"Arale" est un récit complet en un volume publié par les éditions Dargaud en mai 2018. Ce n'est pas un tome "zéro", mais un one-shot. Cet album cartonné compte soixante-deux planches.
Le scénario est conçu par Tristan Roulot. Roulot est connu pour la série humoristique Goblin's (Soleil), "Le Testament du Capitaine Crown" (Soleil), "Hedge Fund" (Le Lombard), "Irons" (Le Lombard), ou encore "Pykoparis" (Soleil). Les dessins sont signés par le Québécois Denis Rodier, connu du grand public à la fois pour avoir son travail sur "Superman" chez DC Comics, et pour "L'Ordre des Dragons" (Soleil). La mise en couleur est réalisée par Bruno Tatti ("Jérôme K. Jérôme Bloche", "Michel Vaillant - Nouvelle saison"...), assisté de Clémentine Guivarc'h.
Novkagrad, Russie, 1934. La nuit. Il neige, le vent souffle. Sous l'œil inquisiteur d'un corbeau, un carrosse tiré par deux chevaux, escorté par quatre automobiles blindées (deux à l'avant et deux à l'arrière) attend. Un officier annonce au cocher que le tsar se rend à l'opéra. Le convoi se met en route. Au loin, les cheminées des usines fument, tandis que des badauds, l'air farouche, se réchauffent près d'un baril de feu. Dans le véhicule, un soldat lit ; un autre scrute l'extérieur. Ils n'ont pas vu la bombe à retardement qui a été placée à côté de l'un des essieux. La déflagration pulvérise la voiture et tue chevaux et passagers. Le sang ruisselle des mains du cadavre du tsar. Le corbeau s'envole, se rend à l'isba montée sur pattes de poule de Baba Yaga et vient se blottir dans les bras de la sorcière. À l'intérieur, le plafond est encombré de cages à oiseaux. Baba Yaga, assise en tailleur face à un grand miroir, énonce que le tsar immortel est tombé, une fois de plus. Nuit funeste pour la famille royale. Trois autres princes de sang auraient subi le même sort. Ne reste-t-il personne pour assurer la succession au trône, demande-t-elle ? Un reflet lui répond : c'est Raspoutine, qui lui ordonne de cesser de se moquer de lui, et avance qu'il sait que c'est elle qui est derrière ces complots...
"Arale" (peut-être un lointain rapport - à confirmer - avec la catastrophe environnementale de la mer d'Aral ?) est une uchronie, c'est-à-dire "la reconstruction fictive de l'histoire, relatant les faits tels qu'ils auraient pu se produire" (Larousse), un genre particulièrement en vogue dans la bande dessinée franco-belge actuelle (voir, entre beaucoup d'autres, la série "Jour J", publiée chez Delcourt dans la collection Neopolis en 2010, et qui compte déjà trente-quatre tomes). Ici, vingt ans après le démarrage des hostilités, la Première Guerre mondiale est toujours en cours et la révolution russe a échoué. Le tsar a été grièvement blessé lors d'un attentat ; il a été confié aux soins de Raspoutine, qui l'a plongé dans un coma sans fin avec l'aide de ses Mages noirs. "Arale", c'est aussi une lutte de pouvoir entre deux visions de la société ; Raspoutine désire faire triompher la Russie tsariste, notamment grâce à la technologie, tandis que Baba Yaga souhaite un retour aux traditions et veut mettre un terme à cette interminable boucherie qu'est la guerre. Le tsar n'est qu'un pantin dont Raspoutine et ses alliés tirent les ficelles en coulisses. Avec Kyril, Roulot met en scène l'incarnation type du héros patriote, intrépide, de sang noble, prisonnier de ses valeurs, qui sera manipulé par des comploteurs plus intelligents et sournois que lui, et qui sera finalement berné par un compagnon pragmatique et particulièrement opportuniste (et, bien entendu, fervent défenseur des "nouvelles idées"). Le scénariste dénonce l'inhumanité de la guerre, la crédulité du petit peuple, et la propagande cynique jouant sur le culte de la personnalité et sur les mécanismes héroïques et nationalistes permettant d'envoyer les jeunes gens en masse à l'abattoir. Le voyage dans l'inconscient du tsar multiplie les scènes-chocs, imaginatives, et les créatures diverses, mais l'ensemble ne convainc pas : "Arale" ne contient ni le lyrisme ni l'émotion nécessaire pour s'enflammer pour l'enjeu en question. Graphiquement, le travail de Rodier est solide. Son trait réaliste est influencé à la fois par la bande dessinée franco-belge et par les comics américains. Le découpage est plutôt classique, bien que l'artiste utilise la technique de l'insert à plusieurs reprises. Chaque page compte entre six et huit cases en moyenne, guère plus. Rodier produit quelques planches épiques et spectaculaires. La couleur est fade et terne.
Malgré un propos intéressant, de bonnes idées, une imagination et une créativité réelles, "Arale", du fait d'une intrigue sans doute trop riche pour être abordée un seul album et d'un manque total d'émotion, ne réussit malheureusement pas à captiver.
