dimanche 13 mai 2018

Alix Senator (tome 4) : "Les Démons de Sparte" (Casterman ; octobre 2015)

"Les Démons de Sparte" est le quatrième volume de la série dérivée "Alix Senator". Cet album cartonné grand format comprend quarante-six planches, comme les trois précédents.
Après la mort de Jacques Martin (1921-2010), Casterman demande à Valérie Mangin des idées pour élargir l'univers d'Alix. Mangin propose de le faire vieillir de trente ans. Il est sénateur de l'Empire romain, a un fils, Titus, de mère inconnue, et il a recueilli Khephren, le fils d'Enak ; ainsi est né "Alix Senator".
Mangin (connue pour "Le Fléau des dieux", entre autres) signe le scénario. Elle a fait appel à Thierry Démarez pour la partie graphique ; ils ont déjà officié ensemble ("Le Dernier Troyen").

À l'issue du tome précédent, la Conspiration des rapaces, dirigée par Livie, échoue. Mais l'épouse d'Auguste, désirant que son fils Tibère monte sur le trône, semble décidée à se venger.
Grèce, -12 av. J.-C., en pleine nuit. Perché sur un rocher, un hoplite brandit sa lance au clair de lune et hurle le nom de Sparte à deux reprises. Plus loin, quatre légionnaires romains et un cavalier, escortant un chariot, répondent en criant celui de Rome. Les hoplites, en surnombre, avancent, protégés par leurs boucliers. Le combat ne peut être qu'inégal. Le dernier Romain, le glaive encore à la main, déclare à l'officier spartiate qu'il sait ce que ceux-ci recherchent, mais qu'ils ne l'auront pas. Dorénavant, les livres sacrés appartiennent à l'empereur. Pour toute réponse, l'autre lui perce la poitrine de sa lance et rétorque que ce barbare romain n'imposera pas sa loi en Grèce.
Athènes, un mois plus tard. Alix, accompagné de son fils Titus et de Khephren, le fils d'Enak, visite le Parthénon avec Numa Sadulus. Alix apprend à ce dernier qu'Enak, bouleversé par la dureté de son fils à son égard, a préféré retourner en Égypte. Les visiteurs évoquent la prise d'Athènes par Sylla et son armée...

Il sera utile de relire "Le Dernier Spartiate" (septième tome, 1967, l'un des sommets absolus de la "série mère"), dont Mangin reprend l'un des protagonistes pour les besoins de son aventure : Héraklion, le fils de la reine Adréa. Cela donne droit à quelques moments d'orgueil exacerbé de la part de l'ex-pupille d'Alix, dont le lecteur aurait peut-être attendu autre chose que cette attitude martiale de fier-à-bras, surtout avec un tuteur ayant les qualités de notre héros (ce qui s'est déroulé durant ces trente ans n'a cependant pas encore été dévoilé). La scénariste fait également revenir le personnage de Numa Sadulus, créé dans "L'Enfant grec" (quinzième tome, 1979). Ici, elle évoque - comme Martin savait si bien le faire - les survivances de civilisations ou de royaumes tombés devant les légions romaines ou absorbés par l'Empire, ici, la Grèce et Sparte, et ses conséquences, notamment l'esclavage. Notons, encore une fois, l'une des qualités de cette série, l'exactitude historique qui ne casse de surprendre (par exemple, la représentation de la lettre lambda sur le bouclier des soldats spartiates). Mangin, dans un ensemble de scènes réussies (planches 29 à 31) exploite l'omphalos pour donner une autre dimension, non pas spirituelle, mais fantastique, voire mystique ou ésotérique à son intrigue de fond, par le biais de vecteurs (les deux garçons) trop immatures pour comprendre les divinations de la Pythie. Remarquons encore, en planche 24 (voir les deux dernières cases de la dernière bande), la référence au "Dieu sauvage" (neuvième tome, 1969). Malheureusement, cette série, depuis le début, souffre d'un certain statisme, avec pour effet de dissoudre toute tension, tout suspense. Cette impression est renforcée par le style graphique de Démarez, inspiré de l'hyperréalisme. L'artiste offre un travail particulièrement soigné. Il détaille l'expressivité de ses personnages (visages, langage corporel, utilisation des mains lors des discussions, postures), mais les sensations de mouvement et de vitesse continuent à faire cruellement défaut, y compris lors des scènes qui le requièrent pourtant le plus (voir notamment l'affrontement entre légionnaires romains et hoplites, en planches 38 et 39). Les couleurs choisies par le dessinateur peuvent être particulièrement ternes, voire froides (voir la sortie du temple en planche 31, par exemple), malgré un travail remarquable sur la lumière.

"Les Démons de Sparte" propose un scénario original, et Mangin entretient le maintien de la connexion avec la "série mère". Cette intrigue pâtit néanmoins des mêmes maux que les tomes précédents : le manque de mouvement et l'absence de tension.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

5 commentaires:

  1. Même s'il peut être utile de relire des tomes de la série originale, tu me donnes l'impression que ce n'est pas indispensable. Je n'ai pas encore commencé à lire la série, mais je pense bien le faire cette année.

    Aujourd'hui sur le site de Bruce, un article sur une BD franco-belge rédigé par mes soins, d'un duo d'auteurs qui m'épatent à chaque fois Warnauts & Raives.

    http://www.brucetringale.com/prenez-vos-desirs-pour-des-realites-sous-les-paves/

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    1. Non, en effet, relire les tomes de la série mère n'est pas indispensable, mais permet d'éviter de passer à côté des références.
      Je pense te l'avoir déjà écrit, mais je te le confirme : ce tome fut mon dernier. Je ne continuerai pas cette série pour les raisons que nous avons discutées.

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    2. Je m'en souvenais ; il ne me reste plus qu'à commencer. :)

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    3. Préviens-moi. J'ai hâte de lire ce que tu en auras pensé. Tu posteras chez Bruce Lit, j'imagine ?

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  2. Promis, je viendrai mettre un lien dans un commentaire quand je l'aurai écrit et posté. Je ne sais pas pour Bruce Lit : c'est à lui qu'échoit la lourde responsabilité de la programmation (et je ne l'envie pas) et je l'inonde littéralement de propositions d'articles.

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