"Batman : Noël" est un album cartonné d'un peu plus de cent dix pages, présentant une aventure complète de Batman sortie chez Urban Comics en décembre 2012, dans la collection DC Deluxe de l'éditeur. En VO, cet ouvrage est un "graphic novel" que DC Comics publie en novembre 2011 sous le titre "Batman: Noël".
Cette œuvre est réalisée par Lee Bermejo, à l'exception de la mise en couleurs, signée Barbara Ciardo. Bermejo est surtout connu comme dessinateur. En 2008, son "Joker" reçoit le prix IGN Comics du meilleur "graphic novel". En 2015, il est nominé aux Eisner pour la meilleure histoire courte avec "Rule Number One". Il a travaillé sur "Before Watchmen: Rorschach" (2012-2013), "Lex Luthor" (avec Brian Azzarello), ou "Hellblazer", entre autres.
C'est Noël, à Gotham City. Les flocons de neige recouvrent les toits des immeubles. Les pancartes publicitaires scintillent. Un narrateur demande à son interlocuteur si celui-ci souhaite qu'il lui raconte une histoire. Il confesse immédiatement ne pas être très inspiré pour cela, contrairement à son vieux, un conteur né, lui, capable de captiver son public dès le début. Comme pour se justifier, le narrateur précise qu'il est surtout doué de ses mains. Il tient cette histoire de son propre père, qui la lui avait justement racontée à Noël. Son paternel était ivre, à tel point que le fils croyait qu'il inventait et improvisait. Mais la fable a fini par devenir cohérente. Le conteur ajoute qu'il se passe d'étranges choses, à Gotham City, et que certaines seront peut-être difficiles à avaler pour son public. Il affirme que pour que l'aventure qu'il est sur le point de lui relater signifie quelque chose, pour qu'elle ait un sens, l'audience doit être persuadée que les gens peuvent changer, changer en mieux, et trouver la force de relever la tête alors qu'ils sont dans les problèmes jusqu'au cou. Batman saute sur le toit d'un immeuble, atterrit dans un bruit sourd, et court, la neige crissant sous ses bottes. Lorsqu'il plonge, le Bat-signal balaie le ciel sombre et nuageux de la ville dont émergent, imposantes et massives, les silhouettes de gratte-ciel...
Curieuse initiative que celle de Bermejo, qui transpose "Un chant de Noël" ("A Christmas Carol", écrit en 1843), de Charles Dickens (1812-1870), à l'univers de Batman. L'exercice ne peut être entièrement fidèle, mais l'adaptation est imaginative. Dans le rôle d'Ebenezer Scrooge, Batman. Le texte de Dickens évoque un homme "secret, renfermé en lui-même et solitaire comme une huître", ce qui est le portrait que dresse Bermejo du Chevalier noir. Batman, vieillissant, malade, est plus seul que jamais malgré l'éternel Alfred. Aigri et obsessif comme jamais, il est devenu une caricature de l'implacable justicier qu'il a été. Dans le rôle de Bob Crachit, une petite frappe de Gotham City, portant le même nom, et son fils Tim ("Tiny" Tim). Les trois esprits sont présents également : l'enfant (bien que la métaphore soit différente), l'esprit du Noël présent, et le fantôme des Noëls à venir. Chacun prend un visage connu du public, et chaque cas permet à l'auteur de revenir sur certains épisodes de la carrière du détective depuis l'Âge d'or. Bermejo utilise le conte de Dickens pour livrer son interprétation du personnage de Batman, satire de la facette exacerbée de justicier. Hélas, le lecteur ne ressentira guère de tension devant une intrigue sans enjeu particulier, d'autant que la chute est prévisible. Graphiquement, c'est remarquablement abouti ; c'est une véritable fusion entre texte et images. Bermejo propose un style qui pourra être qualifié d'hyperréaliste, malgré un encrage trop prononcé. Bien que ce type de trait pâtisse d'un certain statisme, ce n'est pas le cas des compositions de Bermejo, grâce au dynamisme d'un découpage qui emprunte au cinéma. L'artiste approfondit l'expressivité des visages de façon parfois exagérée. Le soin qu'il accorde aux décors (neige, fenêtres éclairées, guirlandes, etc.), et aux détails des costumes de Batman (bottes) ou de Catwoman (griffes) est remarquable. Le déroulement de l'action est limpide. La mise en couleurs est terne, mais il s'agit sans doute un effet recherché. Notons le clin d'œil à Dickens (pierre tombale).
La traduction d'Alex Nikolavitch est une réussite ; son texte reflète vraiment le ton gouailleur du narrateur. La maquette est parfaite. La préface de Jim Lee n'est que verbiage flatteur dans un style typiquement américain ; cela nous coûte deux pages.
Sans pour autant être un caprice d'artiste, "Batman : Noël" n'est rien de plus qu'une curiosité, une lecture optimiste de la nature profonde, de la psyché du Chevalier noir qui serait restée aux oubliettes si la partie graphique n'avait été si majestueuse.
Mon verdict : ★★★☆☆
Cette œuvre est réalisée par Lee Bermejo, à l'exception de la mise en couleurs, signée Barbara Ciardo. Bermejo est surtout connu comme dessinateur. En 2008, son "Joker" reçoit le prix IGN Comics du meilleur "graphic novel". En 2015, il est nominé aux Eisner pour la meilleure histoire courte avec "Rule Number One". Il a travaillé sur "Before Watchmen: Rorschach" (2012-2013), "Lex Luthor" (avec Brian Azzarello), ou "Hellblazer", entre autres.
