lundi 21 janvier 2019

La Mort de Superman (tome 1) : "Un monde sans Superman" (Urban Comics ; juin 2013)

"La Mort de Superman" est une saga en deux volumes parus dans la collection DC Essentiels d'Urban Comics en 2013. Le premier, "Un monde sans Superman", est sorti en juin 2013. Cet album à couverture cartonnée compte approximativement cinq cent vingt planches. L'événement concernant plusieurs titres, ce tome reprend les épisodes VO - intégraux ou en extraits - "Superman: The Man of Steel" #17-21 (de novembre 1992 à mars 1993), "Superman" #73-77 (idem), "Adventures of Superman" #496-500 (novembre 1992 à juin 1993), "Action Comics" #683-686 (novembre 1992 à février 1993), "Justice League America" #69-70 (décembre 1992 et janvier 1993), et, enfin, le "Legacy of Superman" #1 (mars 1993).
Les "Superman: The Man of Steel" sont signés par Louise Simonson (scénario) et Jon Bogdanove (dessins), les "Superman", par Dan Jurgens (S et D), avec l'assistance de Brett Breeding (D) sur un numéro, les "Adventures of Superman", par Jerry Ordway (S) et Tom Grummett (D), les "Action Comics", par Roger Stern (S) et Jackson Guice (D), les "Justice League America", par Jurgens (S et D), et "Legacy of Superman", par Stern (S), avec Denis Rodier (D).

Un poing massif et ganté frappe avec force et sans relâche contre une paroi métallique blindée. Le reste du bras est entouré de câbles d'acier. Les coups contre le mur se font de plus en plus puissants. Au fur et à mesure des impacts, le tissu du vêtement se déchire et laisse apparaître des protubérances osseuses sur des mains impressionnantes. Un premier pan finit par céder. Tout en haut, à l'extérieur, les oiseaux prennent leur envol et fuient l'endroit, un paysage idyllique perdu dans un écrin de nature verte et montagneuse. Un cerf détale tandis que la terre tremble et que le rythme des chocs se fait de plus en plus menaçant. La créature à l'origine de cette inquiétante manifestation, revêtue d'une combinaison intégrale, se fraie un chemin à la force du poing gauche (l'autre étant resté attaché dans son dos par des filins), mais cette fois-ci à la verticale, toujours sans la moindre lassitude, jusqu'à ce qu'elle arrive enfin à la surface et la liberté...

Au début des années quatre-vingt-dix, les ventes de la franchise "Superman" baissent. Le projet de mariage entre Superman et Lois étant reporté, DC Comics imagine la mort Superman. La saga se découpe en "Doomsday", "Un monde sans Superman", et "Le Règne des Supermen", les deux premières faisant l'objet de ce recueil. "Doomsday" narre l'itinéraire d'une abomination que rien ne peut arrêter. Les seconds couteaux de la Ligue de Justice interviennent, mais se font décimer. Lorsque Superman entre en scène, il comprend qu'il devra aller jusqu'au sacrifice. C'est dans ces pages moralisatrices que les auteurs évoquent le désamour du jeune public, incarné par Mitch, pour l'icône. Après le déni, "Un monde sans Superman" décrit une Metropolis à la dérive à la mort de son héros ; à l'exception du Gardien, la relève consiste en des justiciers maladroits et sans charisme. Lex Luthor et des agences gouvernementales veulent récupérer le corps du Kryptonien, pour le cloner ou le protéger. La naïveté fait place au cynisme et au pragmatisme. Il y a ici d'excellentes idées, mais il manque une vraie cohérence artistique et narrative, et surtout, de l'émotion, l'œuvre en étant dépourvue. Lois Lane ou les Kent ont beau exhiber leurs larmes, cela ne remue point, car les scénaristes, à travers les séries connectées, multiplient les sous-intrigues dans des ambiances très diverses (y compris le comique poussif de Sous-Terre ou des Petits Rapporteurs), empêchant l'approfondissement d'une atmosphère tragique. Les moments intimistes sont réduits à une planche çà et là, la saga étant avant tout conçue comme un spectacle d'action (le "Superman" #75 rien qu'en pleines pages pour impressionner, Lois experte en corps-à-corps), dans lequel les auteurs démontrent que Superman n'est pas un acquis éternel, et qu'ils peuvent en priver les lecteurs et le remplacer par des alternatives médiocres, éphémères. La partie graphique est d'un niveau franchement satisfaisant en moyenne, grâce à Jurgens, Grummett, et Guice. Bogdanove présente un trait moins classique.
La traduction est effectuée par Edmond Tourriol et Jean-Marc Lainé. Leur travail sur le texte est honorable, bien que celui-ci comporte malheureusement quatre fâcheuses fautes (conjugaison, accord), et une coquille. La maquette a été soignée.

Malgré de bonnes idées, "Un monde sans Superman" est victime d'un certain maniérisme, d'un manque d'émotion, et d'un trop-plein de séries connectées. Le lecteur ne pourra que s'imaginer l'œuvre qui aurait pu germer d'un fil conducteur plus marqué.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. La saga étant avant tout conçue comme un spectacle d'action. - Oui, c'est l'enjeu de créer du grand spectacle pour attirer le lecteur, pour être en phase avec le concept d'événement.

    Les auteurs démontrent que Superman n'est pas un acquis éternel, et qu'ils peuvent en priver les lecteurs et le remplacer par des alternatives médiocres, éphémères. - Je n'y avais jamais pensé en ces termes, et pourtant c'est une interprétation qui jette un éclairage très intéressant. Il est vrai que je ne l'avais pas vécu comme ça, parce qu'une partie des remplaçants (comme Gangbuster, les petits rapporteurs) étaient déjà des personnages secondaires réguliers. Du coup, il était satisfaisant de les voir bénéficier du devant de la scène le temps de quelques épisodes.

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    1. L'absence d'émotion reste pour moi le point le plus marquant.
      Je garde un souvenir bien meilleur du second tome ; j'en reparlerai en temps voulu.

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