dimanche 15 juillet 2018

The Punisher (tome 4) : "Mère Russie" (Panini Comics ; mars 2006)

"Mère Russie" (mars 2006), le quatrième tome des dix-huit de "The Punisher" sortis sous le label adulte MAX chez Panini Comics, contient le troisième arc de la série (#13-18 en VO, même titre, janvier à mai 2005). "The Punisher" s'étale sur soixante-quinze numéros, de mars 2004 à octobre 2009 en VO, et d'avril 2004 à janvier 2011 en France. Depuis 2013, Panini Comics procède à une réédition progressive en compilant deux histoires par volume. C'est la première édition (soit un album à couverture flexible de cent trente à cent quarante planches) que présente ce billet. 
Le scénario est écrit par Garth Ennis ("Preacher", "The Boys", ou encore "Hellblazer"). Les dessins sont signés Doug Braithwaite. Bill Reinhold est à l'encrage, Raul Treviño, à la mise en couleurs.

Un pub, à New York. Castle, engoncé dans un blouson de cuir, est attablé au bar et mange un sandwich. À un mètre de lui, accoudé au comptoir lui aussi, un homme d'un certain âge, coiffé d'un bonnet et vêtu d'un manteau long. Personne à part eux et le barman. Le vieux marmonne : il ne reste rien, en Russie, et les Russes sont fichus. Il commande une autre vodka, tandis que trois individus entrent et s'installent. Le serveur lui recommande de la faire durer ; c'est la dernière. Le papi peste ; les autres vodkas, ce n'est que de la bibine. Il persévère et déverse sa rancœur. Non, il ne reste plus rien de ce qui était la plus grande nation du monde. Tout est fichu. Aujourd'hui, les Russes traînent dans les bistrots de Brighton Beach ou Coney Island à siroter les dernières gouttes de vodka. Reconnaissant un visage sur l'écran de télévision, il continue à s'enflammer ; ce fumier de Leon Rastovitch est sorti de prison. Le barman le reprend : personne ne parle ainsi de Rastovitch dans son établissement. Le vieillard l'envoie au diable ; lui, Alexander Baranovicth Formichenko, ne craint pas ce "cafard pourri". Le serveur lui enjoint de se taire, mais l'autre poursuit sa diatribe et ajoute que Rastovitch et ses amis sont des ordures qui souillent l'image de la Mère Russie. Ce sont des salauds de mafieux, qui osent affirmer être des soldats... 

"Mère Russie" n'a pas grand-chose à voir avec les albums précédents. Après le Viêt Nam et les origines, la mafia italo-américaine, et les gangs irlandais, le Punisher s'en prend aux Russes ; en fait, c'est même à la Russie qu'il s'attaque, à la demande de Nick Fury, le patron du SHIELD. S'il y a des exécutions sommaires lors des premières pages, elles sont utilisées comme prétexte pour l'auteur, qui laisse le crime organisé de côté pour proposer un récit rythmé, violent, plein de bonnes idées, avec une sacrée dose de testostérone, mais qui véhicule les poncifs de l'amitié masculine entre durs à cuire. Castle et Fury font équipe à des milliers de kilomètres de distance. Le second veut récupérer ce qu'il estime lui être dû et mettre la main sur une arme biologique. Fury a pour adversaires des officiers supérieurs américains qui pensent pouvoir tirer les ficelles dans l'ombre. Il fume des cigares sans se soucier de ceux que cela pourrait incommoder, boit du whisky, insulte les généraux malgré son grade de colonel, et il lui faut trois prostituées pendant la même nuit ; le fantasme du mâle américain crépusculaire dans toute sa splendeur, une véritable caricature. Ennis emmène Castle - et un indésirable avec qui il doit faire équipe - en Russie, au milieu de nulle part, dans une mission suicide et une énième déclinaison de Fort Alamo sur fond de tragédie nucléaire, voire de guerre mondiale. Le Punisher se fait sérieusement rosser, ce qui ne l'empêche pas d'empiler les cadavres. Les deux comparses montrent qui sont les patrons dans une conclusion du niveau d'une série B hollywoodienne qui dénote par rapport au ton des volumes précédents. Bien que certains enchaînements ne soient pas entièrement limpides, Braithwaite offre une partie graphique réussie avec une jolie variété dans les cadrages et de nombreux gros plans sur les visages ou les regards. Le trait réaliste de l'artiste est dynamique, plein de mouvement. Le découpage, original, présente, la plupart du temps, cinq cases qui occupent la largeur de la bande, avec pour effet un beau rendu cinématographique. 
La traduction est de Nicole Duclos, comme précédemment. Elle livre un travail satisfaisant, bien que le texte soit perfectible. Côté maquette, l'éditeur a regroupé les couvertures originales à la fin ; elles auraient dû être insérées en début de chapitre.

"Mère Russie" est un album à part, dans cette série. La conclusion et le décalage par rapport à l'ambiance de ce "Punisher" version MAX pourront laisser dubitatif. Mais dans l'absolu, les maîtrises du scénario, de l'action et du rythme restent exemplaires.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. À nouveau notre ressenti commence de la même manière : une direction peu prévisible, Frank Castle étant extrait de son milieu naturel, une conclusion grand spectacle, un très bon dessinateur (sauf peut-être pour le visage de la petite fille).

    En lisant cette histoire, je me suis demandé ce qu'elle apport au personnage, en gardant à l'esprit que Garth Ennis a fait œuvre d'auteur en dressant le portrait de Frank Castle. Avec ce point de vue, cette histoire montre la différence entre un vétéran (Castle) et un soldat avec peu d'expérience (Martin Vanheim). En outre, le permet de mettre en avant le code moral de Castle, ses motivations profondes et son sens de la stratégie, le tout dans des effusions de sang toujours aussi sadiques et inévitables. Nick Fury devient l'incarnation d'un chemin de vie que Castle n'a pas suivi. Ennis se sert à plusieurs reprises de ce dispositif, à la fois faire apparaître les valeurs de Castle pour le définir positivement, à la fois montrer des individus qu'il aurait pu devenir ce qui le définit en creux.

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    1. Ce titre m'a surpris, vraiment. J'avoue que je n'y vois rien de plus qu'une série B des années 80, avec deux quinquas qui exhibent leur virilité - surtout Fury. La gamine est utilisée pour souligner le côté paternaliste des deux vieux briscards.

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