mercredi 6 janvier 2016

Les Tours de Bois-Maury (tome 1) : "Babette" (Glénat ; novembre 1984)

"Les Tours de Bois-Maury" est une série de l'artiste belge Hermann (Huppen) dont le titre a été changé en "Bois-Maury" à partir du onzième tome ("Assunta"). Bien qu'Hermann ait œuvré seul sur les onze premiers tomes, il a par la suite continué avec son fils, le scénariste Yves H., à partir du douzième tome ("Rodrigo").
"Babette" en est le premier tome. C'est un album de quarante-quatre planches, sorti chez Glénat en novembre 1984. Il a connu huit rééditions, à chaque fois avec une couverture différente.

Royaume de France, XIIe siècle. Pour les paysans, c'est la saison des moissons. Babette, une jeune paysanne, est soudainement distraite par la présence d'un maçon qui l'observe en tentant tant bien que mal de se dissimuler dans les bois entourant les champs. Les deux jeunes gens semblent épris l'un de l'autre. Alerté par l'un de ses fils, le père de Babette, furieux, maudit le maçon, le chasse et fait mine de donner la bastonnade à sa fille lorsqu'un cerf surgit des bois, affolé. Pour les nobles, c'est la saison de la chasse. À ses trousses, le seigneur Eudes et son fils, les chevaliers Geoffroy et Aymar de Bois-Maury et leurs veneurs. Alors que son cheval marque brusquement un temps d'arrêt, le chevalier Geoffroy remarque la jolie Babette. Son sang ne fait qu'un tour et, malgré les supplications de la jeune femme, il la viole, sans voir que quelqu'un se glisse derrière lui pour lui planter sa propre lance dans le dos.
Le soir, au château seigneurial, les convives d'Eudes fêtent leur retour de chasse. Personne ne s'inquiète de l'absence du chevalier Geoffroy et les plaisanteries au sujet de celui-ci fusent. L'épouse d'Eudes, le vague à l'âme et choquée par la grivoiserie ambiante, se retire. Le fils d'Eudes commente la taciturnité de Bois-Maury mais le chevalier lui rétorque qu'il est en désaccord avec certaines manières de Geoffroy. Le fils du seigneur étant un ami proche de Geoffroy, le ton monte rapidement ; le seigneur Eudes intervient pour calmer les esprits.
Le soir-même, la monture de Geoffroy retrouve le chemin du château, mais rentre sans son cavalier. Dès le lendemain, Eudes, son fils et ses hommes d'armes partent à la recherche du chevalier Geoffroy pour finir par trouver son cadavre, sa lance encore fichée dans son dos. Rapidement, les soupçons se portent sur Germain le maçon, l'amoureux de Babette, dénoncé par le père de celle-ci. Germain travaille sur le chantier d'une cathédrale. Voyant arriver le fils du seigneur et ses hommes, il tente de fuir, mais tombe de l'échafaudage et perd connaissance. Le fils d'Eudes veut l'exécuter sur-le-champ, mais un moine l'en empêche, affirmant que c'est au seigneur Eudes que reviendra le droit de décider du sort de Germain. Le maçon est emmené au château...

Dans ce monde souvent brutal où la justice est un concept très vague, Aymar de Bois-Maury fait figure d'incarnation de l'idéal chevaleresque, du héros vertueux, digne, courageux, honnête, impitoyable avec ses adversaires et miséricordieux avec les faibles. Hermann, sans manichéisme, nous dépeint une société dans laquelle le fossé entre noblesse et gens du commun est une évidence et une réalité absolues que personne ne songerait à remettre en question. Les nobles ont droit de vie et de mort sur une populace à la fois cruelle, soumise, craintive et en proie à toutes les superstitions imaginables. Seuls les bateleurs semblent bénéficier d'une illusoire liberté, à leurs risques et périls. Le travail remarquable de l'auteur sur les dialogues et le vocabulaire est à noter (même si une petite faute de conjugaison est parvenue à se glisser dans le texte). Par contre, bien que les deux premiers tiers de cette histoire soient vraiment convaincants, les quinze dernières pages sont un peu déroutantes, car Bois-Maury n'en est plus le personnage principal ; l'intrigue se recentre ensuite sur Germain le maçon.
De la partie graphique, il faut retenir le travail sur les couleurs (le ciel de l'été, les champs de blé), le sens de la perspective de l'artiste (voir cette épatante planche complète représentant le chantier de la cathédrale) et celui de l'action (la scène du duel). Il y a cependant quelques cases dans lesquelles les traits des visages des personnages, que ceux-ci soient féminins ou masculins, ne sont peut-être pas toujours soignés.

Le chevalier Aymar de Bois-Maury et son fidèle écuyer Olivier sont des personnages immédiatement attachants, à la caractérisation réussie, et dont la quête, synonyme d'espoir, s'annonce passionnante. La suite est contée dans le second tome, "Éloïse de Montgri".

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Ainsi me voilà arrivé au commentaire sur le 1er tome de la série. Je not l'absence de manichéisme dès le début, ainsi que le travail sur les couleurs. Si ma mémoire ne me trompe pas, il me semble que j'avais également été impressionné par la planche représentant le chantier de la cathédrale. Je remarque également que tu t'es attaché aux personnages dès le début.

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    1. C'est l'une des grandes forces de la série : les personnages d'Aymar et d'Olivier, son écuyer, bien que le rôle qui leur soit dévolu soit parfois - souvent - secondaire.
      La dynamique est différente dans "Bois-Maury", car le descendant de Bois-Maury est seul. Hermann ne peut donc plus utiliser la dynamique du duo, si je puis dire.

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