vendredi 21 septembre 2018

Blake et Mortimer (tome 7) : "L'Énigme de l'Atlantide" (Blake et Mortimer ; avril 1957)

"L'Énigme de l'Atlantide" est le quatrième récit (du point de vue de l'historique de publication) de "Blake et Mortimer". Il fut prépublié dans la version belge du "Journal de Tintin", du 19 octobre 1955 (nº42) au 19 décembre 1956 (nº51). Le Lombard l'éditera en un album de soixante-deux planches, en avril 1957.
L'histoire a été entièrement produite par Edgar P. Jacobs (1904-1987), véritable légende du neuvième art, hélas trop peu prolifique ; il ne réalisera que onze albums pendant ses quarante-cinq ans de carrière. Jacobs collabora aussi avec Hergé sur "Tintin au Congo", "Tintin en Amérique", "Le Sceptre d'Ottokar", "Le Lotus bleu", "Les Sept Boules de cristal", "Le Temple du Soleil" et y dessinera notamment des décors ou du matériel.

Le professeur Mortimer est venu passer quelques semaines de vacances sur l'île de Saõ Miguel, dans l'archipel des Açores. Selon une très ancienne tradition, cet endroit serait l'un des sommets immergés de l'Atlantide, ce mystérieux continent évoqué par Platon dans ses "Dialogues", et qui aurait été englouti dans les profondeurs de l'océan Atlantique. Intrigué, Mortimer s'est lancé dans l'exploration des gorges de la vallée volcanique de Furnas. Il y a fait une découverte surprenante, au point qu'il a demandé de l'aide à son ami le capitaine Blake.
Mortimer est parti accueillir Blake à l'aéroport de Sant' Ana. Ils sont surveillés par un individu en costume, qui avertit ses deux complices d'un coup de sifflet discret ; ces derniers, penchés sur la voiture de location de Mortimer, ont juste le temps de terminer leur besogne. Blake et Mortimer ont une conversation animée ; la lettre que le scientifique a envoyée à son compagnon d'armes, et dans laquelle il expliquait sa découverte, a été dérobée. Vu l'intérêt du contenu de la missive, l'officier a prévenu l'Intelligence Service. Continuant à deviser, ils arrivent au véhicule et prennent la route en direction de Furnas. Goguenard, l'inconnu en costume les observe s'éloigner...

En 1955, la guerre froide bat son plein : le Pacte de Varsovie est signé, tandis qu'Eisenhower, le président américain, déclare qu'il maintiendra des forces en Europe aussi longtemps que nécessaire. Jacobs propose une grande aventure mêlant légendes antiques (celle de l'Atlantide), explorations archéologiques (la descente dans "o foro do diablo" - traduit en "trou du diable", dure douze ou treize pages), espionnage (une nation anonyme éprouve un intérêt prononcé pour la matière radioactive découverte par Mortimer), science-fiction, et conflit de civilisations (entre Atlantes et barbares), dans une œuvre qui doit certainement beaucoup au "Rayon U". Selon Wikipédia, il semblerait également que Jacobs se soit largement inspiré du récit "À l’assaut de l’Atlantide" (1953), écrit par Léopold Massiéra (1920-1999) et illustré Yves Mondet (1926-2004). Quoi qu'il en soit, "L'Énigme de l'Atlantide" est une histoire passionnante, pleine d'inventivité ; Jacobs crée pour l'occasion une gamme de véhicules futuristes qui stimule l'imagination. Il dépeint une société cachée (curieusement - ou pas, aucune femme n'est visible dans cette histoire) dont les progrès technologiques (médecine, alimentation, mobilité), issus de ce mystérieux minerai aux propriétés infinies, incitent à la rêverie. Mais le mal est présent, tapi dans l'ombre, sous la surface. L'action de "L'Énigme de l'Atlantide" est menée tambour battant dans un climat de suspicion ; nos deux héros vont être les grains de sable dans les engrenages d'une tentative de coup d'État qui conduit une civilisation au bord du désastre. La narration, hélas, souffre d'une surabondance de cartouches narratifs et l'auteur, certainement dans un souci d'utiliser un langage soigné, s'empêtre finalement dans des tournures compliquées, bancales et indigestes ; cela rend la lecture parfois laborieuse. Notons enfin que l'intrigue pâtit d'une invraisemblance importante (entre les planches 33 et 36, la feinte de la voix est éventée sur le tard, et le teint de peau de Blake et Mortimer n'est pas celui des "planos" atlantes). La partie graphique est splendide. L'artiste produit en moyenne treize, voire quatorze cases par planche (près de huit cents au total !) de son trait minutieux et soigné. La créativité des costumes, des uniformes, des véhicules ou des décors raviront le lecteur et la mise en couleurs du Studio Jacobs parachève cette réussite.

Cet album aux facettes multiples et à la partie graphique aboutie propose une intrigue captivante qui fait le grand écart entre légendes, mystères archéologiques et science-fiction. Il pâtit d'une narration indigeste, un frein au plaisir de lecture total.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Une gamme de véhicules futuristes qui stimule l'imagination - C'est une dimension de la narration visuelle à laquelle je suis très sensible, c'est-à-dire quand l'artiste se donne du mal pour proposer des éléments technologiques d'anticipation ou de science-fiction qui soient originaux et cohérents entre eux, au lieu de se contenter d'une technologie vaguement futuriste, passe-partout et sans réelle intelligence.

    Surabondance de cartouches - C'est le mal qui frappe également les comics des années 1960, une sorte de velléité de prétendre à la littérature par le biais de récitatifs plus prétentieux que bien tournés, et plus ridicules pour les comics que pour la BD franco-belge.

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    1. C'est curieux, parce qu'avant cette énième relecture, je considérais cet album comme le sommet de la série, devant "La Marque jaune". J'ai vraiment été agacé par le côté alambiqué des structures de certaines phrases.

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