"Tintin au pays des Soviets" est un album en noir et blanc paru aux éditions du Petit Vingtième en septembre 1930 ; à l'origine, cette histoire a été publiée dans le magazine du même nom, de janvier 1929 à mai 1930. Près de quatre-vingt-dix ans plus tard, en janvier 2017, Casterman et les éditions Moulinsart rééditent ce récit dans une version colorisée inédite, sous la forme d'un album cartonné (cent trente-huit planches).
Cet album (scénario, dessins, encrage) a été réalisé par Rémy Georges, alias Hergé (1907-1983). Outre ceux des éditeurs, les crédits ne mentionnent aucun nom pour la mise en couleur.
Le Petit Vingtième, afin de rester à la pointe de l'information et des actualités étrangères, décide d'envoyer Tintin, l'un de ses meilleurs reporters, en Russie soviétique. Sur le quai, le jeune homme écoute les conseils des membres de la direction du journal, fait ses adieux et promet d'envoyer des cartes postales et de ramener quelques souvenirs (caviar, vodka). Le train parti, Milou commence à s'inquiéter ; ne lui a-t-on pas dit qu'il y avait des puces et des rats, là-bas ? Le reporter, lui, trouve rapidement le sommeil, et laisse son chien à ses soucis.
Derrière la paroi du compartiment, un homme au faciès patibulaire, un agent soviétique, veut éviter que "ce sale petit bourgeois" de Tintin n'arrive en Russie. Il sort de sa valise une bombe avec mèche, allume celle-ci, récupère son bagage, et part se réfugier à l'avant du train. De l'autre côté, Milou continue à donner libre cours à ses idées noires et Tintin ronfle en rêvant de Moscou. La bombe explose. Le journaliste, dont les vêtements ont été déchirés par la déflagration, s'aperçoit que le train a été dévasté, mais qu'il continue à rouler jusqu'à Berlin, où il fait halte. Tintin compte changer de train, mais un schupo l'accuse d'avoir fait disparaître ses compagnons de voyage, tiré toutes les sonnettes d'alarme et saccagé le train. Le policier emmène Tintin au poste sans écouter ses explications...
Premier album d'Hergé. Première apparition de Tintin, personnage largement inspiré du chef scout Totor, également créé par Hergé en 1926, et de Milou. Le reste appartient à l'histoire. Certes, il est vrai que l'on nage ici en plein manichéisme (le Petit Vingtième était un journal conservateur), mais il faut garder à l'esprit qu'Hergé n'a pas encore vingt-trois ans à la publication de cet album. L'auteur avouera d'ailleurs qu'il considérait cette œuvre comme une erreur de jeunesse. S'il force le trait de sa critique du régime soviétique, il est indéniable que celle-ci comprend des éléments de vérité (confiscation de la production des paysans, etc.). Et si l'on écarte l'aspect anti-soviétique, il reste une description satirique de la machine de propagande (soviétique ou non) et de ses effets. Cet élément-là conserve aujourd'hui toute sa modernité, les dictatures n'ayant pas disparu en 1945. Le ton est d'ailleurs à la satire à plus d'un égard. Tintin vit ici une succession d'aventures qui présentent une vision caricaturale du héros invincible capable d'affronter toutes les situations : échapper à la police allemande et leur voler une voiture, survivre à tous les accidents imaginables, construire un moteur et l'installer sur une draisine, rosser des agents ou soldats soviétiques à la chaîne, réchapper au peloton d'exécution, battre un ours à mains nues, résister au froid sibérien, tailler une hélice au couteau dans un tronc d'arbre puis la remonter sur son avion, et bien d'autres encore avant l'arrivée triomphale à Bruxelles. Évidemment, aujourd'hui, la narration de cette succession de gags expéditifs paraît très compressée. "Tintin au pays des Soviets" apparaît comme une bande dessinée dans laquelle le concept de mouvement perpétuel (ou d'action permanente) est introduit : Tintin va vite, il fonce, quel que soit son moyen de locomotion, et rien ni personne ne parvient à l'arrêter. La caractérisation du personnage n'est que courage, débrouillardise, inventivité, noblesse de cœur ou honnêteté. Et si le défilé de ses exploits pâtit de quelques longueurs vers la fin, Tintin et Milou (leurs silhouettes, faut-il le rappeler, vont bien sûr évoluer) sont deux personnages immédiatement attachants qui vont devenir les légendes, les icônes du neuvième art à la franco-belge. Un mot sur la colorisation, qui privilégie des teintes ternes, bien que cela soit cadre avec l'œuvre, sans doute.
