lundi 31 octobre 2016

Superman : "Kryptonite" (Panini Comics ; juillet 2008)

"Kryptonite" est un album à couverture cartonnée de cent trente planches, sorti dans la collection DC Icons de Panini Comics en juillet 2008. En VO, "Kryptonite" est un arc en six numéros, publié entre janvier 2007 et mars 2008 dans la série "Superman Confidential" (qui n'aura connu que quatorze numéros). Les numéros 1 à 4 de sont sortis entre janvier et avril 2007, le 5 en juin 2007 et le 11 en mars 2008. L'album comprend l'histoire intégrale.
Le scénario de "Kryptonite" a été conçu par Darwyn Cooke (1962-2016), connu des lecteurs francophones pour "La Nouvelle Frontière". Les dessins de "Kryptonite" ont été réalisés par Tim Sale, illustrateur majeur de la fin des années quatre-vingt-dix et du début des années deux mille, au style immédiatement indentifiable qui a notamment travaillé avec Jeph Loeb, son comparse habituel, sur Batman ("Halloween"), Catwoman ("À Rome") ou Superman ("For All Seasons"). La mise en couleur est du coloriste Dave Stewart, qui a remporté neuf prix Eisner entre 2003 et 2015.

Le narrateur se remémore comment il a été entraîné sur Terre suite à une collision avec la navette spatiale transportant le petit Kal-El lors de derniers instants de Krypton. La météorite et fragment de Krypton qu'habite le narrateur se sépare de la petite fusée kryptonienne au moment où celle-ci pénètre l'atmosphère de notre Terre. Chacun des deux véhicules tombe de son côté. La météorite déchire le ciel nocturne telle une étoile filante et s'écrase dans les montagnes asiatiques où elle est récupérée par des nomades. Ceux-ci l'emmènent à ce qui semble être une lamaserie.
Aujourd'hui, à Metropolis. Le Gang du Flush Royal sème la panique en ville en propulsant un camion d'azote liquide sur la foule. Le Gang attend que Superman intervienne et empêche la catastrophe.
Plus tard, Perry White veut que son équipe fasse un papier sur Anthony Gallo, un promoteur apparemment "propre", qui vient d'obtenir l'accord de la municipalité en vue de construire un casino...

"Kryptonite" est une histoire indépendante non canonique (c'est-à-dire que les événements qui y sont contés ne sont pas considérés comme la référence officielle en matière de continuité) qui revient sur le lien de Superman avec la kryptonite. Le scénario est construit de façon non linéaire sur un jeu de miroirs entre Clark Kent / Superman et Anthony Gallo. Le contraste entre Gallo et Kent, bien que prononcé, est intéressant. Gallo est un être amoral, un matricide violent, un psychopathe sans remords ni conscience et incapable d'empathie. Cooke souligne les irréconciliables différences et la formidable opposition qui existent entre Gallo et Kent / Superman. Ce dernier adore ses parents et a véritablement besoin d'eux. Il fait passer les intérêts des autres avant les siens, au risque de rater un rendez-vous avec la femme de sa vie. Pour faire simple, Superman est aussi fondamentalement bon que Gallo est fondamentalement mauvais. La solitude est leur seul point commun, même si seul Superman en souffre. Certes, Kent a quelques amis, mais aucun d'entre eux ne connaît son alias et une relation amoureuse avec Lois semble sans espoir. Cela renforce sans aucun doute son sentiment de solitude et son attachement à ses parents adoptifs.
Les planches de Tim Sale et les couleurs de Stewart sont l'autre réussite de cet album. Sale étonne par la diversité des plans (plus que par celle des visages féminins), par le découpage de l'action ou les contrastes entre ombre et lumière. Certaines cases sont remplies d'éléments, tandis que d'autres tiennent de l'épure minimaliste, comme si l'artiste cherchait à retranscrire l'essence de ce qu'il voulait illustrer. Certaines transitions sont pleines d'inventivité et quelques portraits (Perry White, Superman) sont saisissants. Stewart fait un travail épatant avec les teintes de vert pour la kryptonite.