C'est Noël, à Gotham City. Les flocons de neige recouvrent les toits des immeubles. Les pancartes publicitaires scintillent. Un narrateur demande à son interlocuteur si celui-ci souhaite qu'il lui raconte une histoire. Il confesse immédiatement ne pas être très inspiré pour cela, contrairement à son vieux, un conteur né, lui, capable de captiver son public dès le début. Comme pour se justifier, le narrateur précise qu'il est surtout doué de ses mains. Il tient cette histoire de son propre père, qui la lui avait justement racontée à Noël. Son paternel était ivre, à tel point que le fils croyait qu'il inventait et improvisait. Mais la fable a fini par devenir cohérente. Le conteur ajoute qu'il se passe d'étranges choses, à Gotham City, et que certaines seront peut-être difficiles à avaler pour son public. Il affirme que pour que l'aventure qu'il est sur le point de lui relater signifie quelque chose, pour qu'elle ait un sens, l'audience doit être persuadée que les gens peuvent changer, changer en mieux, et trouver la force de relever la tête alors qu'ils sont dans les problèmes jusqu'au cou. Batman saute sur le toit d'un immeuble, atterrit dans un bruit sourd, et court, la neige crissant sous ses bottes. Lorsqu'il plonge, le Bat-signal balaie le ciel sombre et nuageux de la ville dont émergent, imposantes et massives, les silhouettes de gratte-ciel...
Curieuse initiative que celle de Bermejo, qui transpose "Un chant de Noël" ("A Christmas Carol", écrit en 1843), de Charles Dickens (1812-1870), à l'univers de Batman. L'exercice ne peut être entièrement fidèle, mais l'adaptation est imaginative. Dans le rôle d'Ebenezer Scrooge, Batman. Le texte de Dickens évoque un homme "secret, renfermé en lui-même et solitaire comme une huître", ce qui est le portrait que dresse Bermejo du Chevalier noir. Batman, vieillissant, malade, est plus seul que jamais malgré l'éternel Alfred. Aigri et obsessif comme jamais, il est devenu une caricature de l'implacable justicier qu'il a été. Dans le rôle de Bob Crachit, une petite frappe de Gotham City, portant le même nom, et son fils Tim ("Tiny" Tim). Les trois esprits sont présents également : l'enfant (bien que la métaphore soit différente), l'esprit du Noël présent, et le fantôme des Noëls à venir. Chacun prend un visage connu du public, et chaque cas permet à l'auteur de revenir sur certains épisodes de la carrière du détective depuis l'Âge d'or. Bermejo utilise le conte de Dickens pour livrer son interprétation du personnage de Batman, satire de la facette exacerbée de justicier. Hélas, le lecteur ne ressentira guère de tension devant une intrigue sans enjeu particulier, d'autant que la chute est prévisible. Graphiquement, c'est remarquablement abouti ; c'est une véritable fusion entre texte et images. Bermejo propose un style qui pourra être qualifié d'hyperréaliste, malgré un encrage trop prononcé. Bien que ce type de trait pâtisse d'un certain statisme, ce n'est pas le cas des compositions de Bermejo, grâce au dynamisme d'un découpage qui emprunte au cinéma. L'artiste approfondit l'expressivité des visages de façon parfois exagérée. Le soin qu'il accorde aux décors (neige, fenêtres éclairées, guirlandes, etc.), et aux détails des costumes de Batman (bottes) ou de Catwoman (griffes) est remarquable. Le déroulement de l'action est limpide. La mise en couleurs est terne, mais il s'agit sans doute un effet recherché. Notons le clin d'œil à Dickens (pierre tombale).
La traduction d'Alex Nikolavitch est une réussite ; son texte reflète vraiment le ton gouailleur du narrateur. La maquette est parfaite. La préface de Jim Lee n'est que verbiage flatteur dans un style typiquement américain ; cela nous coûte deux pages.
Sans pour autant être un caprice d'artiste, "Batman : Noël" n'est rien de plus qu'une curiosité, une lecture optimiste de la nature profonde, de la psyché du Chevalier noir qui serait restée aux oubliettes si la partie graphique n'avait été si majestueuse.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
Je l'i lu il y a quelque temps déjà, mais j'en garde un bon souvenir. Comme toi j'avais été subjugué par la qualité des dessins, et la narration visuelle beaucoup plus fluide que ne le laisse supposer la forme d'un conte illustré.
RépondreSupprimerCe qui m'avait épaté est que Lee Bermejo réussit à combiner des dessins d'une grande minutie, de véritables illustrations au sens noble du terme, avec un texte de qualité littéraire, généralement une fausse bonne idée pour faire une bande dessinée, alors qu'ici ça marche.
En outre, comme tu le fais aussi observer, Lee Bermejo ne se contente pas d'une transposition littérale du conte de Dickens, car il l'utilise pour donner un point de vue sur la psyché de Batman. En cela, il se montre plus ambitieux que bien des scénaristes de la série.
On dirait que tu as été plus convaincu que moi.
RépondreSupprimerJ'ai son "Joker" qui traîne quelque part ; je ne l'ai pas encore lu.
Sa version de Joker était tout aussi peaufinée, mais je n'avais pas apprécié cette version du personnage réalisée par Brian Azzarello.
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