"Les Tours de Bois-Maury" est une série de l'artiste belge Hermann (Huppen) dont le titre a été changé en "Bois-Maury" à partir du onzième tome ("Assunta", 1998). Bien qu'Hermann ait œuvré seul sur les onze premiers numéros, son fils Yves H. le rejoint comme scénariste au douzième tome ("Rodrigo", 1991).
"Reinhardt" est le quatrième volume du titre. Cet album cartonné de quarante-six planches est sorti dans la collection "Vécu" de Glénat en janvier 1987. Il y a eu, à ce jour, sept rééditions.
L'action se déroule dans le massif des Pyrénées, dans le royaume de Navarre, en Espagne, au XIIe siècle. C'est l'hiver. Un homme mange seul devant son feu. Il entend du bruit et sort son épée. Deux cavaliers avancent vers lui. L'un d'eux, un chevalier, l'appelle par son prénom (Karl), lui dit qu'il peut ranger son arme, et lui demande si son visage ne lui rappelle rien. Karl, étonné, reconnaît Manfred von Kirstein. Manfred justifie sa présence en lui expliquant qu'il vient attendre le passage de son frère Reinhardt. Il demande à Karl de confirmer que son père est mourant. Le baron, en effet, est à l'agonie. C'est pourquoi il a fait revenir Reinhardt, afin que celui-ci lui succède. Karl s'étonne cependant que Manfred soit au courant de la situation. Mais le chevalier répond que cela n'a pas d'importance et lui donne l'embrassade, tandis que son comparse approche silencieusement dans le dos de Karl, et le poignarde.
Ailleurs, une pluie froide et drue tombe sur un petit village situé sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Plusieurs villageois dorment dans la même pièce, près de l'âtre. Parmi eux, le couple de marchands que le chevalier de Bois-Maury escorte (voir "Germain"). L'épouse du marchand s'ennuie ; elle souhaite quitter cet endroit, car cela fait trois jours que Bois-Maury les retient ici. Son mari lui suggère de songer plutôt aux événements heureux récemment survenus dans leur vie : un enfant et le pèlerinage. Tandis qu'Olivier, son écuyer, somnole, Bois-Maury veille. Il ouvre une lucarne et observe ce qu'il se passe à l'extérieur. Il voit un homme tituber, en proie à de vives douleurs, et s'effondrer dans la boue. Bois-Maury informe Oliver que la pluie est sur le point de cesser et qu'ils reprendront la route à l'aube. Le lendemain, une tombe est creusée, le mort est enterré et la messe est dite. Olivier s'inquiète, car c'est la troisième victime de ce mal inconnu depuis la veille. Ses propos sont interrompus par un bruit de galop. Trois cavaliers traversent le village à bride abattue. L'un d'eux porte le manteau des croisés. Aymar note qu'ils vont vers le Nord, comme lui et ses compagnons. Le convoi s'active sous les chants religieux. Sur le bord de leur chemin se tient une jeune fille malingre, vêtue de haillons, qui mendie...
Bois-Maury a enfin un rôle de premier plan. Hermann met le chevalier à l'épreuve. Bois-Maury semble s'en vouloir d'avoir accepté d'escorter ce couple de marchands. Il rencontre Reinhardt von Kirstein, autre facette de l'archétype du chevalier, un soldat aguerri qui revient des croisades, courageux (autant que son frère est lâche), mais arrogant, à qui la fortune semble malgré tout sourire. En aidant ce personnage en qui il ne trouve aucun écho, Bois-Maury est mêlé à un conflit familial, une guerre fraternelle de succession jusqu'à la mort. Enfin, il brave la nature et les éléments (la neige et les montagnes) et échappe à ce qui semble être un début d'épidémie de peste. En mettant Bois-Maury dans les bras d'une fille de joie, l'auteur rappelle que le chevalier est aussi un homme, avec les désirs que cela implique. Quant à la jeune fille, c'est un personnage énigmatique (présence divine ?) qui récompense Bois-Maury pour sa compassion. L'auteur l'utilise comme un ingrédient qui pimente le récit de cette pointe de fantastique présente dans les albums précédents.
Les dessins participent à la réussite de l'album. Certaines scènes (l'assaut de la maison de berger, la chute de cheval de Reinhardt) ne sont pas tout à fait limpides, mais l'artiste subjugue par son sens de la composition, notamment des paysages (village sous la pluie, monts embrumés ou enneigés), son utilisation de la perspective (pont de l'embuscade, port de Bordeaux) et l'expressivité des visages des personnages.
"Reinhardt" est un volume plus violent (à l'instar du deuxième), mais abouti, et toujours servi par d'excellents dialogues. La mise en couleur (qui n'est plus réalisée par Fraymond, mais par Hermann) est moins éblouissante que dans les tomes précédents.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Ton article met vraiment l'eau à la bouche. Damned ! Ma pile de lecture est déjà d'une hauteur déraisonnable.
RépondreSupprimerEt pourtant ! La mise en couleur est nettement moins bien que celle de Fraymond.
SupprimerJe ne sais pas pourquoi le coloriste n'a pas continué sur cette série ; mais je n'ai lu que quatre tomes...