C'est Alex Nikolavitch qui a signé la traduction. Dans l'ensemble, celle-ci est soignée et le texte est quasiment impeccable ; notons cependant une faute de conjugaison.

"Kryptonite" est un bon récit qui revient sur la kryptonite, ses effets sur Superman, la vulnérabilité nouvellement découverte de celui-ci et les derniers instants de Krypton. Urban Comics l'ont réédité en 2013 en y ajoutant le "Superman" #61 de 1949.

Mon verdict : ★★★★☆

À la mémoire de Darwyn Cooke (1962-2016).
Barbuz

2 commentaires:

  1. Un autre récit de Darwyn Cooke qui m'a laissé songeur : je n'y ai attribué que 3 étoiles.

    Darwyn Cooke annonce qu'il souhaite raconter une histoire intemporelle mettant en évidence la nature de Superman, et pourtant il fait reposer tout son récit sur un point de continuité peu palpitant pour le commun des lecteurs : la première apparition de la kryptonite, un minerai aux propriétés difficiles à avaler (comment ça marche cette histoire de radiation aux effets immédiats, mais temporaires et réversibles ?). Ce trouble bipolaire prend des dimensions encore plus inquiétantes lorsque Superman découvre pour la première fois à quoi ressemblait Krypton avant qu'elle n'explose. Pourquoi Cooke souhaite-t-il à tout prix jouer avec ce point particulier de continuité ? Cela n'a pas de sens dans un récit à la gloire du personnage que de se focaliser sur un élément qui n'intéresse que le lecteur très investi dans le personnage, en tant qu'œuvre de fiction récurrente. Cooke souhaite mettre en avant la confiance que la populace place en Superman : il suffit qu'il apparaisse pour que tout s'arrange. C'est la raison laquelle Tim Sale le dessine avec une telle corpulence. Mais bien sûr, pour des raisons de cohérence, Clark Kent a exactement la même stature. Comment Lois ne peut-elle pas faire le lien entre ces 2 gaillards au format improbable d'armoire normande ?

    En plaçant son récit durant les débuts de Superman, Cooke en profite pour étudier l'idée que Clark ne connaît pas l'étendue de son invulnérabilité et qu'il la découvre au fur et à mesure. Cela donne une séquence très réussie dans un volcan avec la lave qui s'infiltre dans les poumons de Superman. Le coté superhéroïque est à son maximum et Superman redevient l'être invincible d'une puissance phénoménale. Il s'agit effectivement d'une vision du personnage qui date des années 1960... et dont les scénaristes se sont éloignés parce qu'il dévient vite impossible d'imaginer des défis à la hauteur d'individu aussi puissant. À partir de là, le lecteur court le risque de devenir schizophrénique. Soit il lit ce récit comme une histoire pour jeune adolescent : les éléments superhéros passent tout seuls, mais la réflexion sur la violence devient fastidieuse et les éléments de continuité apparaissent bien fades par rapport à d'autres récits sur les mêmes points, les illustrations sont alors un peu rétro et manquent d'éclat. Soit il lit ce récit comme un hommage à Superman d'un point de vue plus adulte, plus réflexif : les éléments de continuité semblent complètement déplacés et inutiles et la réflexion décousue et mal construite, les illustrations sont fort séduisantes, mais elles reflètent une vision incohérente d'un page à l'autre (conflit entre les éléments rétro et la technologie très actuelle).

    https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/R2TMG2LVDGEFQX/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=1401275257

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime bien cette histoire, encore aujourd'hui. Je me souviens qu'à l'époque, j'avais été "déçu" de voir que Cooke n'avait pas réalisé la partie graphique. Je n'avais pas compris pourquoi.
      Concernant le sens de l'observation de Lois Lane, c'est effectivement une question que se posent de nombreux lecteurs plus généralement et en dehors du cadre de cette mini, je pense. Je crois que de nombreux artistes ont opté pour cette approche, celle d'un Superman massif et d'un Clark qui ne devrait tromper personne.

      Supprimer