samedi 16 juin 2018

Ninjak (tome 4) : "Le Siège de King's Castle" (Bliss Comics ; novembre 2017)

Le personnage de Ninjak fut créé en 1993 par Mark Moretti et Joe Quesada, puis remis au goût du jour par Valiant en 2012 (voir "X-O Manowar"), avant d'obtenir sa propre série en mars 2015. En France, cette série a été publiée chez Bliss Comics en cinq tomes. "Le Siège de King's Castle", un album cartonné d'un peu plus de cent trente planches sorti en novembre 2017, comprend quatre numéros du titre VO ("Ninjak" #14-17, avril à juillet 2016).
Les scénarios sont de Matt Kindt, les dessins, de Diego Bernard, avec Pete Pantazis pour le premier numéro et Allisson Rodrigues pour les troisième et quatrième. La mise en couleurs est d'Ulises Arreola. Les illustrations des "Dossiers secrets" sont réparties entre Khoi Pham et Andres Guinaldo. Brian Level encre le #16, Marc Deering et Mark Pennington, le #17. Andrew Dalhouse, Jeromy Cox, et Chris Sotomayor se partagent la mise en couleurs.

À l'issue du tome précédent, Ninjak, aidé de Punk Mambo, ramène la Pie - alias Shadowman - du monde des morts, ainsi qu'une vingtaine d'agents de terrain du MI6, qui y étaient retenus captifs.
Le jour se lève sur King's Castle. Colin King rentre chez lui, et, en traversant un hangar rempli de véhicules et en se débarrassant de son équipement, se livre à une phase d'introspection ; il songe à l'abandon de ses parents, à l'éducation difficile que leur majordome lui a fait subir, à la mort de celle qu'il a aimée. Il s'entraîne ensuite dans l'une des cours du château en s'adonnant à quelques exercices physiques, ce qui lui permet de faire le vide dans son esprit. Il essaie ainsi d'oublier certains souvenirs liés à l'opération Au-delà (la Pie et Brasier) ou à d'autres (Livewire), ainsi qu'à l'assassinat de sa maîtresse, lorsque son sens de la concentration reprend le dessus. Épuisé après trente jours sur le terrain, King n'était pas en mesure remarquer certains détails qui auraient normalement dû lui mettre la puce à l'oreille : par exemple, ce pli dans le tapis, cette porte entrebâillée, ou encore cette mèche de cheveux qu'il aperçoit de loin dans le parc...

"Le Siège de King's Castle" ("The Siege of King's Castle" en VO), c'est l'histoire d'une traque, celle de Ninjak. Car Kindt n'y va pas avec le dos de la cuiller. L'adversaire s'en prend d'abord au château lui-même, qui se retrouve presque rasé. Le héros s'en sort à peine. L'offensive continue, sur les avoirs financiers de King, puis sur d'autres éléments critiques, telles que la relation de confiance qui s'était instaurée entre Ninjak et le MI6. Privé de ses moyens et de ses alliés, poursuivi par la police pour plusieurs assassinats, King le solitaire n'a plus grand monde vers qui se tourner, à l'exception d'un seul et précieux contact. L'homme est plein de ressources, et il remonte progressivement la piste vers la personne qui est derrière tous ces événements. Kindt livre une intrigue sans temps mort, fluide, riche en action, en retournements de situation, et qui file à cent à l'heure dans des pages qui contrastent avec celles des "Dossiers secrets", plus intimes, moins rythmées, mais plus profondes et qui apportent leur lot de surprise sur la véritable identité de Colin, celles de ses parents et celle du majordome Alain (qui n'est pas français, finalement, mais russe). Graphiquement, malheureusement, ce quatrième et avant-dernier tome de la série n'est pas à la hauteur ; c'est là l'une des faiblesses de cette série. Pourquoi diable ne pas avoir continué avec Doug Braithwaite ? Bernard officie dans un style réaliste. Son trait commercial est dynamique et plein de mouvement. Son découpage alterne classicisme et modernisme ; l'artiste utilise souvent la technique de l'insert. Les personnages auxquels il donne forme ont un aspect excessivement juvénile ; King semble à peine avoir vingt ans, et Neville Alcott, son officier traitant du MI6, paraît encore plus jeune. La palette des expressions est limitée. Bernard puise dans les influences perceptibles du manga. La mise en couleurs est criarde. A contrario, les illustrations des "Dossiers secrets" sont nettement plus abouties, et en phase avec l'atmosphère de la série ; leur mise en couleurs est bien plus réussie.
La traduction est signée Mathieu Auverdin. Auverdin, de l'équipe MAKMA, produit un travail de qualité et un texte soigné. La reliure est solide, et la maquette est nickel : table des matières, couvertures originales insérées entre les chapitres, etc.

