dimanche 14 janvier 2018

Blake et Mortimer (tome 2) : "Le Secret de l'Espadon" (L'Évasion de Mortimer) (Blake et Mortimer ; 1950-1953)

"Le Secret de l'Espadon" est le premier récit (du point de vue de l'historique de publication) de la série des "Aventures de Blake et Mortimer". Il a d'abord été prépublié dans la version belge du "Journal de Tintin", du 26 septembre 1946 (le tout premier numéro) au 8 septembre 1949. Les Éditions du Lombard rééditeront cette saga dans une version retravaillée par Edgar P. Jacobs, en deux tomes (1950 et 1953), puis en trois (contre l'opinion de l'auteur, d'ailleurs) - en ajoutant des pleines pages, aux Éditions Blake et Mortimer à partir de 1984.
L'histoire a été entièrement produite par Edgar P. Jacobs (1904-1987), véritable légende du neuvième art, hélas trop peu prolifique ; il ne réalisera que onze albums pendant ses quarante-cinq ans de carrière. Jacobs collabora aussi avec Hergé sur "Tintin au Congo", "Tintin en Amérique", "Le Sceptre d'Ottokar", "Le Lotus bleu", "Les Sept Boules de cristal", "Le Temple du Soleil" et y dessinera notamment des décors ou du matériel.

À l'issue du tome précédent, Blake, Mortimer et Nasir arrivent à Turbat. Le Bezendjas, qui se trouve sur place, les reconnaît et file prévenir l'occupant. Nasir tente de l'en empêcher, mais fait une mauvaise chute et s'évanouit. À son réveil, il court avertir Blake et Mortimer. Les soldats investissent déjà les lieux.
Lorsque les "Jaunes" et le Bezendjas entrent dans la chambre des Anglais, celle-ci est vide. La porte-fenêtre étant ouverte, il semble évident aux militaires que les fugitifs sont passés par le balcon. Le capitaine ordonne à quelques hommes de fouiller le jardin de la propriété et aux autres de retourner entièrement la chambre des fuyards. Il est interrompu par l'intendant du domaine, qui l'informe que la porte de l'écurie est ouverte et que trois chevaux ont disparu. Exaspéré, l'officier laisse libre cours à sa rage. À cet instant arrive le maître des lieux, accompagné de gardes. Il demande la raison de ce vacarme en sa maison. La situation dégénère instantanément...

Après "La Poursuite fantastique", voici donc "L'Évasion de Mortimer", second volet de la saga de l'Espadon. La première planche de cette seconde partie a été prépubliée dans le nº36 du 4 septembre 1947 de l'édition belge du "Journal de Tintin". Peu importe le nombre de lectures, ce deuxième tome n'est qu'une succession de moments culte, spectaculaires, dans lesquels Jacobs démontre à quel point il maîtrise le suspense, le rythme et la narration graphique. Commençons avec l'insurrection de Turbat (Pakistan) et cette incroyable guérilla urbaine. L'envahisseur est cloué et mis en pièces par des résistants qui sortent de chaque masure et connaissent toutes les issues de leur ville, utilisant cet avantage à fond. Blake, Mortimer et Nasir en profitent pour prendre la poudre d'escampette. Autre moment fort et unique, Mortimer au sommet de la pyramide. Outre cet incroyable passage, faut-il avoir une seconde lecture avec un Mortimer en fier et indomptable représentant ce qu'il reste de la civilisation occidentale, acculé de toutes parts par un ennemi barbare grouillant et supérieur en nombre ? La convocation d'Olrik au Grand Conseil (instant difficile et humiliant pour le mercenaire) ou encore la découverte de la base secrète sont autant d'autres grands moments que recèle cet album fabuleux. Mais Jacobs nous offre également un quasi-huis clos étouffant entre Mortimer, le docteur Sun Fo et le capitaine Li, où les tensions, exacerbées par le climat suffoquant, les dialogues menaçants et la duplicité de chacun, finissent par exploser en violence physique. Les dernières pages sont spectaculaires elles aussi, avec la poursuite du submersible britannique par la flotte ennemie. Ces pages ont été sensiblement retravaillées par Jacobs (couleurs, lettrage, etc.). Les contours, toujours très prononcés au début de ce recueil, s'affinent légèrement au fil des planches. Bien que l'art du dessinateur ne soit pas encore arrivé à maturité, la qualité graphique est déjà largement satisfaisante. Le découpage, avec trois à quatre cases par bandes et trois à quatre bandes par planche, est un exemple de classicisme et permet un déroulement de l'action particulièrement limpide. Notons le sens de la perspective et de l'action de l'artiste, le soin apporté aux véhicules et machines en tous genres ainsi qu'aux paysages, la variété des plans, la mise en couleurs réussie.

Si, des années plus tard, on pourra toujours regretter ce découpage de l'éditeur en trois tomes plutôt qu'en deux, ce second volume regorge de moments forts, spectaculaires, et représente sans doute le clou de la saga du "Secret de l'Espadon".

Mon verdict : ★★★★★

Barbuz

2 commentaires:

  1. Présence16 janvier

    En faisant plus attention aux dates dans ton article, je pense aussi qu'une circonstance a nui à ma perception de Blake & Mortimer. Il n'y en avait pas dans la bibliothèque de mes parents. Du coup, j'ai découvert ces BD après avoir vu des films à la télé, dont les James Bond. Il est vraisemblable que mon appréciation en aurait été modifiée si ça s'était passé dans l'autre ordre, ou si j'avais eu conscience que EP Jacobs avait donné à voir ce type d'action avant les films à grand spectacle.

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  2. C'est possible. De mon côté, si j'ai accroché immédiatement, c'est aussi parce que c'était la première série que l'on m'offrait. On m'avait offert encore très peu de bandes dessinées, à l'époque, et avant cela, je n'ai pas souvenir de grand-chose.

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