"La Chute" est le premier des cinq tomes de "Knightfall". Ce recueil est sorti dans la collection DC Classiques d'Urban Comics en 2012. Il compte à peu près trois cent cinquante planches sur les quelque deux mille de la saga, sans les prologues ("La Revanche de Bane", "La Lame d'Azrael") ni l'épilogue (cf. "Le Fils prodigue").
Cet album (intitulé "The Broken Bat" en VO) compile les numéros 489 à 497 (février à juillet 1993) de "Batman", et les 659 à 663 (mai à juillet 1993) de "Detective Comics". Doug Moench écrit les "Batman", Chuck Dixon les "Detective Comics". Jim Aparo (1932-2005) illustre la plupart des "Batman", laissant les #492 et 493 à Norm Breyfogle. Breyfogle se charge également du "Detective Comics" #659 ; Jim Balent réalise le suivant, et Graham Nolan les trois derniers. Lorsque les dessinateurs n'encrent pas leurs travaux, ils les confient alors à Tom Mandrake, Bob Wiacek, Joe Rubinstein, Dick Giordano (1932-2010) ou Scott Hanna. Les mises en couleurs sont toutes effectuées par Adrienne Roy (1953-2010).
Gotham City, six mois plus tôt. Les pluies diluviennes du mois d'août ont charrié Killer Croc en dehors de la cité, là où il espère enfin parvenir à libérer son âme angoissée ; hélas, il n'en est rien.
Au manoir, un Bruce Wayne visiblement épuisé est au téléphone avec son médecin, la docteure Sondra Kinsolving. Celle-ci lui propose un rendez-vous aux jardins botaniques de la ville à 14h00.
À la périphérie de Gotham City, Killer Croc, quasi apathique, se nourrit de rats crevés. Il est dérangé par des bruits venant des rebuts volumineux à côté desquels il s'est installé. S'imaginant pouvoir compléter son repas avec une proie plus importante, il s'avance et tombe sur un sans-abri. L'inconnu lâche un cri d'effroi devant l'apparence du monstre, et fuit sans demander son reste. Ses trois compagnons le suivent. Cette rencontre imprévue amène de bien pénibles, douloureux souvenirs chez Killer Croc. Il pousse alors un hurlement de rage qui le fait sortir de sa torpeur...
Avec "Knightall", DC Comics, comme avec Superman, lance une saga d'ampleur dans laquelle l'icône, mise à mal, sera remplacée par un justicier plus expéditif. Il sera utile de lire "La Revanche de Bane". Cela fait quelques numéros (depuis le #484) que le Chevalier noir fatigue. Ici, il doit tour à tour affronter un Sphinx dopé, le Chapelier fou, le Ventriloque, Zsasz ou Firefly. Moench et Dixon extraient Amygdale et Ciné Phil de l'oubli. Les auteurs proposent une intrigue linéaire et suivent cette logique jusqu'au bout. Le schéma scénaristique est clair : les aliénés de l'asile Arkham sont lâchés dans la nature par Bane et sa bande, et Batman doit les arrêter. Parallèlement, l'épuisement et la lassitude du justicier (ainsi que la rage du désespoir) croissent au fil des numéros (parfois avec une exagération déplacée), jusqu'à la confrontation finale, où il n'est plus qu'une enveloppe vide. Avec un fil conducteur de ce type, la sensation de répétition est inéluctable ; Moench et Dixon n'évitent pas l'écueil. La partie centrale finit par créer un sentiment d'ennui, en dépit des éléments distillés pour rompre la monotonie de l'histoire : l'idylle naissante entre Wayne et Kinsolving ou le personnage de Jean-Paul Valley, qui éprouve des difficultés à trouver ses marques. Le dernier numéro est cependant prenant, et voir Batman malmené de cette façon est poignant. Les thèmes de la culpabilité et de la responsabilité sont évoqués avec le personnage du docteur Flanders. Graphiquement, "La Chute" présentait déjà une partie visuelle datée à sa sortie, sensation renforcée par la diversité des styles. Aparo incarne le classicisme de l'Âge de bronze, bien que son travail ait continué à évoluer, notamment au niveau du découpage. Il est néanmoins brillant dans le chapitre ultime. La griffe de Breyfogle est plus à la page, mais intègre des éléments grotesques dans les compositions (dont la tête d'Amygdale à travers un panneau publicitaire). Nolan allie un trait moderne avec un découpage dynamique. C'est peut-être lui qui produit les planches les plus réussies de ce tome.
La traduction d'Alex Nikolavitch est satisfaisante la plupart du temps, parfois inspirée. Hélas, le texte n'a pas été relu, et quelques fautes de français et une ou deux coquilles viennent polluer l'ensemble. C'est dommage. La maquette est impeccable.
Ce premier volet de l'une des plus longues sagas de Batman souffre d'une narration linéaire, de longueurs, et d'une partie visuelle qui a vieilli malgré son dynamisme. Il n'en reste pas moins que ces pages offrent quelques moments particulièrement forts.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
2.000 pages au total, c'est ce qui me retient de replonger dans cette histoire que j'ai lue il y a maintenant quelques décennies. Le schéma que tu mets en lumière (arrêter tous les évadés d'Arkham avec un épuisement et une lassitude grandissants) ravive mes souvenirs qui correspondent exactement à ça. Comme toi, j'ai un peu de mal avec certaines cases de Jim Aparo, dérivatif de Neal Adams dans ses angles de vue et ses découpages, et parfois un peu naïf dans ses représentations. Je trouve aussi que Norm Breyfogle est plus à a page (j'ai relu avec plaisir ses premiers épisodes sur la série Detective Comics, avec les scénarios d'Alan Grant) et un sens du grotesque un peu quitte ou double, parfois très dérangeant, parfois ridicule. Quant à Graham Nolan, je me souviens qu'il pouvait être plus propre, mais pas toujours assez consistant en fonction du temps dont il disposait pour réaliser ses planches, et parfois un peu fade. Que de souvenirs...
RépondreSupprimerC'est vrai ce que tu écris au sujet de Graham Nolan ; j'ai pu m'en rendre compte avec "La Revanche de Bane".
SupprimerJe dois avouer que ma première lecture de ce tome avait été un régal ; mais quatre ou cinq ans plus tard, tous les défauts de cette histoire me semblent soudainement flagrants. J'ose à peine penser au reste de la saga, malgré les bonnes idées du cinquième tome.