lundi 14 mai 2018

Ninjak (tome 1) : "L'Armurerie" (Bliss Comics ; septembre 2016)

Le personnage de Ninjak fut créé en 1993 par Mark Moretti et Joe Quesada, puis remis au goût du jour par Valiant en 2012 (voir "X-O Manowar"), avant d'obtenir sa propre série en mars 2015. En France, cette série a été publiée chez Bliss Comics en cinq tomes. "L'Armurerie" est sorti en septembre 2016. Ce premier album cartonné de cent soixante planches comprend les cinq premiers numéros du titre VO ("Ninjak" #1-5, mars à juillet 2015).
Le scénario est de Matt Kindt. Les dessins sont signés Clay Mann ; il produit ceux du nº4 avec Juan José Ryp, son frère et encreur Seth Mann et Marguerite Sauvage. Butch Guice illustre les "Dossiers secrets" ; lorsqu'il ne le fait pas lui-même, il confie l'encrage à Brian Thies. Ulises Arreola, lui, se charge des mises en couleurs.

Le passé. Un jeune garçon, vêtu de l'uniforme d'une école privée, est seul dans une salle de cinéma. Plongeant machinalement sa main dans son paquet de pop-corn, il est hypnotisé par le film qu'il est venu voir. Il est fasciné par l'une des scènes, un combat de sabres entre un samouraï aveugle vieillissant et ses adversaires.
Le présent. Une étrange femme, détenue dans un centre de confinement temporaire, vient de neutraliser les militaires russes chargés de la surveiller. Elle a le corps recouvert de bandelettes. D'un coup de pied, elle enfonce la porte du poste de commandement et pousse, d'une simple suggestion, le dernier soldat à retourner son arme contre lui. Ninjak, lui, a déjà pris connaissance du briefing de terrain de Neville Alcott, son officier traitant au MI6. Alcott l'informe que la cible est connue sous le nom de Roku. Selon les sources, elle ne ressentirait aucune douleur. La jeune femme a été génétiquement améliorée : ses cheveux sont tranchants comme des lames de rasoir. C'est non seulement une combattante remarquable, mais aussi une experte en technologies de communication. D'après les estimations du MI6, elle ne devrait pas rester plus de deux heures dans la prison que les Russes ont conçue pour elle. C'est là que Ninjak intervient...

Kindt mélange les genres et livre une intrigue cohérente, rythmée, pleine d'action et de rebondissements, construite sur (au moins) trois lignes temporelles : l'enfance de Colin King, ses débuts dans les services secrets, et le présent, sous le costume de Ninjak. Ninjak (Ninja K) est un agent, ou plutôt un mercenaire à la solde du MI6, le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni. Il intervient en solo sur des missions d'envergure, moyennant des émoluments faramineux (en millions de livres sterling). Combattant rompu aux arts martiaux, il dispose d'un arsenal de pointe miniaturisé et inventif qui lui permet souvent faire la différence sur son adversaire. Avec son sens de l'humour diffusé au compte-gouttes, Ninjak reste un personnage introverti, à la solitude extrême, qui joue les rôles qu'exige son métier, et, surtout, qui véhicule ses démons intérieurs : une enfance perturbée par l'absence de ses parents et par les châtiments corporels infligés par Alain, le majordome, ou encore l'ardent désir de venger l'assassinat de sa maîtresse, tuée sous ses yeux à cause d'une erreur de mission en début de carrière. Les amateurs relèveront les nombreux points communs entre Colin King (Ninjak) et Bruce Wayne (Batman), comme l'enfance difficile dans un château ou un manoir, la présence du majordome (britannique chez les Wayne, français chez les King), l'absence (propre ou figurée) des parents, etc. Il est évident que Kindt joue avec ces ressemblances et se montre créatif dans l'hommage - car nul doute que c'en est un. Les pages évoquant à la fois l'équipement du héros et sa personnalité tourmentée sont une trouvaille. Enfin, notons la référence au personnage de Zatoïchi, le masseur aveugle et maître d'escrime. La partie graphique est satisfaisante. Mann offre un style résolument réaliste, moderne, net, plein de mouvement, dans un découpage dynamique. Les visages de ses personnages manquent d'expressivité. Guice propose un trait réaliste aussi, à l'encrage bien plus prononcé, qui crée immédiatement une atmosphère plus sombre.
La traduction est signée Mathieu Auverdin, de l'équipe MAKMA. Il produit un travail de qualité et un texte soigné. Et côté maquette, c'est exemplaire : couvertures originales insérées entre les chapitres, bonus, présentations des autres publications.

"L'Armurerie" met en scène un personnage qui conserve toute sa part de mystère dans un titre qui propose un mélange réussi de science-fiction, d'arts martiaux, de super-héros et d'espionnage ; ce premier album offre une vraie bouffée de fraîcheur.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. J'avais aussi reconnu l'hommage à Zatoïchi. :)

    J'avais trouvé Clay Mann plus inspiré qu'à son habitude, même si les personnages prennent la pose une case sur deux pour être plus photogéniques.

    Matt Kindt (un de mes auteurs favoris) était en petite forme mais assez impliqué pour concevoir des affrontements physiques originaux et donner un peu plus que le minimum de consistance requise à un personnage assez dérivatif comme tu le montres bien.

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    1. Je dois avouer que j'ai trouvé les deux tomes suivants moins convaincants, mais j'y reviendrai...

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