"Eidolon" est le second volume de la nouvelle série consacrée à James Bond. En VO, "James Bond" est un mensuel publié chez Dynamite Entertainement, sous licence Ian Fleming Publications depuis novembre 2015. En Francophonie, c'est Delcourt qui a récupéré les droits. Le second tome est un album à couverture cartonnée (au format 18,9 × 28,3 cm), sorti en France en avril 2017, dans la collection Contrebande de l'éditeur. Il comprend le deuxième arc du titre, "Eidolon", qui est composé des numéros #7 à 12 (juin-décembre 2016) et qui compte cent trente planches.
Le scénario a été écrit par Warren Ellis. Le Britannique est connu pour "Transmetropolitan", "Planetary", "The Authority", ou "Iron Man Extremis", entre autres. Les illustrations, l'encrage et la mise en couleurs ont été réalisés par Jason Masters, qui a œuvré pour DC Comics, sur certains titres de la franchise Batman.
Un bureau, dans la pénombre. Des stores vénitiens sont légèrement entrouverts et laissent filtrer un peu de lumière. Au centre de la pièce, un homme est attaché à une chaise. Derrière lui se tient un individu dont le visage n'est pas visible. Le prisonnier proteste, et se veut rassurant, comme si rien de grave ne s'était passé. Certes, il a commis une ou deux erreurs, mais il s'agit d'opérations financières complexes. D'ailleurs, c'est pour ça que son interlocuteur l'a embauché. Et puis, tout le monde n'a pas le niveau requis. Il n'a fait que quelques petites boulettes. L'argent est bien là, et il se déplace dans le système. L'autre lui reproche d'avoir mis le projet en péril. Le comptable essaie de le convaincre en l'appelant par son nom, Hawkwood ; tout est en ordre. Il faudrait être un génie de la finance pour repérer les minuscules étourderies des dernières transactions. Hawkwood est furieux ; il a osé prononcer son nom à voix haute ? Alors qu'il a compromis son affaire ? Qu'il a exposé son argent ? Qu'il a mis son avenir en danger ? Qu'il l'a rendu visible ? À ces mots, son visage défiguré émerge de l'ombre. Le captif ricane ; il vient de saisir en quoi l'idée de pouvoir être vu ne plaisait pas à son client...
"Eidolon" est un arc indépendant ; il sera néanmoins utile de lire "Vargr", le premier tome, afin de comprendre les références des dialogues. Ellis, pour son scénario, se serait inspiré d'un roman d'Umberto Eco (1932-2016), "Numero zero" (2015). Dans cet arc, l'auteur plonge Bond - de Londres à Los Angeles - dans une guerre de l'ombre entre le MI6 et une cellule dissidente du MI5 menée par un agent déchu. À l'instar de "Vargr", l'intrigue est riche en action. Bond, dans ce recueil, cogne et flingue à tout va, se frotte à la CIA, et s'offre même une séance peu ragoutante de torture au cutter. Il retrouve un personnage emblématique de la série, l'agent de la CIA Felix Leiter ; l'auteur glisse là une référence au film "Licence to Kill" (1989). "Eidolon" est un scénario qui recèle de nombreux moments forts ; la qualité de l'écriture est indéniable, le rythme est maîtrisé, les dialogues sonnent juste, mais le dénouement pourra laisser sceptique, malgré un adversaire charismatique. Graphiquement, Masters offre un trait réaliste, mais froid. Le lecteur pourra se demander si certains décors, certains fonds de case n'ont pas été effectués par ordinateur. Les traces des projectiles ou des coups de poing ou pied sont impressionnantes (Masters en détaille parfois l'impact sur l'anatomie dans des vignettes en insertion), et l'artiste ne lésine pas sur les effets-chocs, tout en parvenant à éviter le piège de l'ultra-spectaculaire caricatural. Les courses-poursuites ou les bagarres, bien que souvent comme figées, sont séquencées avec un découpage cinématographique remarquable, comme le démontre la scène de l'ascenseur. Les affrontements par armes à feu ou au corps à corps sont sans paroles, ce qui accroît leur réalisme et focalise l'attention du lecteur sur l'action. Les visages sont expressifs, les plans sont variés. Enfin, notons que les troisième et quatrième tomes sortis chez Delcourt, respectivement "Hammerhead" et "Kill Chain", sont des récits indépendants hors série. L'arc suivant attend toujours. Il sera écrit par Benjamin Percy et devrait être intitulé "Black Box".
Le travail de traduction de Philippe Touboul est irréprochable, comme dans "Vargr". Du côté de la maquette, il est regrettable que les couvertures des numéros VO aient été regroupées en fin d'album plutôt que d'être intercalées entre les épisodes.
"Heidolon" est un arc solide qui se révèle souvent captivant. Malgré le talent évident de l'artiste, il pâtit d'une partie graphique froide et parfois figée, et - surtout - d'un adversaire dont la médiocrité des ambitions et les limites de la folie déçoivent.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
Cette fois-ci, James Bond déguste un verre de bourbon whiskey Woodford Reserve double boisé.
RépondreSupprimerComme toi, je présume que Jason Masters a travaillé avec un logiciel de modélisation 3D, pour un rendu assez froid. Warren Ellis s'est investi dans les références concrètes que ce soit pour les armes (la carabine Diemaco C8 avec un UGL, ou la bombe thermobarique) et dans les véhicules (le modèle Mercedes-Benz Classe S 600). La mise en scène m'a épaté, comme par exemple au début de l'épisode 9 quand les 2 agents du MI6 se déplacent pour pouvoir neutraliser Eve Sharma si nécessaire. C'était le manque d'émotion qui m'avait retenu de mettre une cinquième étoile.
Je n'ai pas lu les tomes suivants. Je me laisserais peut-être tenter par celui écrit par Ales Kot.
On est quand même loin de "On Her Majesty's Secret Service", dans lequel il consomme 46 boissons alcoolisées !...
RépondreSupprimerVoir : https://en.wikipedia.org/wiki/James_Bond_(literary_character)#Tastes_and_style
Je ne sais pas si je lirai les tomes suivants, puisqu'ils ne s'inscrivent pas dans vraiment dans la série. Sans doute. L'arc de Kot sera une mini-série indépendante du titre, tout comme les deux tomes signés Diggle, "Hammerhead" et "Kill Chain".