mercredi 12 juillet 2017

Les Tours de Bois-Maury (tome 3) : "Germain" (Glénat ; novembre 1986)

"Les Tours de Bois-Maury" est une série de l'artiste belge Hermann (Huppen) dont le titre a été changé en "Bois-Maury" à partir du onzième tome ("Assunta", 1998). Bien qu'Hermann ait œuvré seul sur les onze premiers numéros, son fils Yves H. le rejoint comme scénariste au douzième tome ("Rodrigo", 1991).
"Germain" est le troisième volume du titre. Cet album cartonné de quarante-six planches est sorti dans la collection "Vécu" de Glénat en novembre 1986. "Germain" a été réédité huit fois.

Comté de Foix, au pied des Pyrénées, XIIe siècle. Une procession religieuse, escortée d'un cavalier et de quelques piquiers, passe devant des ouvriers viticoles en plein travail, qui s'agenouillent au passage de l'abbé et du reliquaire. Apercevant un vautour, l'un des gardiens apostrophe Favard, le cavalier, d'un ton goguenard. Il lui demande s'il ne s'agit pas là de l'oiseau qui, dans ses cauchemars, lui déchire les yeux. Favard, sans répondre, arme sa fronde, tire, et fait mouche. Le vautour s'envole à tire-d'aile. Favard, pensant l'avoir abattu, lance son cheval au galop. Il fouille les buissons du bout de sa lance, mais, ébranlé, n'y trouve que les restes d'un squelette humain.
Au monastère, un homme s'approche d'un tailleur de pierre. L'artisan, croyant que l'étranger cherche du travail, réalise qu'il s'est mépris lorsque l'homme lui montre sa main infirme. Il lui demande son nom. C'est une femme qui répond : ce n'est autre que Germain, ex-maçon (devenu brigand). La femme, c'est Alda, qui fait partie de la même troupe de bateleurs et de voleurs (voir "Babette", le premier tome). Les cloches sonnent, et les moines, précédés de l'abbé, entrent dans l'église en portant le reliquaire. Autour d'eux, paysans et villageois s'agenouillent. Deux d'entre eux le font, mais narquoisement ; ils ont repéré les coupes et croix richement ouvragées. Il s'agit de la Pie et de Marcus, membres de la même troupe qu'Alda. Ils partent rapporter le résultat de leurs observations aux autres.
L'un des brigands se baigne dans la rivière. Il conseille à la Pie d'en faire de même, car cela éclaircit le jugement. L'homme pense que son comparse est fou ; le monastère est bien gardé, les moines savent se battre quand il le faut, et les brigands ne sont que sept. Mais pour la Pie, la misère guette la bande ; il y a donc là un risque à prendre. Lorsque l'autre remet son commandement en doute, la Pie dégaine son poignard et saute à l'eau, prêt à occire l'insolent. Germain l'arrête d'un mot. C'est lui qui pénétrera dans le monastère, et il le fera seul. Pour une fois, sa main infirme pourrait bien lui être utile. La Pie lui ordonne d'attendre. Il assène un coup de poing au visage de son acolyte et demande à Germain de leur expliquer son plan...

Ce tome est surprenant, car Aymar de Bois-Maury et son écuyer Olivier n'interviennent que dans l'intrigue secondaire, sans rapport apparent avec l'aventure des voleurs. Voir Bois-Maury cantonné dans les seconds rôles est frustrant, mais c'est l'une des marques de fabrique de la série. Hermann écrit une histoire de vol dont les conséquences s'avèrent désastreuses. Si le plan de Germain est bien pensé, Ludovic, qui rappelle, forcément, le Quasimodo de "Notre-Dame de Paris", y fait office de grain de sable. L'imprévisible, la cupidité des uns et la rage de revanche des autres font de nombreuses victimes. Bois-Maury, de son côté, escorte un marchand, dont l'épouse souffre de la perte d'un enfant, sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Pour le lecteur, il est difficile de voir l'amour-propre du preux chevalier mis à mal lorsqu'il se résigne à accepter la bourse du commerçant. Hermann écrit un scénario cohérent et riche en retournements de situations. Surtout, il met en scène une société dans laquelle la compassion est assurément une vertu rare.
Les dessins sont remarquables. L'action et la narration, limpides, sont exemplaires, grâce au découpage classique de l'artiste. Si le style graphique d'Hermann n'évolue pas, les cases et les personnages sont davantage soignés que dans les récits précédents. Comme dans le second tome, le coloriste, Fraymond, est crédité en dernière planche. La magnifique mise en couleur contribue à la réussite visuelle de cet album.

Il est nécessaire de lire ou de relire "Babette" pour se remémorer les personnages et comprendre les finesses des excellents dialogues. Les contemporains de Bois-Maury, chevalier errant, sont décidément sans la moindre pitié les uns pour les autres.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence01 août

    Ah ben zut ! J'étais persuadé d'avoir lu le début de cette série en l'ayant emprunté à la bibliothèque municipale, et je m'aperçois en lisant ton commentaire (et celui sur le premier tome) qu'il n'en est rien. Ma mémoire commence à me jouer des tours.

    8 rééditions : mazette ! Un vrai monument du patrimoine de la BD francobelge.

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    1. J'avoue que j'ai redécouvert Hermann sur le tard. On m'avait offert le quinzième tome de la série (le dernier !) et ça m'a suffisamment plu pour que je tente les quatorze précédents.
      Je ne sais pas pourquoi l'hommage d'Angoulême a été si tardif.
      Si tu t'y (re)mets, surtout fais-moi signe ; j'adorerais lire ce que tu en penses !

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