Le Petit Vingtième, afin de rester à la pointe de l'information et des actualités étrangères, décide d'envoyer Tintin, l'un de ses meilleurs reporters, en Russie soviétique. Sur le quai, le jeune homme écoute les conseils des membres de la direction du journal, fait ses adieux et promet d'envoyer des cartes postales et de ramener quelques souvenirs (caviar, vodka). Le train parti, Milou commence à s'inquiéter ; ne lui a-t-on pas dit qu'il y avait des puces et des rats, là-bas ? Le reporter, lui, trouve rapidement le sommeil, et laisse son chien à ses soucis.
Derrière la paroi du compartiment, un homme au faciès patibulaire, un agent soviétique, veut éviter que "ce sale petit bourgeois" de Tintin n'arrive en Russie. Il sort de sa valise une bombe avec mèche, allume celle-ci, récupère son bagage, et part se réfugier à l'avant du train. De l'autre côté, Milou continue à donner libre cours à ses idées noires et Tintin ronfle en rêvant de Moscou. La bombe explose. Le journaliste, dont les vêtements ont été déchirés par la déflagration, s'aperçoit que le train a été dévasté, mais qu'il continue à rouler jusqu'à Berlin, où il fait halte. Tintin compte changer de train, mais un schupo l'accuse d'avoir fait disparaître ses compagnons de voyage, tiré toutes les sonnettes d'alarme et saccagé le train. Le policier emmène Tintin au poste sans écouter ses explications...
Premier album d'Hergé. Première apparition de Tintin, personnage largement inspiré du chef scout Totor, également créé par Hergé en 1926, et de Milou. Le reste appartient à l'histoire. Certes, il est vrai que l'on nage ici en plein manichéisme (le Petit Vingtième était un journal conservateur), mais il faut garder à l'esprit qu'Hergé n'a pas encore vingt-trois ans à la publication de cet album. L'auteur avouera d'ailleurs qu'il considérait cette œuvre comme une erreur de jeunesse. S'il force le trait de sa critique du régime soviétique, il est indéniable que celle-ci comprend des éléments de vérité (confiscation de la production des paysans, etc.). Et si l'on écarte l'aspect anti-soviétique, il reste une description satirique de la machine de propagande (soviétique ou non) et de ses effets. Cet élément-là conserve aujourd'hui toute sa modernité, les dictatures n'ayant pas disparu en 1945. Le ton est d'ailleurs à la satire à plus d'un égard. Tintin vit ici une succession d'aventures qui présentent une vision caricaturale du héros invincible capable d'affronter toutes les situations : échapper à la police allemande et leur voler une voiture, survivre à tous les accidents imaginables, construire un moteur et l'installer sur une draisine, rosser des agents ou soldats soviétiques à la chaîne, réchapper au peloton d'exécution, battre un ours à mains nues, résister au froid sibérien, tailler une hélice au couteau dans un tronc d'arbre puis la remonter sur son avion, et bien d'autres encore avant l'arrivée triomphale à Bruxelles. Évidemment, aujourd'hui, la narration de cette succession de gags expéditifs paraît très compressée. "Tintin au pays des Soviets" apparaît comme une bande dessinée dans laquelle le concept de mouvement perpétuel (ou d'action permanente) est introduit : Tintin va vite, il fonce, quel que soit son moyen de locomotion, et rien ni personne ne parvient à l'arrêter. La caractérisation du personnage n'est que courage, débrouillardise, inventivité, noblesse de cœur ou honnêteté. Et si le défilé de ses exploits pâtit de quelques longueurs vers la fin, Tintin et Milou (leurs silhouettes, faut-il le rappeler, vont bien sûr évoluer) sont deux personnages immédiatement attachants qui vont devenir les légendes, les icônes du neuvième art à la franco-belge. Un mot sur la colorisation, qui privilégie des teintes ternes, bien que cela soit cadre avec l'œuvre, sans doute.
