jeudi 14 juin 2018

Blake et Mortimer (tome 5) : "Le Mystère de la Grande Pyramide" (La Chambre d'Horus) (Blake et Mortimer ; janvier 1955)

"Le Mystère de la Grande Pyramide" est le second récit (du point de vue de l'historique de publication) de la série des "Aventures de Blake et Mortimer". Il a d'abord été prépublié dans l'édition belge du "Journal de Tintin", du 5 janvier 1950 (nº1) au 28 mai 1952 (nº22). La maison Le Lombard éditera ensuite cette saga dans une version retravaillée par Edgar P. Jacobs (dessins et texte) en deux tomes (1954 ; janvier 1955).
L'histoire a été entièrement produite par Edgar P. Jacobs (1904-1987), véritable légende du neuvième art, hélas trop peu prolifique ; il ne réalisera que onze albums pendant ses quarante-cinq ans de carrière. Jacobs collabora aussi avec Hergé sur "Tintin au Congo", "Tintin en Amérique", "Le Sceptre d'Ottokar", "Le Lotus bleu", "Les Sept Boules de cristal", "Le Temple du Soleil" pour dessiner notamment des décors ou du matériel.

À l'issue du tome précédent, le capitaine Blake est abattu à Athènes par un complice d'Olrik. Mortimer porte secours au cheikh Abdel Razek. La mort de Blake est confirmée par câble.
Mortimer, pourtant d'humeur particulièrement maussade, a loué une voiture pour se rendre chez le Dr Grossgrabenstein, qui l'a invité à découvrir sa collection personnelle. Il quitte la route principale, s'engage dans une allée bordée de jardins, gare son véhicule et sonne à la porte de la villa ; un domestique indiscret lui ouvre. Grossgrabenstein souhaite la bienvenue à Mortimer depuis la terrasse. Un journal à la main, il lui fait part de son émotion ; il vient à l'instant d'apprendre la disparition du capitaine Francis Blake. Mortimer, hélas, ne peut qu'attester que la mort de son compagnon d'armes a été confirmée. Lorsque l'égyptologue amateur allemand lui demande s'il veut remettre sa visite, le professeur répond qu'il a besoin de se changer les idées. La visite commence. Dans le jardin, l'étrange domestique retrouve un Sharkey à bout de patience. Le boy rappelle les ordres du chef : pas d'initiatives...

Cette deuxième partie est intitulée "La Chambre d'Horus". Envoûtements, filatures, tentatives d'assassinat, enlèvements, fusillades entre policiers et malfaiteurs, exploration des labyrinthes de la Grande Pyramide à la lueur d'une torche, et retour sur les mystères de l'histoire secrète selon Jacobs, la seconde moitié de ce diptyque est particulièrement dense et riche ; c'est l'aventure avec un "A" majuscule. Malgré la présence du suspense et de rebondissements, le ton de ces pages est néanmoins sensiblement différent de celui du premier volume, peut-être plus sombre. Ici, Jacobs ajoute à son intrigue une petite touche humoristique incarnée d'abord par le commissaire Kamal, flic intègre et efficace, mais aux méthodes traditionnelles souvent dépassées par la ruse ou l'imagination des gangsters ou par l'inventivité de nos héros, qui n'hésitent pas à prendre quelques raccourcis, et par le Dr Grossgrabenstein, cet égyptologue amateur allemand candide, enthousiaste, haut en couleur, à l'accent à couper au couteau, qui n'est qu'une victime dans toute cette affaire (y compris de sa propre naïveté). Le dénouement pourra sembler longuet, et la volonté du cheikh Abdel Razek de partager l'histoire secrète du culte d'Aton avec deux "cœurs purs" pour ensuite leur faire tout oublier n'est pas d'une cohérence à toute épreuve. Ben que cela reste de la fiction, ce curieux choix scénaristique donne finalement au lecteur le sentiment d'avoir assisté de façon privilégiée - puisque sans amnésie provoquée par la magie ! - au lever d'un pan du voile recouvrant le mystère de cette Grande Pyramide. Graphiquement, c'est plus dense que dans le tome précédent, tout en demeurant d'une qualité irréprochable. Jacobs monte parfois jusqu'à seize cases par planche, proposant ainsi une narration très serrée dans un découpage classique. Son trait est d'une précision et d'un soin qui forcent l'admiration. Prenons quelques scènes au hasard ; l'enlèvement de Mortimer et Nasir, retenus prisonniers dans un mastaba aux décorations somptueuses, l'assaut de la villa du bon docteur par la police égyptienne, particulièrement réaliste, et, bien sûr, l'impressionnante chambre d'Horus. L'influence d'Hergé sur le design des figurants et autres personnages secondaires est évidente. La mise en couleurs est remarquable, et participe à l'ambiance incroyable de cette aventure.

"La Chambre d'Horus" propose une conclusion très satisfaisante, bien qu'en deçà du "Papyrus de Manéthon", qui se termine avec l'errance d'Olrik à travers le désert ; cela laisse supposer que l'auteur avait déjà l'intrigue de "La Marque jaune" en tête.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. J'y crois pas !!! Que 4 étoiles. Il s'agit sûrement d'une faute de frappe... :)

    Taquinerie mise à part, en lisant ta phrase sur le trait d'une précision et d'un soin qui forcent l'admiration, je me demandais si EP Jacobs travaillait lui aussi avec des collaborateurs, pour les décors ou pour les couleurs.

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    1. Quatre étoiles, parce que je trouve que la fin est longue et que l'aspect comique de certains personnages n'a pas sa place dans cette histoire encore très influencée par Hergé.
      Jacobs travaillait avec des artistes de studio pour la mise en couleurs, déjà dans cette saga. Le Studio E. P. Jacobs n'est crédité qu'à partir de "La Marque jaune".

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