vendredi 27 octobre 2017

Wonder Woman (tome 1) : "Liens de sang" (Urban Comics ; mai 2012)

"Liens de sang" est un album cartonné d'environ cent vingt planches, sorti dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en mai 2012. C'est le premier tome de la "Wonder Woman" de la "Renaissance DC" ("New 52"), cette démarche de DC Comics pour rafraîchir son univers et relancer une gamme de cinquante-deux titres au numéro un. Il comprend les numéros #1 (novembre 2011) à 6 (avril 2012) de cette nouvelle série "Wonder Woman".
C'est Brian Azzarello (voir "Superman : Lex Luthor") qui est scénariste. Cliff Chiang dessine les quatre premiers épisodes, et Tony Akins les deux derniers. Chiang encre ses propres planches ; Akins aussi, mais avec le concours de Dan Green dans le sixième chapitre. La mise en couleurs est réalisée par Matthew Wilson.

Singapour, au sommet d'un gratte-ciel. Un homme élégant, à la peau d'ébène et dont le corps semble renfermer une lumière intense, sert du champagne à trois superbes jeunes femmes. L'une d'elles veut savoir comment il a réussi à obtenir cette chambre. Il lui répond que son travail impose de dominer le monde et ajoute qu'il est le soleil d'un roi. Une fille lui demande alors s'il deviendra roi un jour. L'autre trouve la question intéressante. Son père apprécie la loyauté ; par contre, ce n'est pas une qualité qu'il possède. Il précise que son géniteur est volage, mais qu'il doit le retrouver, car il a disparu. Il envoie soudainement ses compagnes en lévitation, et place leurs esprits sous son joug.
Virginie, la campagne, au crépuscule. Une bien étrange silhouette féminine drapée d'une cape de plumes de paon se téléporte à l'intérieur d'une écurie, causant la nervosité de l'un des deux chevaux, qui se calme tout aussi vite. Elle matérialise, dans son sillage, des armes anciennes sur le sol : un arc et son carquois rempli de flèches, une masse d'armes, un glaive et une dague. Elle caresse un cheval blanc avant de s'emparer d'une faux fixée au mur. Elle passe l'index sur le fil de la lame, ce qui la nettoie, l'aiguise, la fait scintiller. Puis elle avance vers le cheval effrayé...

Azzarello sort la super-héroïne de cette caractérisation lisse qui a souvent été son lot. On a enfin une Wonder Woman qui est davantage impulsive, guerrière, plus entière que jamais, moins naïve qu'à l'accoutumée, et qui n'hésite pas à remettre en question l'autorité (parentale, divine) pour rester en phase avec ses propres valeurs. Elle s'exprime avec une bonne dose d'humanité ; l'auteur met de côté ses propos souvent mièvres sur sa condition, les hommes, etc. C'est une fine mouche politique qui manipule les dieux. Les dieux, justement. Pour les caractériser, Azzarello fait table rase de l'image d'Épinal ancrée dans notre imaginaire collectif par les vestiges de la civilisation hellénique. Ici, les dieux sont des créatures monstrueuses, physiquement et moralement. Si Héra est une véritable beauté, sa jalousie haineuse n'a aucune limite. Poséidon est un immense poisson-chat à l'ego hypertrophié. Apollon est un homme à la peau d'ébène habité par le feu du soleil, séducteur et manipulateur sans pitié ni remords. Arès, le dieu de la guerre, est un vieillard aux yeux aussi noirs que son cynisme, marchant pieds nus et vêtu d'un costume taché de sang. Hadès, le dieu des enfers, est un humanoïde de petite taille, le haut du crâne et le regard masqués par la cire de cierges qui brûlent sur sa tête. Enfin, et c'est plus que symbolique, l'auteur revient sur les origines de la princesse et les change pour le meilleur, modifiant un élément mythologique qui n'avait jamais été entièrement convaincant. Il fait donc des Amazones de vraies femmes, elles aussi avec leurs désirs charnels. Bien que la narration de l'intrigue manque parfois de fluidité, l'ensemble est cohérent, riche en action et en retournements de situation.
Ces épisodes sont illustrés par deux dessinateurs qui officient dans un style graphique semi-réaliste. Si tout devait normalement les rapprocher, puisqu'il s'agit de la même série, le contraste est malheureusement désastreux et un abîme de talent semble les séparer. Là où tout n'est que plaisir visuel chez Chiang (les personnages sont soignés), Akins, malgré la netteté de son trait, impose des visages ratés ou des silhouettes sans grâce. Il est vraiment regrettable que l'éditeur n'ait pu s'assurer le concours de Chiang pour les six épisodes. La mise en couleur de Wilson est réussie.

Un vent frais souffle sur "Wonder Woman". Après l'échec artistique de "L'Odyssée", l'intrigue de ce "Liens de sang" est pleine de promesses. Le dernier tiers pâtit d'une rupture de l'homogénéité visuelle. Thomas Davier soigne sa traduction et son texte.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence04 novembre

    Toujours aussi d'accord avec toi. Azzarello et Chiang ont vraiment joué le jeu de repartir de zéro, et de créer une version différente, sans sexualisation de Diana, et avec une apparence des dieux s'orientant vers l'horreur, ou la monstruosité. La tête de cheval coupée était pas mal non plus. Au départ, c'était un peu étrange même l'absence de discours pacifiste de la part de Diana.

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    1. "Au départ, c'était un peu étrange même l'absence de discours pacifiste de la part de Diana." : C'est vrai ! J'ai eu la même sensation.
      Je me souviens qu'à l'issue de ma première lecture, j'étais frustré et déçu parce que Chiang n'avait pas pu assurer les deux derniers numéros de ce tome.

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