"Le Siège de King's Castle" déborde d'action, de rythme et de révélations sur Colin King (Ninjak) et sa famille. Malheureusement, cette intrigue parfois captivante est desservie par une partie graphique vraiment quelconque, lisse et sans personnalité.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

8 commentaires:

  1. A nouveau je partage ton avis : Matt Kindt a bourré son intrigue à craquer pour l'histoire principale, et les dessins de Diego Bernard ne tirent pas le récit vers le haut. J'ai également préféré les dessins d'Andres Guinaldo. J'avais parfois l'impression que Diego Bernard donnait l'apparence de Tom Cruise (dans Mission : impossible) à Colin King. Par contre les personnages secondaires ont parfois l'air de mannequins habillés de vêtements chics qui viennent tout juste d'être déballés, sans jamais avoir été portés, des acteurs sans expérience, habillés à la hâte avec des costumes chers mais génériques

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    1. Je dois avouer que je suis parfois surpris par les choix des éditeurs (et ici, de Valiant ) et je voudrais comprendre ce qui les motive à changer de dessinateur à chaque arc, outre les contraintes de planning. À moins qu'il ne s'agisse d'un choix de Kindt ?...

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    2. Je ne pense pas que Kindt soit pour quoi que ce soit dans le choix des dessinateurs. J'ai l'impression que les responsables éditoriaux de Valiant planifient les miniséries au coup par coup. Qu'est-ce qu'on publie quand en fonction des finances et de ce qui est déjà prévu en séries mensuelles ? Ensuite, quel dessinateur puis-je affecter sur quelle série en fonction de leur disponibilité, mais aussi en mettant les artistes les plus prestigieux sur les séries les plus vendeuses ? En fonction des réponses des artistes qu'ils ont sollicités, ils voient si il est possible d'avoir le même artiste sur toute la durée de la minisérie ou du chapitre, sous'il faut en prévoir un autre. Ce n'est pas différent de la gestion de DC ou Marvel en fait.

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    3. Ah, c'est bizarre, je pensais qu'il y avait souvent une forme de consensus. Le privilège du choix de l'artiste est peut-être réservé aux scénaristes les plus cotés, alors ?...

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    4. De mon expérience, le consensus est l'exception dans le cadre des séries ou miniséries dont les droits du personnage sont propriété de la maison d'édition (DC, Marvel, Valiant ou autres). Il s'agit d'une chaîne de production où le responsable éditorial (editor) assemble l'équipe de production au gré de leur disponibilité et de son budget, et gère la partie administrative. Même sur une série comme Scalped (Vertigo, Jason Aaron & RM Guéra), les 2 auteurs ne se sont rencontrés physiquement que plusieurs années après le début de la série.

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    5. Je présume qu'il s'agit d'une façon de faire relativement récente et que les artistes étaient voisins de bureau au moins jusque dans les années 80, ou je me trompe ?

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    6. Non à ma connaissance, ça ne fonctionnait pas comme ça. Tu avais quelques artistes qui s'organisaient en studio : dessinateurs et encreurs dans un même lieu de travail, mais pour le reste les responsables éditoriaux des grands éditeurs (DC, Marvel) jouaient déjà le rôle de gare de triage, répartissant les boulots de scénario , de dessins, d'encrage, de lettrage, de mise en couleurs aux individus disponibles sur le moment. Par contre, DC & Marvel étaient basés à New York, et ils disposaient de personnel à demeure (dans leurs bureaux) pour effectuer des retouches de dernière minute, pour finir les maquettes des comics. Du coup, de nombreux auteurs s'étaient installés à New York et passaient au bureau de leur employeur de temps à autre.

      Déjà dans les années 1970, DC & Marvel (et Warren) avaient recruté des dessinateurs étrangers (en particulier philippin, espagnol) qui bossaient depuis leur pays. Dans l'introduction de Aquaman: Chronicles of Atlantis, Peter David explique par exemple qu'Esteban Maroto dessinait depuis l'Espagne et que c'est sa fille qui traduisait les scripts de Davis, avec quelques erreurs de compréhension de temps à autre.

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    7. D'accord ! Donc déjà à l'époque, même dans ce milieu, la mondialisation est une réalité.

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