes. Kersten, malgré le dégoût que lui inspire le Reichsführer, continue à le soigner, tandis que son patient laisse filtrer de plus en plus de confidences à son "bouddha magique", tout en sachant rester menaçant et intimidant. Certains contacts ou proches de Kersten lui demandent d'obtenir certaines faveurs de Himmler et de tenter d'influencer celui-ci...
Berlin, 10 mars 1939. Kersten a été convoqué par le Reichsführer Heinrich Himmer à la chancellerie. Himmler se plaint d'atroces douleurs d'estomac. Aucun médecin n'est parvenu à le soulager, mais Kersten a déjà une solide réputation. Himmler semble attendre un miracle, et le miracle va se produire. En quelques pressions des mains, d'abord douloureuses, Kersten va parvenir à soulager Himmler, au grand étonnement de celui-ci.
Commence alors une relation étrange entre les deux hommes. Kersten, malgré le dégoût que lui inspire le Reichsführer, continue à le soigner, tandis que son patient laisse filtrer de plus en plus de confidences à son "bouddha magique", tout en sachant rester menaçant et intimidant. Certains contacts ou proches de Kersten lui demandent d'obtenir certaines faveurs de Himmler et de tenter d'influencer celui-ci...
Perna, prenant à la lettre les mémoires de Kersten, produit un scénario très clair émaillé d'analepses, dans lequel un homme va être appelé à côtoyer certains des grands monstres de cette époque et jouer avec la mort en intercédant pour les autres. Notons le travail sur les dialogues, qui sonnent juste. Le texte est impeccable, à l'exception d'une faute au nom de l'un des protagonistes ("Rostberg", pas "Rotsberg").
Ce premier tome est talentueusement illustré par Bedouel. Rien que la couverture vaut le détour : Himmler, coiffé de sa casquette portant l'insigne Totenkopf, fixe le lecteur d'un œil torve, l'autre étant masqué par le reflet de la lumière dans le verre de ses lunettes, ce qui rend le regard du Reichsführer encore plus froid et plus menaçant. Derrière lui, dans son ombre, se trouve Felix Kersten, le visage amer. La pression étouffante que Kersten ressent face à des assassins de masse tels que Himmler ou Heydrich est palpable ; lors des plans rapprochés, les fonds de cases sont absents, ce qui permet d'attirer l'attention du lecteur sur les expressions faciales. Le découpage de l'action, quasi cinématographique, est d'une lisibilité irréprochable.
Bien que les auteurs précisent que leur histoire n'est qu'inspirée de faits réels, "Pacte avec le mal" a été tancé sur certains sites pour son manque de rigueur historique et pour les invraisemblances de certains passages. Alors, finalement, Kersten, réel sauveur, manipulateur ou les deux ? Les Pays-Bas le proposent pour le prix Nobel de la paix en 1953 et la France le décore de la Légion d'honneur à titre posthume en 1960. Cependant, toujours aux Pays-Bas, une enquête officielle (1972) va prouver que le plan de déportation massive du peuple néerlandais vers la Pologne a bien été inventé par Kersten. Quoi qu'il en soit, et dans l'absolu, cet album est une réussite scénaristique et graphique qui tient le lecteur en haleine. Espérons que le second tome de ce projet (intitulé "Au nom de l'humanité"), mettant en scène un acteur méconnu de l'inhumaine tragédie de la seconde guerre mondiale, sera du même niveau artistique.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Aux Pays-Bas, une enquête officielle (1972) va prouver que le plan de déportation massive du peuple néerlandais vers la Pologne a bien été inventé par Kersten. - Une reconstitution historique qui a l'air bien délicate, avec un vrai parti pris qui doit permettre au lecteur, voir exiger de lui qu'il se positionne, en accord ou en désaccord avec cette version. Fréquenter les couloirs du pouvoir à cette époque en Allemagne nazie devait avoir de quoi donner le vertige, des sueurs froides, des cas de conscience, une horreur quelle que soit la réalité des faits.
RépondreSupprimerEffectivement, cela n'enlève rien à ce que Kersten a pu vivre, ni à ce qu'il a pu réaliser, d'ailleurs.
SupprimerCela étant, je reste étonné de voir la caution historique qui est prêtée à cette œuvre dans certains articles de médias "sérieux".