"Chroniques de Jérusalem" est un album (au format 166 × 231 millimètres) à couverture flexible de près de trois cent vingt planches. L'œuvre a été publiée en novembre 2011, dans la collection Shampooing (créée en 2005 et dirigée par Lewis Trondheim) des éditions Delcourt. C'est un recueil indépendant.
"Chroniques de Jérusalem" a été entièrement réalisé (scénario, dessin et encrage) par le Canadien (et Québécois) Guy Delisle. Delisle est connu pour ses bandes dessinées autobiographiques écrites suite à des séjours prolongés, soit pour son propre travail, soit dans le cadre de missions d'expatriation de son épouse (elle est employée par Médecins sans frontières), dans des pays que l'on pourra qualifier de "complexes". Avant Jérusalem (et Israël), l'auteur a ainsi décrit ses expériences personnelles en Chine ("Shenzhen", 2000), en Corée du Nord ("Pyongyang", 2003) et en Birmanie ("Chroniques birmanes", 2007). Lucie Firoud ("Lucha Libre") partage le travail de mise en couleur avec Delisle.
Pendant un temps, "Chroniques de Jérusalem" a été commercialisé en coffret avec les "Croquis de Jérusalem" du même auteur (près de cent trente planches). Le coffret est épuisé, semble-t-il.
Août 2008. La famille Delisle débarque en Israël pour douze mois, Nadège, l'épouse de l'auteur, étant en mission pour Médecins sans frontières. Première expérience : un Russe rescapé des camps qui joue avec la fille de Delisle dans l'avion. Les Québécois logent dans un appartement d'expatriés dans Beit Hanina, un quartier palestinien de Jérusalem-Est annexé suite à la guerre des Six Jours, situé en Israël selon les Israéliens ou en Cisjordanie selon la communauté internationale. Un quartier aux routes en mauvais état et dont les ordures sont trop peu souvent ramassées. Delisle, seul la plupart de temps, parfois avec ses enfants, plus rarement avec son épouse, part à la découverte de son environnement, du pays, des lieux saints. Entre quelques déplacements professionnels, le Québécois assiste ainsi à une "mini-intifada", se plonge dans l'enfer des bouchons hiérosolymitains, se plie à des mesures omniprésentes de sécurité, observe des fêtes de mariage sans femmes côté palestinien, découvre les Samaritains, les meurs des juifs orthodoxes et les rapports compliqués de certains d'entre eux avec le sionisme, visite Hébron... Et puis, c'est la guerre de Gaza 2008-2009, qui dure trois semaines. Trois semaines d'opération "Plomb durci" et de bombardements intensifs, lors desquelles les Palestiniens paient cher les roquettes tirées sur la ville de Sdérot. Arrive la fête de Pourim, où les juifs orthodoxes se saoulent jusqu'à être incapables de discerner les notions de bien et de mal. Enfin, Delisle organise, participe ou est invité à des conférences ou des ateliers sur la bande dessinée, une expérience très contrastée...
Sacré défi pour l'auteur de s'attaquer à une région, une ville et un pays aussi compliqués. Delisle découpe les souvenirs de son séjour en Israël en une multitude de sketches relativement courts pour la plupart d'entre eux, et qui portent systématiquement sur un sujet bien précis (un quartier, une ville, un monument, un personnage ou une rencontre, un événement, une fête, etc.). Derrière l'apparente banalité des propos de ce père au foyer (malgré ses quelques excursions en dehors d'Israël lors de ces douze mois) émerge une volonté de l'auteur, à l'opposé des analyses politiques sérieuses, de décortiquer la complexité de ce qu'il vit et de ce dont il est témoin, sans fausse modestie. Le ton est résolument humoristique, sans jamais verser dans la caricature gratuite. Évidemment, les sentiments de Delisle évoluent rapidement en faveur des Palestiniens et il charge lourdement les colons israéliens. Ce manque prévisible de neutralité ne l'empêche pas de conserver un minimum d'esprit critique, comme en témoignent les ateliers de bande dessinée auxquels il est tour à tour invité ou organisateur, et qui laissent entrevoir l'incroyable désert culturel entretenu par une religion rigoriste et omniprésente. L'ensemble reste néanmoins très lisse, un effet accentué par le style graphique presque minimaliste (simple, dépouillé et clair). Delisle utilise la bichromie pour ses planches, et la quadrichromie pour ses cartes.
Malgré la simplicité du trait et du propos, l'œuvre alimente la réflexion plusieurs jours après la lecture. "Chroniques de Jérusalem" a valu à Delisle le Fauve d'or 2012, c'est-à-dire le prix du meilleur album, décerné par le jury du Festival d'Angoulême.
Mon verdict : ★★★☆☆
Merci à Pedro.
Barbuz
Je garde un bon souvenir de Pyong Yang et de Shenzhen, mais je n'ai pas poursuivi la carrière. Par contre, après lecture de ton commentaire, j'ai noté la référence de Chroniques de Jérusalem comme cadeau potentiel à des membres de ma famille.
RépondreSupprimerJe dois dire que cet album ne m'a pas entièrement convaincu.
SupprimerAurais-tu écrit des billets sur "Pyong Yang" et "Shenzhen", par hasard ?
Non, je n'en ai pas écrit, c'était avant que je ne me mette à rédiger des commentaires.
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