Le scénario est conçu par Tristan Roulot. Roulot est connu pour la série humoristique Goblin's (Soleil), "Le Testament du Capitaine Crown" (Soleil), "Hedge Fund" (Le Lombard), "Irons" (Le Lombard), ou encore "Pykoparis" (Soleil). Les dessins sont signés par le Québécois Denis Rodier, connu du grand public à la fois pour avoir son travail sur "Superman" chez DC Comics, et pour "L'Ordre des Dragons" (Soleil). La mise en couleur est réalisée par Bruno Tatti ("Jérôme K. Jérôme Bloche", "Michel Vaillant - Nouvelle saison"...), assisté de Clémentine Guivarc'h.
Novkagrad, Russie, 1934. La nuit. Il neige, le vent souffle. Sous l'œil inquisiteur d'un corbeau, un carrosse tiré par deux chevaux, escorté par quatre automobiles blindées (deux à l'avant et deux à l'arrière) attend. Un officier annonce au cocher que le tsar se rend à l'opéra. Le convoi se met en route. Au loin, les cheminées des usines fument, tandis que des badauds, l'air farouche, se réchauffent près d'un baril de feu. Dans le véhicule, un soldat lit ; un autre scrute l'extérieur. Ils n'ont pas vu la bombe à retardement qui a été placée à côté de l'un des essieux. La déflagration pulvérise la voiture et tue chevaux et passagers. Le sang ruisselle des mains du cadavre du tsar. Le corbeau s'envole, se rend à l'isba montée sur pattes de poule de Baba Yaga et vient se blottir dans les bras de la sorcière. À l'intérieur, le plafond est encombré de cages à oiseaux. Baba Yaga, assise en tailleur face à un grand miroir, énonce que le tsar immortel est tombé, une fois de plus. Nuit funeste pour la famille royale. Trois autres princes de sang auraient subi le même sort. Ne reste-t-il personne pour assurer la succession au trône, demande-t-elle ? Un reflet lui répond : c'est Raspoutine, qui lui ordonne de cesser de se moquer de lui, et avance qu'il sait que c'est elle qui est derrière ces complots...
"Arale" (peut-être un lointain rapport - à confirmer - avec la catastrophe environnementale de la mer d'Aral ?) est une uchronie, c'est-à-dire "la reconstruction fictive de l'histoire, relatant les faits tels qu'ils auraient pu se produire" (Larousse), un genre particulièrement en vogue dans la bande dessinée franco-belge actuelle (voir, entre beaucoup d'autres, la série "Jour J", publiée chez Delcourt dans la collection Neopolis en 2010, et qui compte déjà trente-quatre tomes). Ici, vingt ans après le démarrage des hostilités, la Première Guerre mondiale est toujours en cours et la révolution russe a échoué. Le tsar a été grièvement blessé lors d'un attentat ; il a été confié aux soins de Raspoutine, qui l'a plongé dans un coma sans fin avec l'aide de ses Mages noirs. "Arale", c'est aussi une lutte de pouvoir entre deux visions de la société ; Raspoutine désire faire triompher la Russie tsariste, notamment grâce à la technologie, tandis que Baba Yaga souhaite un retour aux traditions et veut mettre un terme à cette interminable boucherie qu'est la guerre. Le tsar n'est qu'un pantin dont Raspoutine et ses alliés tirent les ficelles en coulisses. Avec Kyril, Roulot met en scène l'incarnation type du héros patriote, intrépide, de sang noble, prisonnier de ses valeurs, qui sera manipulé par des comploteurs plus intelligents et sournois que lui, et qui sera finalement berné par un compagnon pragmatique et particulièrement opportuniste (et, bien entendu, fervent défenseur des "nouvelles idées"). Le scénariste dénonce l'inhumanité de la guerre, la crédulité du petit peuple, et la propagande cynique jouant sur le culte de la personnalité et sur les mécanismes héroïques et nationalistes permettant d'envoyer les jeunes gens en masse à l'abattoir. Le voyage dans l'inconscient du tsar multiplie les scènes-chocs, imaginatives, et les créatures diverses, mais l'ensemble ne convainc pas : "Arale" ne contient ni le lyrisme ni l'émotion nécessaire pour s'enflammer pour l'enjeu en question. Graphiquement, le travail de Rodier est solide. Son trait réaliste est influencé à la fois par la bande dessinée franco-belge et par les comics américains. Le découpage est plutôt classique, bien que l'artiste utilise la technique de l'insert à plusieurs reprises. Chaque page compte entre six et huit cases en moyenne, guère plus. Rodier produit quelques planches épiques et spectaculaires. La couleur est fade et terne.
Malgré un propos intéressant, de bonnes idées, une imagination et une créativité réelles, "Arale", du fait d'une intrigue sans doute trop riche pour être abordée un seul album et d'un manque total d'émotion, ne réussit malheureusement pas à captiver.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
Ça me fait plaisir de trouver un commentaire de cette BD Sur ton site, car la couverture m'a intrigué à plusieurs reprises sur les rayons de la FNAC. Visiblement, il s'agit d'un récit qui met en scène des principes et des mécanismes socio-politiques plutôt élaborés, mais avec une narration trop mécanique. Ce n'était pas loin d'être une grande réussite.
RépondreSupprimerPour moi, il y avait matière à faire bien plus qu'un simple album. Mais à vrai dire, aucun personnage n'attire la sympathie du lecteur. De plus, le piège de la peste et du choléra (régime militariste contre révolution communiste) était trop hasardeux (malgré les sympathies évidentes des auteurs) pour pousser plus loin.
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