"Alix Senator" est une extension du titre "Alix" (toujours en cours à ce jour) qui voit le jour deux ans après le décès du "père" du personnage, Jacques Martin (1921-2010), grande figure de la bande dessinée franco-belge qui aura présidé à la destinée de son héros pendant soixante ans (de 1948 à 2009) !
Avec l'accord des héritiers de l'auteur, l'éditeur demande à Valérie Mangin (et Denis Bajram, son époux) des idées pour élargir l'univers du personnage. Mangin propose de le faire vieillir d'une trentaine d'années. Alix a donc ici une cinquantaine d'années. Il occupe la fonction de sénateur de l'Empire romain. Il a un fils Titus (de mère inconnue) et a recueilli Khephren, le fils d'Enak, sans que l'on sache ce qui est arrivé à ce dernier.
Mangin (connue pour "Le Fléau des dieux", entre autres) signe le scénario. Elle a fait appel à Thierry Démarez pour la partie graphique. Ils ont déjà travaillé ensemble ("Le Dernier Troyen").
Mont Circé, Latium, -12 av. J.-C. Une pluie drue tombe sur le paysage. Un éclair strie le ciel sombre comme le plomb, le tonnerre gronde. Un cavalier, apeuré par la foudre, se presse ; il regrette d'être venu à ce rendez-vous. Brusquement, son cheval se cabre et jette son cavalier à terre. L'homme regarde sa monture, qui n'avait encore jamais eu peur de l'orage, s'éloigner, lorsqu'un rapace aux serres monstrueuses fond sur lui.
Le lendemain, Lépide le Jeune parcourt les environs avec quelques hommes à la recherche de son père. Ce dernier n'a pas pu aller bien loin. Hélas, ses valets retrouvent son cadavre, auquel les cochons sauvages se sont déjà attaqués. Bouleversé, Lépide le Jeune se refuse à l'idée que son père, Marcus Aemilius Lepidus, Lépide, grand pontife (chef officiel de la religion romaine) et ami de Jules César, ait pu mourir seul en cet endroit.
Rome, le Capitole (l'une des sept collines de la ville et son centre religieux), temple de Jupiter. L'Empereur (le premier empereur romain) Auguste (Octave) est présent, en compagnie de son épouse, Livie, et des Flamen Dialis (les prêtres de Jupiter), tous réunis au pied de la statue du dieu. Le Premier augure lui annonce que Jupiter approuve son élection au grand pontificat. Pour preuve, des aigles (symbole du dieu) ont survolé sa demeure. Auguste est ainsi l'élu de Jupiter, comme il est celui de Rome. Le maître de la foudre n'ayant pas de prêtre dans la cité, c'est le Premier augure qui bénit Auguste. Il conclut en ajoutant que c'est maintenant qu'Auguste succède vraiment à César, lui souhaitant d'être un grand pontife aussi digne et pieux que son grand-oncle. À la sortie du temple, Auguste est acclamé par une foule en liesse, parmi laquelle le sénateur Alix...
Les caractérisations sont réussies, surtout celles d'Alix (en père sévère portant la toge, il est impeccable) et des deux garçons, trublions en puissance. Louons l'auteure pour son travail de recherche, son approche documentaire et la richesse historique qui en découle. Elle exploite les zones d'ombre de l'histoire pour romancer son intrigue. Sa Rome, avec ses complots politiques, ses rivalités, ses ambitions, ses orgies, est celle d'une vision moderne, mais Mangin prend garde à ne pas forcer le trait. L'atmosphère est sombre, voire sinistre. La gestion de l'intrigue laisse à désirer ; le suspense en est quasiment absent, bien qu'il est évident que la scénariste sème les graines d'une intrigue plus ambitieuse, qui devrait faire office de fil rouge.
Les dessins de Démarez sont, dans l'ensemble, réussis. L'artiste opte pour un style moderne et particulièrement réaliste, éloignant l'univers du personnage de la ligne claire de Martin et donnant ainsi, d'emblée, sa propre identité visuelle à ce titre dérivé. Son Alix, un homme dans la force de l'âge, est absolument parfait ; l'icône est respectée. Le découpage est classique et l'action, parfaitement lisible. Le dessinateur effectue un travail important sur les visages et l'expressivité de ceux-ci. Il réalise également la mise en couleur. Mais son approche n'offre pas suffisamment de contrastes et peu de couleurs vives et chaudes. Les planches semblent ainsi recouvertes d'un voile terne et accentuent la froideur qui ressort de certaines cases.
"Alix Senator" est une renaissance plutôt réussie, malgré quelques défauts. Ses forces, même si cette intrigue n'est pas entièrement convaincante, sont la reconnexion immédiate au personnage principal et une identité graphique propre et instantanée.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
J'ai offert les 5 tomes de cette série à mon fils qui a beaucoup apprécié. Il a trouvé que la reconstitution historique était vraiment épatante. Je pense que j'essaierai le premier tome d'ici quelques mois.
RépondreSupprimerSuperbe cadeau !
SupprimerMangin est une scénariste sérieuse avec une approche quasi universitaire qui se documente à fond.
Je crois bien que je vais continuer cette série.
En attendant de découvrir la suite, je me remets aux premiers épisodes de la série d’origine.
Oups ! J'avais complètement oublié ce commentaire...
RépondreSupprimerSi je lis bien ton commentaire, il n'est pas nécessaire de disposer de connaissances préalables sur le personnage d'Alix pour apprécier cette série dérivée ?
Il y a bien quelques clins d'œil (ou alors c'est moi qui en vois), mais a priori, non.
SupprimerPeut-être que cela va changer au fil des tomes ? Je t'en dirai plus en mai, car je projette d'écrire des billets sur les tomes 2 à 4.