jeudi 3 novembre 2016

"Sykes" (Le Lombard ; novembre 2015)

"Sykes" est un album cartonné de quatre-vingts planches. Il a paru en novembre 2015 dans la collection "Signé" des éditions Le Lombard ; "Signé" vise à rassembler "des œuvres d'auteurs".
Pierre Dubois, le scénariste, est connu pour sa production autour du thème du merveilleux ("La Grande Encyclopédie des fées" ou "Les Contes du petit peuple"). Dimitri Armand, le dessinateur, a travaillé sur des séries telles que "Angor", chez Soleil, "Salamandre" ou "Bob Morane Renaissance" (Le Lombard).
"Sykes" est un album indépendant qui ne devrait pas connaître de suite ou être transformé en série, bien que ce recueil soit parfois répertorié sur certains sites comme étant le "tome zéro".

Les plaines de l'Ouest américain, par une claire journée de printemps. Un cavalier solitaire aperçoit, au loin, une ferme isolée ; il s'en approche. Un jeune garçon joue dans la cour de la ferme avec un revolver de bois. Il est surpris par le cavalier, qu'il n'a pas entendu arriver. Celui-ci demande à utiliser le puits. Le gamin accepte et en profite pour se présenter ; il s'appelle Jim Starret. Le cavalier lui répond se nommer Sykes. La mère de l'enfant surgit, armée d'un fusil de chasse. Menaçante, elle déclare être prête à tirer au moindre mouvement suspect de Sykes, ajoutant que son mari n'est pas loin. Sykes, bien qu'il ait aperçu une croix tombale sur une butte surplombant la ferme, tente de se montrer rassurant ; il ne fait que passer et ne demande qu'un peu d'eau. Sur ses paroles, il entrouvre sa veste afin que la maîtresse des lieux voie son étoile de marshal. La femme se radoucit et propose une collation à Sykes, mais celui-ci, ayant encore un bout de chemin à parcourir, décline poliment. Avant de reprendre la route, il met la jeune femme en garde contre les rôdeurs qui infestent la région et lui conseille de quitter l'endroit, mais la veuve Starret est résolue à défendre famille et foyer. Sykes quitte les lieux, non sans avoir prodigué quelques conseils au jeune garçon.
Le voyage de Sykes le mène à une petite ville. Il se rend chez le shérif Bars et demande à celui-ci s'il a entendu parler des pillards qu'il traque. Bars répond positivement et propose de recruter des hommes, mais Sykes attend déjà son adjoint. Il se rend ensuite au saloon. Souhaitant rester seul, il éconduit une prostituée qui l'accoste. La scène attire l'attention d'un jeune joueur de cartes, qui se lève et va provoquer Sykes...

Dubois construit une histoire surprenante. Le scénario, dans l'ensemble, est linéaire. Le récit, brillamment déroulé, commence comme un western traditionnel avec une bande de hors-la-loi semant le chaos. Le lecteur va comprendre que le fond de l'histoire n'est pas là. Tout se joue dans les dernières pages et dans une fin que l'on saisit soudainement autant que l'on en redoute le dénouement. "Sykes" n'est donc pas une bande dessinée de western classique ; elle est teintée de macabre et de fantastique. Sykes semble intouchable et est d'une rapidité au revolver démoniaque. Est-il habité par une créature surnaturelle ? Son duel avec le Révérend et la fusillade de Taunton (ces regards !) permettent cette interprétation. Les autres thèmes sont nombreux ; le guerrier vieillissant, incapable de changer de vie et condamné à l'errance, ou encore la nature étouffée par la société industrielle, dont pétrole et chemin de fer sont les fers de lance. On assiste ainsi au crépuscule d'une époque, mais l'espoir ne disparaît pas pour autant, car les valeurs sont transmises d'une génération à une autre.
Armand réalise un travail remarquable au dessin et à la couleur (avec Sébastien Gérard). Il varie les traits des visages des personnages (le barman : un clin d'œil à Ron Perlman ?), bien que les yeux de l'enfant soient trop ronds. Les fusillades sont impressionnantes et l'artiste retranscrit talentueusement la rapidité des mouvements des duellistes. Le personnage de Sykes, tout de noir vêtu, agit comme un contraste permanent avec les autres couleurs de son environnement. Il faut noter la lisibilité de l'action, la variété des plans, l'expressivité des visages ou le soin apporté aux paysages.

"Sykes" est une bande dessinée de western réussie, surprenante, rythmée, agrémentée de quelques ingrédients fantastiques et macabres, bien dessinée, aux nombreuses scènes spectaculaires et dont le personnage principal conserve toute sa part de mystère.

Mon verdict : ★★★★☆

À mes amis.
Barbuz

4 commentaires:

  1. Un scénario de Pierre Dubois : le scénariste dont tu avais relevé le nom pour l'introduction de Bluebells Wood de Guillaume Sorel.

    Une belle preuve de l'inventivité des créateurs qui parviennent à raconter des histoires originales dans le genre un peu usé du western.

    Pour continuer sur échange précédent, je note que le suspense du récit n'est pas obéré par le scénario qui, dans l'ensemble, est linéaire.

    On assiste ainsi au crépuscule d'une époque : je trouve que ces récits sur la transition entre deux modes de vie donnent souvent lieu à une tension interne au lecteur entre le confort du bon vieux temps (totalement fantsmé), et les promesses d'un nouveau monde auquel il ne sera pourtant pas évident de s'adapter.

    Dans ce type de récit sur la transition, j'avais bien aimé Century West d'Howard Chaykin.

    https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/RQMLOV5W4YEGX/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=1607067889

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    1. Effectivement, je n'attendais pas grand-chose d'une énième BD de western ; mais j'ai quand même été suffisamment surpris pour vraiment l'apprécier. En plus, un one-shot, donc pas de suite.

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    2. EN parcourant Babelio, j'ai vu que Dubois & Armand avaient réalisé un autre album dans lequel apparaît Sykes : Texas Jack. Est-il dans ta pile de lecture ?

      https://www.babelio.com/livres/Dubois-Texas-Jack/1085238

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    3. Ah, ben tu vois, je n'étais même pas au courant. Merci pour l'info ! Je l'ajoute à ma liste. Merci encore !

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