"Arachnéa" est le vingt-quatrième volume de "Thorgal". Il est sorti aux éditions Le Lombard en avril 1999. C'est le premier tome d'un nouveau cycle, celui du "Viking errant", le septième.
L'histoire est de Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. Couverture, dessins et encrage sont réalisés par Grzegorz Rosiński, qui a annoncé quitter le titre en août 2018. La mise en couleurs est signée Graza Kasprzak. L'album compte quarante-six planches.
À l'issue du tome précédent, les mouettes, obéissant à Louve, poussent Hydalgor dans le vide. Thorgal retrouve sa famille, l'amour, la confiance d'Aaricia ; il décide qu'ils évacueront l'île.
Un jeune adonis, vêtu d'une simple tunique blanche, court vers le sommet des collines verdoyantes devant lui. En bas, quelques dizaines de mètres derrière lui, une demi-douzaine d'hommes armés de gourdins, l'air déterminé, semblent le pourchasser. L'inconnu fait face à une barrière, un écran de nuages entièrement opaques. Après une courte pause, il continue à avancer, d'un pas résolu. Ses poursuivants l'interpellent par son prénom, Kaléos, le suppliant de revenir et d'arrêter. Kaléos n'écoute pas. Les autres ne vont pas plus loin ; leur doyen leur rappelle que c'est interdit. Peu après, ils entendent le cri terrible de Kaléos, vraisemblablement tombé dans le vide. Pour les hommes, c'est un malheur. L'un d'eux regrette que ce "pauvre fou" ait préféré mourir dans les brumes du néant plutôt que les sauver. Pour l'aîné, il n'y a plus qu'à se résigner. Leur prêtre-roi choisira parmi eux un autre époux pour la divine Arachnéa. Ailleurs, en pleine mer, Thorgal, Aaricia, Jolan, Louve, Darek le Svear, Lehla et Muff se sont répartis en deux barques, qui sont reliées ensemble par une corde. Une tempête approche. Thorgal, pour pouvoir manœuvrer facilement, décide d'abandonner la seconde embarcation et ordonne à Jolan et Darek de les rejoindre dans la première...
"Arachnéa" est le premier des trois albums qui composent le "Cycle du Viking errant". Cet album est largement inspiré de la légende d'Arachné, même si Van Hamme y apporte sa touche personnelle. Dans la mythologie gréco-romaine, Arachné fut une jeune tisseuse tellement talentueuse qu'elle finit par provoquer l'ire et la jalousie d'Athéna. Devant le courroux de la déesse, Arachné préféra se donner la mort ; Athéna, cynique, la ressuscita sous la forme d'une araignée afin qu'elle continue à tisser. Van Hamme réutilise le cadre de la Grèce antique pour produire une intrigue linéaire dont la tension monte crescendo jusqu'au dénouement. Le scénariste recourt à des artifices ou des mécanismes connus ou largement éprouvés. Il sépare tout d'abord Thorgal des siens, une nouvelle fois (avec le risque que ça devienne lassant), à l'exception de Louve, qui ne demeure avec son père que le temps de quelques pages. Celui de l'arachnophobie, ensuite ; le lecteur restera difficilement indifférent au sort de la jeune Louve, poursuivie par une multitude d'araignées toutes aisément plus grosses que la paume de sa main, jusqu'à la chute dans la toile immonde et la terreur d'être avalée par une créature de cauchemar. L'auteur joue également sur la réelle identité de l'une des principales interlocutrices, Séréna, un artifice narratif déjà utilisé dans "La Forteresse invisible" avec le personnage de la Walkyrie Taïmyr, alias Alayin. Pour le reste, il s'agit d'une énième fable sur le pouvoir, avec un nouvel élément, peut-être, celui du maintien volontaire des masses dans l'ignorance avec, pour prétexte, leur bonheur, leur prospérité et leur sécurité. La partie graphique est satisfaisante et tire l'intrigue vers le haut; Rosinski demeure au sommet et insuffle ce qu'il faut d'émotion à son style (faire le parallèle entre la tête de l'araignée en planche 39 et celle d'Arachné en 42). L'artiste produit entre cinq et neuf cases par planche et varie la densité de son découpage avec métier. Si une ou deux vignettes de la première planche semblent avoir été hâtivement exécutées, les quatre du naufrage sont remarquables de réalisme. Notons l'impressionnante mise en couleurs de Graza, qui crée l'atmosphère adéquate à chacun des endroits visités par Thorgal, des vergers et vignes fertiles de la surface aux tunnels sombres, gris, et tapissés de toiles d'araignées, jusqu'aux galeries du volcan.
Nouveau tome, nouveau cycle. "Arachnéa" est décidément loin des sommets d'une série qui recycle, depuis un moment, de nombreuses astuces narratives. Van Hamme est cependant trop expérimenté pour se laisser aller à produire un album médiocre.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Le scénariste recourt à des artifices ou des mécanismes connus ou largement éprouvés. - J'ai la flemme d'aller vérifier, mais il me semble que ce n'est pas le premier album pour lequel tu observes un scénario qui reste sur un chemin bien balisé, comme tu le soulignes d'ailleurs dans ta conclusion. Cette question du chemin bien balisé, je me la suis posée à plusieurs reprises pour la série Fables de Bill Willingham, me demandant si j'y revenais uniquement pour le confort d'une mécanique bien rodée, ou pour les qualités de conteur de l'auteur. Avec le recul, il s'agissait de la deuxième hypothèse.
RépondreSupprimerMerci pour l'évocation mythologique, car je ne connaissais pas ce concours de tisseuses.
C'est exact ; j'en ai fini par penser que c'était le mode opératoire de Van Hamme pour ses séries-fleuves, c'est-à-dire que l'inspiration est centrée sur les premiers tomes, et le reste est avant tout du recyclage. Van Hamme a des difficultés à renouveler les univers qu'il crée, que ce soit "Thorgal" ou "XIII", sans doute par peur de prendre des risques avec un titre établi.
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