mardi 26 septembre 2017

Alix (tome 1) : "Alix l'intrépide" (Casterman ; janvier 1956)

"Alix l'intrépide" est le premier tome de la série créée par l'auteur français Jacques Martin (1921-2010) en 1948. La série paraît d'abord dans le "Journal de Tintin" (à partir du nº38 dans l'édition belge et du nº5 dans l'édition française). C'est chez Le Lombard que paraîtront les cinq premiers albums, bien que l'éditeur attende 1956 avant de sortir le premier, huit ans après sa parution en feuilleton dans l'hebdomadaire. Les quatre tomes suivants, jusqu'à "La Griffe noire", seront réédités en albums entre 1956 et 1959, à un rythme donc plus soutenu.
Martin est également célèbre pour d'autres séries, telles que "Lefranc", ou "Jhen". En 1991, il est diagnostiqué d'une dégénérescence maculaire qui le rend quasiment aveugle et l'éloigne des tables de dessin dès l'année suivante. Il délègue alors le dessin à d'autres artistes et se fait assister à l'écriture.
"Alix l'intrépide" compte soixante-deux planches. Casterman reprend "Alix" à la maison Le Lombard en 1965-1966 et réédite les cinq premiers albums progressivement (1973 pour celui-ci).

53 av. J.-C. Flavius Marsalla, l'un des généraux de Crassus, entre en vainqueur dans Khorsabad après un siège qui s'est avéré bien long. L'ancienne capitale assyrienne est silencieuse. Il n'y a aucun survivant parmi les soldats parthes, mais un jeune homme observe la scène d'un étage des appartements de Sargon. Tandis qu'il s'appuie sur la balustrade, le mur s'effrite et plusieurs morceaux de pierre tombent sur Marsalla, qui s'effondre inanimé. Un centurion aperçoit l'inconnu et ordonne qu'il soit arrêté. Un légionnaire arme son bras, prêt à lancer son javelot, mais un officier l'en empêche : le fuyard n'a en effet nulle part ou aller et ne peut que se rendre. Marsalla n'est pas mort ; il est revenu à lui et, souhaitant châtier le captif, demande que celui-ci lui soit amené. Le garçon est jeté aux pieds du conquérant, qui s'enquiert de son nom et de ce qu'il fait sur ces lieux. Le prisonnier lui répond s'appeler Alix ; il précise au Romain qu'il ne voulait pas l'attaquer. Marsalla est surpris ; Alix, n'est-ce pas là un prénom gaulois ? Il conclut ensuite que si Alix se cachait dans le palais de Sargon, il doit bien savoir où se trouve le trésor ; il lui demande de l'y conduire sans tarder, en le menaçant de mort s'il tente de fuir.
À l'extérieur, un cavalier romain galope à bride abattue vers Khorsabad. Il passe la porte et explique aux sentinelles qu'il a un message urgent à transmettre au général Marsalla. Ce dernier, en extase devant les richesses de la cité, rend grâce aux dieux. Le cavalier lui est enfin amené ; il l'informe que le consul Crassus a été assassiné lors d'une négociation avec les Parthes, et que le reste de son armée a été dévasté...

Avec cette histoire assez longue, Martin montre qu'il est déjà capable d'écrire une aventure captivante du fait de sa complexité et des retournements de situations. Le héros est dépeint comme volontaire, courageux, audacieux, intègre. Le scénario ne souffre d'aucune longueur et la narration est sans véritable faiblesse. Certes, les cartouches sont fournis, mais cela permet à l'auteur d'éviter d'utiliser les bulles de pensées. Figures historiques, civilisations perdues, merveilles de l'antiquité, course de chars, combat de gladiateurs : Martin exploite tous les aspects de cette foisonnante antiquité pour une intrigue sur fond de complot politique et dont l'enjeu est le pouvoir. D'emblée, "Alix" est un titre sérieux et dans lequel l'humour a peu de place.
En 1948, Martin n'a pas encore trente ans. Son style graphique, qui s'apparente à l'école de Bruxelles et à la ligne claire (il travaillera pour Hergé), n'est pas arrivé à maturité. Certaines scènes manquent de fluidité et de mouvement, les postures des personnages sont rigides et les plans ne sont guère variés (peu ou pas de plan rapproché ni de gros plan). Mais le trait de Martin affiche déjà les qualités pour lesquelles il sera reconnu : minutie, sens du détail et soin apporté aux personnages (malgré un encrage trop prononcé), aux décors et aux animaux. L'artiste opte pour un découpage très classique (parfois presque en gaufrier), serré, et produit jusqu'à dix-sept cases par planche, ce qui lui permet de déployer une narration condensée.

Bien que Martin soit encore loin du sommet de son art, "Alix l'intrépide" est un indémodable et incontournable classique. La série, d'emblée, est passionnante et "Alix l'intrépide" pourra être lu et relu à des années d'intervalle et toujours avec bonheur.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence31 octobre

    Merci beaucoup pour cette remise en contexte de ce début de série. Mes parents n'avaient pas de BD de cet auteur chez eux, du coup j'ai découvert les œuvres de Jacques après 25 ans. Je n'y ai donc pas d'attachement généré par une première découverte, ou par une forme de nostalgie et je suis plus focalisé sur la forme très académique de sa narration, avec ses bons côtés (recréer des figures historiques, des civilisations perdues, des merveilles de l'antiquité), et ses côtés plus rigides, plus empesés.

    J'ai tenté plusieurs de ses séries, et celles qui m'ont le plus plu à la lecture sont Jehn et Orion.

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    1. C'est "Alix Senator" qui m'a donné une irrépressible envie de relire la série classique.
      J'avais lu un album de "Jhen", qui m'avait plu ('La Cathédrale", je crois) ; il n'est pas impossible que je m'y mette sérieusement un de ces jours.
      Je ne connais pas "Orion".

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