"Rouge total" est le cinquième tome de la série "XIII". Cet album cartonné, qui compte quarante-six planches, est sorti aux éditions Dargaud en novembre 1988 ; c'est la suite de "SPADS".
La série a été créée par Jean Van Hamme (au scénario), incontournable scénariste de la bande dessinée franco-belge, coauteur de "Thorgal", "Lady S." ou "Largo Winch" - s'il ne faut citer que quelques-unes de ses œuvres - et William Vance (au dessin), illustrateur de séries importantes, telles que, entre autres, "Ringo", "Bob Morane" ou "Bruno Brazil". Assez curieusement, ces deux géants devaient au départ collaborer sur "Bruno Brazil". Vance est malheureusement atteint de la maladie de Parkinson ; il a dû se retirer il y a quelques années.
Dans le tome précédent, XIII se refait une santé chez les SPADS (SPecial Assault & Destroying Sections). Le colonel Amos démasque le juge Allenby, numéro VI de la conspiration. Il est invité chez Henry Sheridan, le père du défunt président, où l'amiral Heideger et le général Carrington lui dévoilent les racines de l'affaire : Steve Rowland, comment l'agent du contre-espionnage Kim Carrington - la fille du général - est tombée amoureuse de lui, le sacrifice de ses propres hommes afin de passer pour mort, sa participation à une conspiration d'extrême-droite, l'assassinat du président Sheridan, sa mort restée secrète, le recrutement de Jason Fly pour jouer le rôle de Rowland. Sheridan, Carrington et Heideger pensent qu'un coup d'État se prépare et que les conspirateurs profiteront des grandes manœuvres de Rouge total pour mettre leur plan à exécution. XIII, de son côté, est démasqué par le colonel Mac Call. Il s'enfuit en hélicoptère avec le lieutenant Jones et le sergent Barnowsky, mais comprend qu'ils ont été piégés. L'hélicoptère, à court de carburant, menace de s'écraser. Le trio saute en parachute et atterrit sur une plage déserte et isolée.
"Rouge total" s'ouvre avec les funérailles d'Henry Sheridan. Walter "Wally" Sheridan, fils du défunt et frère cadet du président assassinat, est bien sûr présent, tout comme Patrick Donnelly, le secrétaire de la Défense, le général Carrington, le chef d'État-Major des armées, l'amiral Carl Heideger, du contre-espionnage et le juge Art Longman, de la Cour suprême. L'adversaire de Walter Sheridan aux élections présidentielles est représenté par Calvin Wax, son conseiller personnel. La presse est venue en masse pour couvrir l'événement, retransmis sur de nombreuses chaînes de télévision à travers le pays. Soudain, c'est l'onde de choc : un reporter franchit le cordon de sécurité, abat un garde du corps et tire à deux reprises sur Walter Sheridan. L'inconnu est enfin maîtrisé. Sheridan est vivant. L'auteur de l'attentat est alors abattu d'une balle en pleine tête par un tireur embusqué...
"Rouge total", c'est une course contre la montre qui semble perdue d'avance. À Washington DC, les masques tombent et les conspirateurs resserrent les mailles de leur filet. Comment quelques personnes peuvent-elles empêcher le coup d'État ? Évidemment, un grain de sable va finir par s'insérer dans les engrenages de cette machine bien huilée ; il est personnifié par le marquis Armand de Préseau, un Français "vieille école" comme on n'en fait plus, propriétaire d'une plantation de bananes. Van Hamme utilise le personnage de Préseau afin d'insuffler un peu d'humour et de légèreté dans un album musclé qui a sa part de victimes. Côté caractérisation, les personnages restent égaux à eux-mêmes ; de nouvelles révélations remontent à la surface au sujet de XIII, mais ce sont les femmes, Jones et Barnowsky, qui sont les véritables héroïnes de ce récit. La tension monte crescendo jusqu'à ce que l'action explose ; à partir de là, tout se déroule très vite et peut-être trop facilement pour nos héros. Les deux dernières planches sont un bel exemple de narration cinématographique.
Vance ne produit pas plus de six à sept cases par planche. Le découpage est classique et sans fioriture, ce qui permet à l'action d'être parfaitement lisible. Le sens du détail et de la composition de l'artiste sont évidents, notamment lorsqu'il met en scène les bidonvilles de San Miguel. Il se fait plaisir avec une planche de démonstration, dans laquelle il met en scène des véhicules militaires lors du lancement des manœuvres.
"Rouge total" est la conclusion de la première manche entre les conspirateurs et XIII et ses alliés. C'est un album solide, mais pas entièrement convaincant, la conclusion semblant bien facile pour XIII et ses alliés. La suite est contée dans "Le Dossier Jason Fly".
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
L'auteur de l'attentat est alors abattu d'une balle en pleine tête par un tireur embusqué… Voilà qui me rappelle la mort de Lee Harvey Oswald. Est-ce que, avec cette série, Van Hamme ne fait pas comme avec Thorgal, un melting-pot des récits d'espionnage ? Au vu de ta critique, je comprends qu'il le fait avec une rare adresse pour construire sa série de manière cohérente, ce qui m'impressionne fortement au regard de sa complexité.
RépondreSupprimerLe sens du détail et de la composition de l'artiste sont évidents : rétrospectivement, ce scénariste a été heureux en mariage avec ses artistes, William Vance, Grzegorz Rosiński, Philippe Francq, Francis Vallès.
Comme tu le sais, Van Hamme s'est largement inspiré de "Bourne Identity". Assez rapidement, les deux intrigues divergent. Ici, on est peut-être plus dans le thriller que dans l'espionnage, même si je sais que ce n'est pas le but de ta question. Enfin, pour te répondre, je crois que Van Hamme s'est assez largement inspiré des Robert Ludlum, Tom Clancy, et Cie.
SupprimerRemarque très intéressante, car je me demande souvent comment se montent les collaborations. Van Hamme a-t-il pu choisir ses artistes ? Lui ont-ils été recommandés ? Imposés ? Y a-t-il des artistes avec qui il aurait voulu travailler, mais qui n'étaient pas disponibles ou qui ont refusé ?