dimanche 8 octobre 2017

Batman : "Amère Victoire" (Urban Comics ; mars 2012)

"Amère Victoire" est une aventure de Batman sortie dans la collection "DC Essentiels" d'Urban Comics en mars 2012. Cet épais album compte près de quatre cents pages. En VO, cette série en quatorze chapitres (du #0 au #13), intitulée "Dark Victory", a été publiée entre novembre 1999 et décembre 2000. Cette aventure était déjà sortie en Francophonie chez SEMIC, en quatre tomes entre septembre 2002 et novembre 2003, sous le titre VO.
Cette histoire est signée par le scénariste Jeph Loeb et le dessinateur Tim Sale. C'est l'une des œuvres qui ont participé à la réputation du duo, aux côtés de - entre autres et chez DC Comics uniquement - "Batman : Halloween", "Les Saisons de Superman" (1998), "Catwoman : À Rome" (2004), sans oublier, bien sûr, "Un long Halloween" (1997). La mise en couleurs a été réalisée par Gregory Wright, primé par le Comics Buyer's Guide en 1990 et 96.

Suite aux événements narrés dans "Un long Halloween", Alberto Falcone a été jugé et purge une peine de prison. D'abord condamné à mort, les relations de sa famille lui ont permis d'échapper à la chambre à gaz et d'être interné à l'asile Arkham. Il reçoit la visite de Janice Porter, le nouveau procureur de district, celle qui remplace Harvey Dent. Elle l'informe qu'elle a relu son dossier ; elle a noté à quel point il avait été malmené (Batman l'a démoli au point que son bras droit n'est plus inutilisable). Elle ajoute qu'elle veut l'aider, mais que la justice prendra du temps. Impassible, Falcone la remercie et avoue qu'il regrette d'avoir commis ces meurtres. Alors que Porter met fin à l'entretien avec Falcone et se dirige vers la sortie, elle est interpellée par Julian Day, l'Almanach, qui lui confie que lui aussi, il regrette.
Jim Gordon a été promu et nommé commissaire principal. Ses journées sont longues. Son travail est devenu sa vie. Porter entre dans son bureau. Elle lui apprend qu'elle revient d'Arkham. Gordon la nargue. La relation entre eux est plutôt tendue. Elle lui annonce qu'elle a l'intention de rouvrir le dossier Alberto Falcone...

Bien que dans l'absolu, cette aventure soit accessible, il est vivement conseillé de relire ou de relire "Un long Halloween" - que l'éditeur ne publiera pourtant que près d'un an après (janvier 2013), allez savoir pourquoi - afin de saisir toutes les références de l'histoire et des dialogues. Dans "Amère Victoire", le lecteur ne peut qu'être pantois devant le talent narratif du duo. Car ce qui frappe ici, c'est à quel point le texte est indissociable du dessin. Tout en réussissant à rester méthodique et à conserver son rythme, Loeb saucissonne son intrigue comme une succession de multiples scènes d'une même pièce de théâtre, relativement courtes (rarement plus d'une dizaine de planches), qui forment un tout cohérent, et qui sont mises en images par des illustrations parfois très fortes de Sale. "Amère Victoire", c'est un peu l'autre face de la médaille du premier acte, "Un long Halloween" ; dans le second, ce sont les pontes de la mafia qui dégustent. Ici, ce sont des flics. Loeb reprend exactement la même construction, avec cette imparable montée crescendo de la tension et du suspense, jusqu'à l'apothéose finale. Si cette succession de policiers pendus finit par s'étirer, le scénariste l'utilise surtout comme fil conducteur qu'il vient agrémenter de sous-intrigues courtes, mais qui évoquent des événements importants et symboliques de la vie de Batman, tels que, entre autres, la naissance de l'amour et de l'attirance entre Bruce Wayne et Selina Kyle et leurs alter ego, l'assassinant des parents Grayson et la métamorphose de Richard/Dick en Robin, les rapports difficiles - mais qui tendent à s'améliorer - entre Batman et la police, la vie sentimentale et familiale compliquée de Gordon. Le ton est le même (sensiblement plus sombre) que dans "Un long Halloween" et l'humour - surtout distillé par le Joker et par Gordon - est noir. Sale parvient a retranscrire l'essence absolue de chaque protagoniste sans jamais tomber dans la caricature. Une certaine absence de variété dans les visages féminins sera notée. Pour le reste, multiplicité des plans, utilisation de la perspective, sens de la composition, contrastes entre ombre et lumière, expressivité... ; Sale en met plein la vue et démontre, si cela était encore nécessaire, à quel point son style graphique nourri à l'expressionnisme est absolument unique et inimitable. Certaines cases sont époustouflantes ; l'artiste emmène le lecteur loin, parfois très loin de son comic book habituel. Notons la bonne traduction, le texte soigné d'Alex Nikolavitch. Mais, pourquoi diable ce récit bonus ?

"Amère Victoire" est une très grande histoire de Batman. C'est un excellent album, une réussite scénaristique et visuelle, à défaut d'être un chef-d'œuvre, l'intrigue se déployant à partir de mécanismes narratifs déjà éprouvés dans "Un long Halloween".

Mon verdict : ★★★★★
Barbuz

1 commentaire:

  1. Présence01 novembre

    A nouveau, 100% d'accord avec toi. Ça m'avait fait bizarre de prendre conscience que Tim Sale avait développé ce graphisme en singeant Frank Miller, pour dessiner les épisodes de la série Deathblow pour Image Comics.

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