mardi 8 novembre 2016

XIII (tome 3) : "Toutes les larmes de l'enfer" (Dargaud ; janvier 1986)

"Toutes les larmes de l'enfer" est le deuxième tome de la série "XIII". Cet album de quarante-six planches est sorti aux éditions Dargaud en janvier 1986 ; c'est la suite de "Là où va l'Indien...".
La série a été créée par Jean Van Hamme (au scénario), incontournable scénariste de la bande dessinée franco-belge, coauteur de "Thorgal", "Lady S." ou "Largo Winch" - s'il ne faut citer que quelques-unes de ses œuvres - et William Vance (au dessin), illustrateur de séries importantes, telles que, entre autres, "Ringo", "Bob Morane" ou "Bruno Brazil". Assez curieusement, ces deux géants devaient au départ collaborer sur "Bruno Brazil". Vance est malheureusement atteint de la maladie de Parkinson ; il a dû se retirer il y a quelques années.

Dans le second tome, XIII, que l'on appelle désormais Steve Rowland, ne retrouve son père Jeremie et le clan Rowland que pour tomber dans le piège d'une machination familiale ourdie par son oncle Matt et sa belle-mère Felicity. Entouré de toutes parts, il s'échappe grâce à l'intervention du général Carrington et du lieutenant Jones. Un hélicoptère l'emmène à Kellownee Lake, où il retrouve Kim Rowland. Il découvre que celle-ci est le numéro XVII de la conspiration, mais elle fuit avant l'arrivée de la police, qui arrête Rowland pour double meurtre. S'ensuit un procès plutôt rapide, à l'issue duquel Rowland est condamné à la perpétuité dans un asile pénitentiaire de haute surveillance.
Lorsque ce troisième tome commence, Rowland est incarcéré dans le quartier général de haute surveillance de l'asile pénitentiaire de Plain Rock (a priori situé dans l'état d'Arizona). Rowland et les autres prisonniers, sous étroite surveillance, participent à un atelier de vannerie. L'asile pénitentiaire est isolé, loin de tout, perché au milieu d'un environnement hostile et d'une nature sauvage. Tout semble avoir été prévu pour rendre l'évasion impossible. McBride, le chef des gardiens, demande à l'un de ses subordonnés d'emmener Rowland chez le docteur Johansson pour son traitement. Il est encouragé par le jeune Billy Stockton, tandis que leur compagnon de chambrée ricane. Après une douche au tuyau d'arrosage et un rapide coup de rasoir, Rowland est escorté jusqu'au cabinet du docteur. L'infirmier l'attache solidement à un lourd fauteuil de bois. Le docteur Johansson et son assistant, le docteur Ralph Berger, commencent la séance d'électrochocs de XIII. Mais la séance prend une tournure fâcheuse ; Johansson, échangeant quelques propos avec XIII, finit par s'enflammer. Sa leçon de morale dérive rapidement vers un discours religieux d'un autre âge et, lorsque XIII met en doute la santé mentale du psychiatre, celui-ci, malgré les protestations de son assistant, pousse brutalement l'intensité du courant, arrachant à XIII un hurlement de douleur...

Nouveau tome, nouveau microcosme, pour ce qui représente l'un des sommets de la série. Dans celui-ci, Van Hamme inflige à XIII un passage dans une prison pour psychopathes, avec tout ce que cela comporte : gardiens sans pitié ni empathie (d'ailleurs, l'empathie est-elle ici possible ?), conditions de détention "à la dure", isolement, cellules partagées et crasseuses qui dégagent presque leur âcre odeur d'urine et de sueur à travers les pages, psychiatres illuminés, etc. Le séjour de XIII donne froid dans le dos. En parallèle de cette immersion dans un univers qui inspire l'aversion, Van Hamme met en scène un face-à-face passionnant entre le général Carrington et le colonel Amos dans les confortables bureaux feutrés, lumineux et modernes de Washington DC. Ce troisième volume est important ; le juge Allenby apparaît pour la première fois et l'enquête sur l'identité de XIII fait des progrès. La caractérisation des personnages est un régal. Les dialogues sonnent juste. Les dessins de Vance sont soignés et son travail est remarquable, que ce soit lorsqu'il met des paysages sauvages en images (quatrième case de la première planche) ou encore lorsqu'il recouvre les visages des prisonniers de Plain Rock du masque de la folie la plus profonde (première planche). Le sens du détail de l'artiste est à noter, surtout lorsqu'il donne vie au cabinet du docteur Johansson, ainsi que sa science du découpage lors de la scène dans la conduite d'évacuation. L'excellente mise en couleur est réalisée par Petra (Petra Coria, qui n'est autre que l'épouse de Vance).

"Toutes les larmes de l'enfer" est passionnant. Van Hamme joue avec la vie de XIII, Vance met en scène des endroits impossibles et l'intrigue scotche le lecteur, suspendu aux lèvres d'Amos lorsque celui-ci partage le résultat de son enquête avec Carrington.

Mon verdict : ★★★★★

2 commentaires:

  1. Le lecteur, suspendu aux lèvres d'Amos lorsque celui-ci partage le résultat de son enquête avec Carrington : je me souviens très bien de cette sensation quand j'avais lu ce tome.

    Le sens du détail de l'artiste est à noter, […] ainsi que sa science du découpage : je n'avais pas le regard assez attentif pour m'en apercevoir quand je l'ai lu, je n'y prêtais pas assez attention.

    Avec le recul; je me demande si le scénariste avait également en tête des sources d'inspiration cinématographiques pour ce passage dans une prison pour psychopathes.

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    1. Bonne question concernant les inspirations cinématographiques. Je pense que oui, mais je n'ai aucune information qui confirme ton hypothèse. À chaud, je pense à "Vol au-dessus d'un nid de coucous", mais ça n'engage que moi.

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