jeudi 24 mai 2018

Ninjak (tome 2) : "La Guerre des Ombres" (Bliss Comics ; février 2017)

Le personnage de Ninjak fut créé en 1993 par Mark Moretti et Joe Quesada, puis remis au goût du jour par Valiant en 2012 (voir "X-O Manowar"), avant d'obtenir sa propre série en mars 2015. En France, cette série a été publiée chez Bliss Comics en cinq tomes. "La Guerre des Ombres" est sorti en février 2017. Cet album cartonné d'un peu moins de cent trente planches comprend quatre numéros du titre VO ("Ninjak" #6-9, août-novembre 2015).
Le scénario est de Matt Kindt. Les dessins sont signés Raúl Allén et Patricia Martín (#6), Juan José Ryp (#7), Stephen Segovia et Ryan Winn (#8) et Clay Mann (#9), qui confie l'encrage à son frère Seth et à Winn. Les "Dossiers secrets" sont de Segovia et Ryp. Ulises Arreola est coloriste principal et Borja Pindado celui du #1.

À l'issue du tome précédent, Ninjak réussit à capturer Kannon, puis parvient à s'imposer en tant que directeur de l'Armurerie. Il continue à traquer les six autres Ombres, et parmi elles, la Barbe.
Le Japon, au siège de l'Armurerie. Le général Bahan, un homme d'une bonne cinquantaine d'années de type arabe en costume cravate, explique à "Monsieur Collins" (en fait, Colin King qui pilote l'organisation sous un pseudonyme) à quel point il est difficile d'obtenir de l'armement de qualité. C'est la raison pour laquelle lui et ses alliés soignent leur relation avec l'Armurerie. Bahan précise que son camp rejette tout jugement ; en effet, le monde entier se focalise sur les enlèvements de femmes et d'enfants auxquels ils procèdent, mais sans connaître leurs objectifs. L'officier supérieur, qui sort une mallette, ajoute que ces enlèvements leur permettent de défendre le bien commun et de contrôler le gouvernement et le pays. En ouvrant sa valise remplie de billets de banque, il souligne que ses amis et lui utilisent les armes pour mettre en place un ordre nouveau et créer un monde meilleur. Hélas, l'opinion publique ne voit que ces enlèvements. Mais de toute façon, a-t-on déjà mené une guerre sans faire couler le sang d'innocents, questionne le général Bahan ?...

Il est conseillé de relire le premier tome, car Kindt présente une suite à la narration décousue, éparse. L'enquête de Ninjak - ou plutôt la découverte progressive de l'Armurerie - est en effet escamotée pour faire place directement à la confrontation entre le mercenaire du MI6 et chacune des six (cinq) Ombres restantes ; l'auteur fait ainsi fi de la phase de traque, même si les pages consacrées à la formation des Sept Ombres sont intéressantes. Kindt multiplie les lignes temporelles : le présent, la rencontre avec Neville Alcott et l'excursion dans la chaîne de l'Himalaya, la période lors de laquelle King est un jeune homme et pas encore un espion, et enfin, l'enfance, avec des révélations sur ses parents. Les Ombres ne sont pas des personnages toujours captivants, bien que la Barbe (un hippie dément vivant dans un monde de technologie) soit réussi. Les autres le sont moins : Sanguine, jeune femme dérangée qui se transforme en cauchemar grâce à la chirurgie, Fitz, clone qui penche du bon côté, ou Fakir, sorte de Mandrake affublé d'étranges mutations. Kindt ajoute un enjeu supplémentaire avec une bombe atomique connectée à l'une des Ombres ; sans doute l'élément de trop dans un scénario qui reste cohérent et rythmé. Graphiquement, l'album est déséquilibré, ce qui est normal avec un dessinateur différent par numéro. Allén et Martin offrent des planches remarquables, claires, soignées, avec un découpage classique qui comprend quelques touches d'originalité, en gaufrier lorsque la narration doit être plus décompressée (scène du message secret). Le déroulement de l'action est lisible. Le mouvement est perceptible. Le style de Ryp, détaillé, fait montre d'une exagération suffisamment maîtrisée pour ne pas sombrer dans le grotesque, dans une mise en scène dynamique. Les dessins de Segovia sont plus sophistiqués, fouillés, plus chargés au niveau de l'encrage. Ses visages expressifs semblent juvéniles. Ses silhouettes se font plus musculeuses. Enfin, Mann présente un trait contemporain, mais peu détaillé, neutre, voire impersonnel.
La traduction est signée Mathieu Auverdin, de l'équipe MAKMA, comme dans le premier tome. Auverdin produit un travail satisfaisant, bien que deux fautes de français se soient glissées dans le texte - la moyenne des publications du genre, dirons-nous.

Ce deuxième volume est en deçà du premier ; le scénario manque de densité, et la partie graphique est déséquilibrée. L'ensemble reste néanmoins suffisamment intéressant pour maintenir la série au rang d'honnête divertissement. Mais sans plus.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Sur ce tome, je te trouve un peu dur. L'affrontement contre la Barbe est extraordinaire, ainsi que la manière dont il a disparu de la surface de la Terre. Sanguine est sadique à souhait et les dessins de Ryp en font ressortir toute la sauvagerie démente. Kindt continue de s'amuser avec les armes cachées du costume de Ninjak. En considérant la somme des tomes 1 & 2, le scénariste a su donner de la consistance à un amalgame a priori peu probable entre Bruce Wayne, James Bond et un ninja.

    D'un autre côté, je partage ton avis sur l'insipidité des dessins de Clay Mann et sur la construction très éclatée du scénario, qui donne une impression d'éparpillement, nécessitant de rassembler les pièces du puzzle pour avoir une vue d'ensemble.

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    1. Va savoir, mais je n'ai pas reçu d'e-mail m'informant de ton message ; je n'ai pourtant modifié aucun paramètre.
      Oui, tu as raison, je suis sans doute un peu dur. Ce qui me frustre, avec ce tome, c'est d'avoir commencé avec les planches d'Allén et Martin et de finir avec celles de Mann.
      Autre ratage, à mon avis, cette histoire de bombe atomique ; c'est trop.
      Mais je suis entièrement d'accord avec toi au sujet de la Barbe ; pour moi, c'est sans doute le meilleur moment de l'album.

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