"La Gardienne des clés" est le dix-septième tome de "Thorgal", sorti chez Le Lombard en novembre 1990. Cette troisième - et dernière - aventure du Cycle du Nord est la suite de "Louve".
L scénario a été écrit par Jean Van Hamme, qui restera le scénariste de "Thorgal" jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. La couverture, les dessins, l'encrage ainsi que la mise en couleur ont été réalisés par Grzegorz Rosinski, toujours dessinateur de la série. Ce tome compte quarante-six planches.
Afin de profiter pleinement de cette histoire et d'en saisir toutes les références, il est conseillé de lire ou relire "Les Trois Vieillards du pays d'Aran" (3) ainsi que "L'Enfant des étoiles" (7).
Volsung de Nichor, enfermé dans une bulle qui épouse les formes de son corps, dérive dans un ciel gris. Son enveloppe est attirée vers une planète rouge jusqu'à s'y poser. Il gît à terre, les bras en croix, observé par la Gardienne des clés, assise sur une pierre flottante, dans un décor digne de Mars. Il se réveille, surpris d'être vivant, et plus encore de la voir devant lui. La jeune femme le rassure ; elle n'a pris l'apparence de la Gardienne que pour lui expliquer la mission dont elle a l'intention de le charger. Lorsque Volsung souhaite savoir en quoi la mission consiste, elle précise d'abord qu'elle le renverra dans le néant s'il échoue, mais qu'il recevra autant d'or qu'il pourra en emporter s'il réussit. Le bandit pense devoir tuer quelqu'un, mais la créature lui demande de lui ramener la ceinture de la vraie Gardienne et de lui en laisser une copie conforme à la place. Les questions de Volsung au sujet de cette ceinture restent sans réponse. Pour que toutes les chances soient du côté du brigand, l'inquiétante jeune femme, qui révèle progressivement sa véritable nature, métamorphose Volsung en Thorgal. La Gardienne ayant un faible pour l'Enfant des étoiles, Volsung aura tout de Thorgal afin de réussir. La fausse Gardienne ajoute que si elle apprécie les "qualités" de Volsung telles que la fourberie, la lâcheté, la cruauté, l'avidité ou le mensonge, sa punition serait indescriptible si jamais l'envie de la duper lui passait par la tête.
Ailleurs, Thorgal enseigne à Jolan l'art de la chasse. Tout en répondant aux nombreuses questions de fils, Ægirsson s'allonge dans l'herbe pour se reposer. L'endroit lui est familier ; n'est-ce pas là que le nain Tjahzi l'avait fait passer de "l'autre côté" ? Il s'assoupit un instant. Lorsqu'il se réveille, Jolan s'entraîne au tir à l'arc. Le gamin rate son tir et la flèche va se perdre dans les sous-bois. Après avoir fait la leçon à son fils, Thorgal part à la recherche du projectile. Perdu dans ses pensées, il est surpris par un individu qui reste dans l'ombre et qui le menace de sa propre flèche...
Van Hamme, à la conception de ce scénario, a dû se lâcher. "La Gardienne des clés" lui offre la possibilité de détourner son héros, et l'auteur peut laisser libre cours à ses tentations iconoclastes. Car si c'est Volsung qui est coupable de ces méfaits, il a bel et bien l'apparence de Thorgal lorsqu'il les commet. Nidhogg, d'ailleurs, le précise : "Tu auras également son regard, sa voix, ses gestes et sa force..." (voir planche trois, case quatre). Van Hamme débauche et dénature son aventurier : consommation d'alcool sans modération, soudaines ambitions politiques suivies d'une tentative de prise du pouvoir, meurtre, violence conjugale, viol. Dans "Thorgal", le leitmotiv de l'auteur est que le désir et l'exercice du pouvoir corrompent ; le personnage de Volsung de Nichor est déjà largement corrompu (Nidhogg le reconnaît en faisant, à sa façon, son éloge), mais le truand a reçu les moyens (magiques) d'aller encore plus loin. L'humour n'est pas absent de ce tome souvent satirique, avec le nain Tjahzi (la réaction d'Aaricia !), ou les attitudes de la Gardienne, par exemple.
Le talent de Rosinski brille de tous ses feux. L'ambiance des premières pages (fonds de cases en rouge) est particulière. Sa Gardienne des clés (la vraie !) est irrésistible. Pour le reste, entre mouches géantes, champignons carnassiers (inspirés par les "Idées noires" de Franquin ?), grotte aux formes vaginales (planche 33, case 8), notamment, la fin oscille entre délire très maîtrisé et véritable créativité.
L'intérêt de l'album, outre les illustrations de Rosinski, c'est son contenu iconoclaste. En dehors de cela, malgré la qualité scénario, force est de se demander si ce chef-d'œuvre qu'est "Les Trois Vieillards du pays d'Aran" exigeait vraiment une suite.
