dimanche 13 mai 2018

The Punisher (tome 1) : "Born" (Panini Comics ; avril 2004)

"Born", premier tome des dix-huit de "The Punisher" sortis sous le label MAX chez Panini Comics, contient la mini-série "Born", qui précède le redémarrage de "The Punisher" en VO. Le titre s'étalera sur soixante-quinze numéros, de mars 2004 à octobre 2009 en VO, et d'avril 2004 à janvier 2011 en France. MAX, lancé en 2001 par Marvel, s'adresse à un public adulte. Depuis 2013, Panini Comics procède à une réédition progressive en compilant deux tomes par volume. C'est la première édition (quatre-vingt-huit planches et couverture flexible) qui est le sujet de ce billet.
Les quatre chapitres de "Born" ont été écrits par le Britannique Garth Ennis (entre autres, "Preacher", "The Boys", "Judge Dredd", ou encore "Hellblazer"). Les dessins sont signés Darick Robertson ("Transmetropolitan", "The Boys"). Tom Palmer encre le travail de Robertson ; Paul Mounts, lui, se charge de la mise en couleurs.

Base d'appui feu de Valley Forge, Vietnam, à une dizaine de la frontière cambodgienne, fin octobre 1971. Jour 1. Un avion de transport quadrimoteur est en approche et amorce sa descente vers la base, hérissée de canons, d'hélicoptères, de fils barbelés et de fortifications en sacs de sable. Au sol, quelques GI au repos observent la scène, ayant l'air de s'ennuyer ferme. Alors que l'avion entame sa manœuvre d'atterrissage, trois roquettes sont tirées depuis la jungle environnante. L'aéronef est touché et perd un moteur. Tétanisés, les soldats attendent. Une aile se détache de l'appareil, qui pique dangereusement vers le camp et s'écrase sur une meute de fantassins terrorisés courant pour sauver leur vie. L'avion explose dans un déluge de flammes, propulsant débris métalliques et cadavres autour du lieu d'impact.
Au loin, une escouade qui venait de quitter la base pour une patrouille a assisté à la scène. Certains soldats avaient pris des paris. L'un d'eux propose d'aller aider les survivants, mais la mission prime. Parmi eux, Steve Goodwin, persuadé qu'il ne mourra pas au Vietnam, car pour lui, c'est la quille dans trente-neuf jours...

MAX s'adresse à un public adulte ; le super-slip n'a donc point sa place ici. "Born", c'est la naissance du Punisher, ou plutôt la révélation de sa nature profonde au capitaine Frank Castle. L'œuvre met en avant un réalisme cru (parfois exagéré) dans lequel des concepts tels que la rédemption sont laissés aux autres. Car lorsque cet album est refermé, après ce déluge de violence (dans les actes et dans les pensées), et la noirceur omniprésente du ton, un constat s'impose avec évidence : il est loin, le monde des super-héros, très loin. Notons d'abord qu'Ennis inscrit cette mini-série - et le titre régulier qui suivra - dans une continuité réaliste sur le plan temporel. L'action commence en 1971 ; gardons à l'esprit que l'antihéros apparaîtra pour la première fois dans le #129 de "The Amazing Spider-Man", en février 1974. Le scénariste revient sans la moindre pudeur sur les exactions commises par l'armée américaine durant ce conflit (crimes contre l'humanité, viols, exécutions sommaires, épandage du tristement célèbre agent orange, etc.), sans oublier la drogue qui ravageait les troupes, ou l'alcoolisme les gradés. Au milieu de tout cela, Castle, sombre comme jamais, se sent comme un poisson dans l'eau, car c'est SA guerre, et il n'hésite pas à liquider ou faire éliminer quiconque (violeurs, officiers incompétents, supérieurs ou non, ils y passent tous) pour qu'elle se déroule selon les règles qu'il a lui-même établies, jusqu'au massacre final où il accepte, pour survivre, de signer un pacte non pas avec le Diable, mais avec la Faucheuse. Ennis dépeint un personnage profondément dangereux, ultra-violent, imprévisible, et qui n'obéit qu'à son propre code. Le style graphique de Robertson pourra être qualifié de réaliste, même si l'artiste exagère parfois les expressions faciales, ou les impacts des balles ou projectiles lors des scènes de combats. Robertson, de son trait explosif, spectaculaire, et plein d’hémoglobine, ne produit guère plus de six cases par planche, dans un découpage qui utilise intensivement la technique de l'incrustation.
La traduction est signée Nicole Duclos. Elle est efficace et convient plutôt bien à l'univers du Punisher. Par contre, quel dommage que cet éditeur sans imagination n'ait pas intercalé les splendides couvertures d'origine entre les différents chapitres.

Le "Punisher" d'Ennis, c'est un déluge de violence, de noirceur et de cynisme. Ennis revient sur la naissance du Punisher et en fait un être qui a toujours été hanté par la guerre, qui paiera très cher le pacte qu'il a passé avec la Faucheuse pour survivre.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

3 commentaires:

  1. Ton commentaire réveille en moi d'excellents souvenirs de lecture. En fait après avoir fini les épisodes d'Ennis, je n'ai plus eu envie de lire d'autres histoires du Punisher, tellement cette version m'apparaît définitive. En particulier, le choix d'avoir inscrit Castle dans l'Histoire avec des dates (comme tu le mentionnes) donne plus de poids à son histoire personnelle.

    Je viens de lire Punisher: The platoon, qui raconte la première période de service de Frank Castle au Vietnam (scénario d'Ennis, dessins de Goran Parlov) et l'intensité narrative est intacte. Le récit utilise encore mieux les batailles de cette guerre, sans les mettre au premier plan.

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    1. Ça, c'est une autre découverte que je te dois. Je viens d'ailleurs de terminer la lecture du troisième tome, "Kitchen Irish". Je trouve néanmoins que la violence crue, la brutalité et la cruauté ne sont pas toujours entièrement digestes, en tout cas, pas à mon goût d'âme sensible :-) .

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    2. D'un côté le degré de violence élevé est une des marques de fabrique de Garth Ennis ; de l'autre cette violence a des conséquences sur la psychologie de Frank Castle qui en paye le prix. Pour un lecteur du Punisher comme moi (= qui a lu ses aventures précédentes), Garth Ennis s'est emparé du personnage et lui a donné une épaisseur qui va au-delà du simple fantasme cathartique de l'individu qui tue les méchants pour apporter une solution rapide et définitive à ces criminels toxiques pour la société. De tome en tome, il confronte Castle à différentes formes de criminalités, ce qui dresse son portrait psychologique par effet de miroir. Il y a une vraie progression dramatique dans la succession des récits, ce qui en fait un roman d'auteur.

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