mercredi 10 août 2016

Blueberry (tome 2) : "Tonnerre à l'ouest" (Dargaud ; janvier 1966)

"Tonnerre à l'ouest" est le second tome de la série "Blueberry". Cet album est sorti en janvier 1966. C'est le deuxième des cinq tomes de ce qui a été appelé le "Cycle des premières guerres indiennes" par l'éditeur et qui s'étale sur un peu plus de trois années de publication (jusqu'en 1969). Du point de vue de la chronologie de la série, l'intrigue narrée ici se déroule en 1867, c'est-à-dire deux ans après la fin de la guerre civile américaine.
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série créée par le scénariste belge Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par le dessinateur français Jean "Gir" Giraud (1938-2012).

À l'issue du premier tome, Cochise est le seul chef apache à s'échapper du piège tendu par le major Bascom. Les lieutenants Blueberry et Crowe se lancent à sa poursuite sur ordre du major, mais ils tombent sur une escouade de guerriers accourus au secours de leur leader et doivent rebrousser chemin. Au fil des jours, la tension monte au sein du fort, d'autant que les messagers envoyés prévenir les colons et les mineurs des alentours échouent sans exception. Fort Navajo et ses occupants sont isolés et entourés de tribus apaches sur le sentier de la guerre.
"Tonnerre à l'ouest" démarre avec un conseil de guerre apache tenu par les chefs des différentes tribus. Cochise, Ours gris et les autres devisent quant à l'attitude à adopter. Cochise est partisan d'une guerre. Il espère pouvoir récupérer les territoires aux visages pâles, mais il sait que seule une union des tribus apaches leur permettra de réaliser ce rêve. Ours-gris, moins impulsif, tempère les ardeurs de ses pairs en leur rappelant que bon nombre de leurs frères d'armes sont prisonniers à Fort Navajo. Il suggère de négocier la libération des prisonniers en échange de laisser la vie sauve aux visages pâles s'ils acceptent de quitter Fort Navajo. Cochise accepte l'idée et envoie un messager à Fort Alamo, un prospecteur d'argent que les Apaches ont capturé lors des raids sur les propriétés des environs du fort.
Lorsque Bubble Noose (c'est son nom) arrive à Fort Navajo et qu'il délivre le message de Cochise, le major Bascom est abasourdi... en tout cas, dans un premier temps, car ses propos laissent facilement deviner qu'il a bien l'intention de refuser. Le ton monte et la situation s'envenime rapidement lorsque le lieutenant Crowe met en avant la loyauté de Cochise et qu'il suggère que la proposition soit débattue par un conseil...

Rappelons que Charlier, pour ce cycle, s'inspire d'un fait réel survenu en 1861, l'affaire Bascom, élément déclencheur des guerres apaches. Le scénario est toujours aussi solide et cohérent, sans réel temps mort. Le rythme de la narration est haché ; dans le premier tiers, le lecteur assiste aux événements qui se déroulent à l'intérieur du Fort, un lieu isolé, puis Blueberry part pour une mission de la dernière chance et le contraste entre la solitude du personnage dans le désert et la tension des pages précédentes, due à la menace extérieure, à l'angoisse permanente et à une certaine promiscuité, est frappant. Du côté des personnages, bien que Blueberry montre son sens de l'héroïsme et son imagination et que le major Bascom soit toujours aussi enragé et sanguinaire, c'est le lieutenant Crowe qui est sans doute le plus intéressant de ce second tome. Crowe est un métis, un "sang mêlé" qui est affecté à la garnison de Fort Alamo. Ses origines vont lui valoir d'être injurié, méprisé, dénigré et traité de lâche par Bascom, qui va pousser insulte et humiliation jusqu'au bout en mettant le jeune officier aux arrêts et en lui promettant la cour martiale. Les sentiments de loyauté de Crowe vont finir par être écartelés et le jeune officier va choisir son camp.
Il n'y a que quelques mois qui se sont écoulés entre "Fort Navajo" et "Tonnerre à l'ouest" ; écrire que le style graphique de Giraud a pu évoluer serait exagéré. Les cases sont souvent soignées de façon très inégale et le trait est parfois trop gras ; c'est encore plus flagrant lorsque les fonds de cases sont sommaires (voir les premières planches se déroulant à Tucson), mais ce n'est heureusement pas souvent le cas. Par contre, un sens du détail et de la "gueule" commence à poindre ; notons les visages d'Ours gris, de Sam, de certains guerriers apaches ou de Bascom enragé, entre autres. 

"Tonnerre à l'ouest" a un goût de course désespérée contre la montre, de lutte des hommes contre les événements qui se mettent implacablement en marche pour écrire l'histoire. La suite est contée dans le troisième tome, "L'Aigle solitaire" (janvier 1967).

Mon verdict : ★★★★☆

2 commentaires:

  1. Écrire que le style graphique de Giraud a pu évoluer serait exagéré : c'est intéressant de considérer ces pages sous l'angle de la rétrospective, de les envisager en sachant la stature qu'acquerra Jean Giraud par la suite. J'ai bien aimé la remarque sur le sens du détail et de la "gueule" qui commence à poindre.

    Jean-Michel Charlier : je suis retourné relire sa fiche wikipedia, et je me rends compte que mon cerveau minimise à chaque fois sa bibliographie tellement elle est imposante et diverse.

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    1. Je crois que Giraud, au fil du temps, s'est amélioré autant en tant que dessinateur qu'en tant qu'encreur, tant son trait et ses contours s'affinent au fil des albums.

      Charlier : pour moi, il est l'un des plus grands conteurs de la bande dessinée de la seconde moitié du XXe siècle. "Blueberry", "Barbe-Rouge", "Buck Danny", "Tanguy et Laverdure", et - dans un autre registre - "La Patrouille des Castors". Et ça, ce n'est que la facette BD du bonhomme.

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