lundi 28 mars 2016

Batman : "Absolution" (Panini Comics ; octobre 2006)

"Absolution" est un album cartonné de quatre-vingt-seize planches, publié par Panini Comics dans la collection DC Icons en 2006. En VO, ce "graphic novel" (le titre est le même) est sorti en 2002.
J. M. (John Marc) DeMatteis en a écrit le scénario. Il a travaillé pour Marvel et sur de nombreux titres de DC Comics : "Justice League of America", "Justice League International", "Justice League Europe", "Doctor Fate", "Booster Gold", ou, plus récemment, "Justice League Dark". Il a remporté un prix Eisner en 2004 pour "Formerly Known as the Justice League". Brian Ashmore en a réalisé les dessins, ou plutôt, les peintures. C'est un artiste peu connu du grand public qui, à part cet album et "Nightmerica", une mini-série consacrée à Hulk, a peu travaillé pour les deux majors.

De nos jours, en Inde, à soixante-quinze kilomètres de Pune, à la mission locale des Sisters of Mercy (Sœurs de la Miséricorde). Une femme entre deux âges donne le bain à un lépreux âgé. En sueur, les yeux cernés et les traits tirés, elle semble épuisée. Une sœur la supplie de se ménager, mais elle refuse catégoriquement.
Dix ans plus tôt, à Gotham City. Un groupe terroriste d'extrême gauche organise un attentat à l'explosif ayant la Tour Wayne pour cible en plein jour, alors que l'immeuble est occupé et que Bruce Wayne lui-même y assiste à une réunion. L'explosion fait de nombreuses victimes, pour la plupart des employés de Wayne Enterprises. Batman ne peut qu'assister aux morts de plusieurs d'entre eux, parmi lesquels se trouvent quelques amis de Wayne.
Cet attentat est revendiqué par une certaine Jennifer Blake, vingt-six ans, leader des Enfants de Maya, le groupuscule en question. La vidéo de revendication des Enfants de Maya passe sur toutes les chaînes de télévision. Blake y regrette la mort d'innocents, mais affirme que cette tragédie était nécessaire afin que le message des Enfants de Maya soit entendu. Blake souhaite réveiller les consciences des citoyens, selon elle endormis par les politiciens et les marchands, des manipulateurs et des menteurs qu'elle accuse de maintenir des "illusions réconfortantes". Batman catalogue Blake comme fanatique aveugle, monomaniaque et réfractaire à tout avis différent. Mais il est lucide : ce profil psychologique ne pourrait-il pas être le sien ?
Aujourd'hui, à Gotham City. Batman fait le ménage dans une rue d'un quartier mal famé, avant de se diriger d'un pas décidé vers une demeure délabrée. Il a retrouvé la trace de Mitch Maguire, un ancien membre des Enfants de Maya, revenu à Gotham City. Maguire est surpris. Il défend sa peau, mais ne parvient pas à échapper à Batman. Le justicier va le faire parler afin d'apprendre où se cache Jennifer Blake...

"Absolution" est un face-à-face entre un Batman impitoyable qui, malgré des doutes, se refuse à se laisser aller à la moindre compassion, et une terroriste en bout de course, épuisée, qui cherche désespérément une impossible rédemption - voire l'absolution - pour laver tout le sang des innocents qu'elle a sur les mains. DeMatteis va mettre Batman à la merci de son ennemie dans un scénario original, riche en rebondissements et surprenant, puisqu'il nous emmène loin de Gotham City et de ses habituels super-criminels. Dialogues et caractérisation des personnages sont réussis.
Les planches d'Ashmore sont splendides. Ses personnages sont particulièrement expressifs - peut-être cette expressivité est-elle parfois un tantinet exagéré. Sans doute est-ce la peinture, mais l'action de ses illustrations, bien que celles-ci soient fabuleuses, semble parfois très statique, même si parfaitement lisible grâce au découpage classique de l'artiste. Le travail sur la couleur et sur les contrastes est remarquable.

La traduction de Jérémy Manesse est largement satisfaisante ; elle est à peine perfectible. C'est du bon travail. Par contre, la très petite taille de la police, notamment dans les cartouches narratifs, peut rendre la lecture parfois difficile, voire pénible.

"Absolution" est bien plus qu'une curiosité qui fait voyager le Chevalier noir en Inde. C'est une œuvre sombre qui revient sur la nature profonde du justicier masqué. C'est l'un des meilleurs "Graphic Novels" consacrés à Batman au début des années 2000.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Un récit qui m'avait profondément marqué. La version courte de mon commentaire : Deux concepts subversifs : le pardon et la rédemption. Avec ce récit John-Marc DeMatteis utilise un genre de récit spécifique des États-Unis (les superhéros) pour donner son point de vue construit et intelligent sur la différence entre la justice et la vengeance, sur la possibilité de rédemption, sur le pardon des erreurs, dans un contexte où cette nation exigeait l'exécution sommaire de tout ce qui ressemblait à un terroriste.

    https://www.babelio.com/livres/DeMatteis-Batman--Absolution/1206756/critiques/2533425

    Écrire sur le site de Bruce Lit m'avait fourni l'occasion d'interviewer JM DeMatteis et je lui avais posé une question sur ce récit :

    Question - Tout du long de votre carrière, vos histoires irradient la spiritualité, une forte empathie avec vos personnages, et des valeurs morales. Par exemple, c’est ce qui fait ressortir les épisodes que vous avez écrits dans la saga du clone de Spider-Man. Certaines valeurs morales sont plus difficiles que d’autres à mettre en scène. Je me souviens encore de Batman Absolution (2002, avec Brian Ashmore) où vous parliez de rédemption et de pardon, peu de temps après les attentats du 11 septembre. Comment cette histoire a-t-elle vue le jour ?

    Réponse - Le croirez-vous, au départ Absolution était prévu comme une minisérie pour le Punisher. Ce dernier est un personnage qui ne m’a jamais parlé de quelque manière que ce soit, et le responsable éditorial des séries Punisher de l’époque m’a demandé de faire une proposition d’histoire. J’ai pris ça comme un défi et j’ai imaginé la trame globale d’Absolution : l’histoire d’un terroriste qui devient un saint. Mais ça n’a jamais abouti. J’ai conservé cette idée d’histoire pendant quelques années, et j’en ai fait une proposition d’histoire de Batman que j’ai soumise au grand Denny O’Neil, qui l’a convaincu.

    Je pense que d’une certaine manière, nous recherchons tous une forme d’absolution, de rédemption, dans nos vies. Mais au fond, ce que nous recherchons, c’est un sens plus profond, la confirmation que notre vie a une valeur, que sous les couches de pensées et d’émotions souvent dysfonctionnelles, il y a quelque de chose de fondamentalement sacré au tréfonds de notre âme.

    Beaucoup, peut-être toutes mes histoires ont, d’une manière ou d’une autre, pour sujet la Quête du Sens. Pour les Grandes Réponses, qu’elles soient psychologiques, émotionnelles ou spirituelles. Après tout, c’est tout l’objet de la vie. Répondre à la question fondamentale du Pourquoi nous sommes là ?

    http://www.brucetringale.com/interview-john-marc-dematteis/

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    1. J'avais lu ton commentaire sur Bruce Lit, oui ; j'avais été surpris d'y apprendre que cette histoire avait à l'origine été conçue pour le Punisher.

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