Cette œuvre non canonique avait donc été désavouée par Hergé. Peut-être l'auteur lui-même se serait-il opposé à une mise en couleur. La démarche satisfera surtout les lecteurs plutôt réfractaires au noir et blanc. Les autres passeront certainement.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
Tailler une hélice au couteau dans un tronc d'arbre puis la remonter sur son avion - Avec le scaphandre stocké négligemment dans une cellule, c'est certainement l'un des rebondissements inattendus les plus involontairement comique. J'aime bien ta formulation de mouvement perpétuel, une belle image pour la dynamique de cet album.
RépondreSupprimerJ'ai entamé ton article en me demandant s'il contiendrait le détail du nom du coloriste, et tu as répondu à ma question. Quelle étrange omission de la part de l'éditeur, à moins que ce ne soit une condition sine qua non pour éviter des questions de droit de propriété intellectuelle sur la mise en couleurs, et que ce point ait été inclus dans le contrat.
Pour moi, cet album, c'est vraiment un souvenir d'enfance. Je l'ai lu et relu. Cette énième lecture m'aura forcément moins enthousiasmé que les précédentes.
SupprimerPersonnellement, ce genre de colorisation n'est pas spécialement ma tasse de thé ; elle relève pour moi de la même logique que celle de peinturlurer des films noir & blanc. D'autant qu'à feuilleter l'album, les couleurs m'ont paru assez éloigné des tons utilisés par Hergé dans ses albums couleurs. Il n'en reste pas moins que je trouve intéressante l'analyse que tu en fais, je ne l'avais encore envisagé sous cet angle satirique ! C'est en effet pour moi aussi une madeleine de Proust, moi qui suis d'une génération qui a vu les Soviets être à nouveau partie intégrante de la série régulière. Môme d'ailleurs, je ne comprenais pas la raison pour laquelle il avait une allure aussi atypique par rapport aux versions 62 pages couleurs des 22 autres aventures. Ce qui est certain c'est que l'album n'a pas nécessairement bien vieilli, mais il y a quelque chose dans cette BD qui m'a toujours fasciné !
RépondreSupprimerJ'aime bien ton expression de "mouvement perpétuel" qui peut également s'appliquer aux dessins en eux-même. A chaque fois que j'admire les courses-poursuites automobiles de l'album, je pense à cette fameuse photo du Grand Prix de l'Automobile Club de Lartigue, symbole de modernité et de vitesse !
Et derrière cette caractérisation sommaire de Tintin se cache aussi une volonté d'édifier la jeunesse catholique en lui offrant à admirer un modèle héroïque sans peur ni reproche. Dupuis, en lançant son Journal de Spirou, dix ans plus tard, fera de même avec Jean Valhardi (dont je te recommande les intégrales !) créé par Jean Doisy et Jijé.
Mister B.
"Tintin aux pays des Soviets" est le premier Tintin que j'aie lu ! Mon paternel possède encore un triple album dans lequel sont compilées les trois premières aventures de Tintin, toutes en noir et blanc.
SupprimerJ'ai donc toujours eu un souvenir ému de "Tintin aux pays des Soviets", mais j'ai été plus critique en le relisant à l'occasion de la sortie de cette version colorisée.