Mon verdict : ★★★★☆
Afin de profiter pleinement de cette histoire et d'en saisir toutes les références, il est conseillé de lire ou relire "Les Trois Vieillards du pays d'Aran" (3) ainsi que "L'Enfant des étoiles" (7).
Volsung de Nichor, enfermé dans une bulle qui épouse les formes de son corps, dérive dans un ciel gris. Son enveloppe est attirée vers une planète rouge jusqu'à s'y poser. Il gît à terre, les bras en croix, observé par la Gardienne des clés, assise sur une pierre flottante, dans un décor digne de Mars. Il se réveille, surpris d'être vivant, et plus encore de la voir devant lui. La jeune femme le rassure ; elle n'a pris l'apparence de la Gardienne que pour lui expliquer la mission dont elle a l'intention de le charger. Lorsque Volsung souhaite savoir en quoi la mission consiste, elle précise d'abord qu'elle le renverra dans le néant s'il échoue, mais qu'il recevra autant d'or qu'il pourra en emporter s'il réussit. Le bandit pense devoir tuer quelqu'un, mais la créature lui demande de lui ramener la ceinture de la vraie Gardienne et de lui en laisser une copie conforme à la place. Les questions de Volsung au sujet de cette ceinture restent sans réponse. Pour que toutes les chances soient du côté du brigand, l'inquiétante jeune femme, qui révèle progressivement sa véritable nature, métamorphose Volsung en Thorgal. La Gardienne ayant un faible pour l'Enfant des étoiles, Volsung aura tout de Thorgal afin de réussir. La fausse Gardienne ajoute que si elle apprécie les "qualités" de Volsung telles que la fourberie, la lâcheté, la cruauté, l'avidité ou le mensonge, sa punition serait indescriptible si jamais l'envie de la duper lui passait par la tête.
Ailleurs, Thorgal enseigne à Jolan l'art de la chasse. Tout en répondant aux nombreuses questions de fils, Ægirsson s'allonge dans l'herbe pour se reposer. L'endroit lui est familier ; n'est-ce pas là que le nain Tjahzi l'avait fait passer de "l'autre côté" ? Il s'assoupit un instant. Lorsqu'il se réveille, Jolan s'entraîne au tir à l'arc. Le gamin rate son tir et la flèche va se perdre dans les sous-bois. Après avoir fait la leçon à son fils, Thorgal part à la recherche du projectile. Perdu dans ses pensées, il est surpris par un individu qui reste dans l'ombre et qui le menace de sa propre flèche...
Van Hamme, à la conception de ce scénario, a dû se lâcher. "La Gardienne des clés" lui offre la possibilité de détourner son héros, et l'auteur peut laisser libre cours à ses tentations iconoclastes. Car si c'est Volsung qui est coupable de ces méfaits, il a bel et bien l'apparence de Thorgal lorsqu'il les commet. Nidhogg, d'ailleurs, le précise : "Tu auras également son regard, sa voix, ses gestes et sa force..." (voir planche trois, case quatre). Van Hamme débauche et dénature son aventurier : consommation d'alcool sans modération, soudaines ambitions politiques suivies d'une tentative de prise du pouvoir, meurtre, violence conjugale, viol. Dans "Thorgal", le leitmotiv de l'auteur est que le désir et l'exercice du pouvoir corrompent ; le personnage de Volsung de Nichor est déjà largement corrompu (Nidhogg le reconnaît en faisant, à sa façon, son éloge), mais le truand a reçu les moyens (magiques) d'aller encore plus loin. L'humour n'est pas absent de ce tome souvent satirique, avec le nain Tjahzi (la réaction d'Aaricia !), ou les attitudes de la Gardienne, par exemple.
Le talent de Rosinski brille de tous ses feux. L'ambiance des premières pages (fonds de cases en rouge) est particulière. Sa Gardienne des clés (la vraie !) est irrésistible. Pour le reste, entre mouches géantes, champignons carnassiers (inspirés par les "Idées noires" de Franquin ?), grotte aux formes vaginales (planche 33, case 8), notamment, la fin oscille entre délire très maîtrisé et véritable créativité.
L'intérêt de l'album, outre les illustrations de Rosinski, c'est son contenu iconoclaste. En dehors de cela, malgré la qualité scénario, force est de se demander si ce chef-d'œuvre qu'est "Les Trois Vieillards du pays d'Aran" exigeait vraiment une suite.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Très amusante effectivement cette idée qui permet à l'auteur de salir son héros, avec un ton satirique. Dans mes souvenirs, quand il y a usurpation d'identité chez les superhéros, l'humour n'est pas présent, les auteurs préférant charger la barque du drame.
RépondreSupprimerJe serais curieux de voir ce que d'autres en ont pensé, et s'ils ont trouvé eux aussi qu'il s'agissait d'une œuvre satyrique...
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